Après avoir connu une crise passagère d'intensité relative comparée à celles traversées par d'autres pays développés, les prix des logements et plus généralement de l'immobilier en France ont retrouvé leur niveau d'avant-crise. Dans les zones les plus tendues, où la demande de logements est nettement supérieure à l'offre, les prix ont même largement dépassé ceux de 2008. L'exemple le plus frappant reste celui de la capitale française. Selon les chiffres publiés par les notaires, au troisième trimestre 2008, le prix du mètre carré parisien était de 6.600 euros, retombé à 6.020 euros au 2e trimestre 2009, il a atteint un pic au 3e trimestre 2011 avec 8.360 euros/m². Toujours selon la Chambre des notaires de Paris et d'Ile-de-France, les prix des logements anciens ont ainsi cru de 48 % en 5 ans.
Aujourd'hui, la tendance est à la décrue. Selon la quasi-totalité des professionnels du marché immobiliers, la hausse des prix est terminée. Toutefois, les incertitudes sur leur évolution demeurent. Century 21, réseau d'agents immobiliers va même jusqu'à anticiper une légère croissance de 2 % à 3 % en 2012 alors que la grande majorité, y compris la FNAIM, prévoit une baisse généralisée mais relativement légère des prix qui ne devrait pas dépasser 5 %. D'ailleurs, MeilleursAgents.com, qui sélectionne pour le compte des vendeurs les « meilleurs agents immobiliers locaux », a constaté un léger repli des prix en fin d'année dernière y compris à Paris. « Après la hausse surprise d'octobre, le prix moyen du m² a baissé de 0,4% à Paris en novembre. » note MeilleursAgents.com. « L'atterrissage des prix parisiens a, d'après nous, déjà commencé. Pour 2012, il est difficile d'envisager un quelconque scenario haussier. Mais le climat d'incertitude généralisé nourrit une forte demande pour la pierre-valeur refuge. Cela écarte pour le moment, sauf remontée des taux, tout scenario de baisse importante et rapide des prix à Paris » explique Sébastien de Lafond, Président et fondateur de MeilleursAgents.com.
Cette incertitude sur l'évolution des prix en 2012 n'est pas l'apanage de Paris et plus généralement de la région Ile-de-France. Bien que très contrasté le marché immobilier ou plus exactement les marchés immobiliers en France sont en phase d'atterrissage. Dans certaines régions non tendues cette étape a déjà commencé depuis plusieurs mois. Le pôle de recherche en économie de l'EDHEC s'est intéressé au sujet. Dans une étude réalisée par l'EDHEC, Stéphane Gregoir, directeur, pôle de recherche en Economie, EDHEC Business School Directeur de la recherche, EDHEC Business School et Tristan-Pierre Maury Directeur adjoint de recherche, pôle de recherche en Economie, EDHEC Business School, tentent d'anticiper la tendance du marché immobilier parisien grâce à des indicateurs avancés moins couramment étudiés mais qui ont déjà fait leurs preuves sur le marché immobilier US.
« Après deux années de baisse en 2008 et 2009 suivies d'une reprise marquée, de fortes incertitudes pèsent à nouveau sur les évolutions à venir des prix de l'immobilier à Paris. » constatent les deux chercheurs de l'EDHEC. C'est pourquoi ils ont décidé de déterminer « des indicateurs avancés permettant d'anticiper la dynamique future des prix. » Les auteurs se sont plus particulièrement intéressés à l'évolution des rendements locatifs qui selon eux affecte celle des prix des logements. Afin d'affiner leurs recherches, les deux auteurs ont souhaité déterminer « dans quelle mesure les rendements locatifs (ratios loyer sur prix) fournissent des informations pertinentes sur les tendances futures des marchés immobiliers. »
Grâce aux bases individuelles et détaillées sur les loyers et les prix de vente, Stéphane Grégoire et Tristan-Pierre Maury ont démontré « le pouvoir prédictif » du rendement locatif qu'ils rapprochent de celui du dividende par action largement utilisé dans le domaine de la finance. Selon eux « les rendements locatifs sont un des facteurs qui affectent l'évolution des prix de l'immobilier à moyen terme (à un horizon de 3 à 6 ans), à côté d'autres facteurs comme les taux d'intérêt. » Les résultats de leur enquête montrent que lorsque le ratio loyer sur prix est localement et/ou temporairement élevé, cela signifie que le prix d'achat est sous-évalué. Ces rendements locatifs forts ont donc tendance à terme à attirer de nouveaux acheteurs/investisseurs et à contribuer à une hausse des volumes de transactions et des prix locaux dans le futur. L'impact de ce facteur n'est toutefois pertinent qu'à condition de réaliser une étude très localisée des marchés immobiliers. Si l'on cherche à anticiper la tendance des prix de l'immobilier de Paris sur la période 2010-2012, les rendements locatifs observés sur la période 2004-2007 ont un impact. Néanmoins, l'étude montre que « leur ampleur s'est contractée, ce qui laisse anticiper une contribution en recul de ce facteur à l'évolution des prix. »
Ainsi, depuis 2006, les auteurs de l'étude observent une baisse continue des rendements locatifs sur l'ensemble des arrondissements parisiens. En moyenne, il est passé de 5,14 % en 1997 à 2,49 % en 2004. Une chute de rendement que les chercheurs attribuent à la forte hausse des prix sur l'ensemble de la période [1996-2007] : plus de 164 % de hausse sur les prix des appartements anciens contre seulement 40 % pour les loyers. Ecart partiellement dû à la forte régulation pesant sur l'évolution des baux locatifs privés. A l'inverse, les rendements en capital ont fortement augmenté pour atteindre des seuils proches de 10 % depuis 2002. Mais les économistes ont également observé de fortes disparités entre les arrondissements de la capitale. Historiquement, les arrondissements les moins chers de Paris sont également ceux où les ratios loyer sur prix sont les plus élevés. Encore une fois l'étude démontre que des ratios loyer sur prix élevés sont bien annonciateurs de hausses de prix supérieures à la moyenne à l'horizon 3 ou 6 ans.
Pour les deux chercheurs « Prévoir les prix de l'immobilier est un exercice difficile car ce marché est très particulier. Les biens qui y sont échangés sont uniques, indivisibles et leur transaction est coûteuse ; l'information sur la situation des marchés par localisation et structure de biens et sur la nature de ces derniers à la disposition des acheteurs et des vendeurs est parcellaire et souvent asymétrique. Différents facteurs affectent naturellement les prix. Certains sont macroéconomiques : il s'agit des taux d'emprunt, des anticipations de revenus et de leurs incertitudes, des pressions démographiques. D'autres sont propres aux marchés très étroits par leur localisation ou la nature des biens recherchés et très variables. Nous avons pu illustrer en travaillant à un niveau géographique très fin que les rendements de l'immobilier à Paris sont comme aux États-Unis un facteur constitutif des prix. »
« A l'horizon de 6 ans, ils contribuent pour plus de la moitié à leur variation. Sur la période 2010-2012, au vu des évolutions en retrait des rendements locatifs parisiens sur le passé récent, les prix de l'immobilier ne seront pas soutenus par ce facteur. Ils contribueront ainsi que la hausse du coût des emprunts et la mauvaise orientation des anticipations de revenus négativement à l'évolution des prix de l'immobilier en moyenne. » concluent-ils.
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