Richard Chalier, Directeur Technique et Associé Fidroit.
Plus-values immobilières, plus-values boursières, contrats d'assurance-vie, PEA, rétroactivité fiscale...Quelles sont les mesures fiscales auxquelles vont devoir faire face les contribuables après l'adoption du projet de loi de finances 2014 ? Afin d'y voir plus clair Sicavonline a fait appel à un expert de la fiscalité, Richard Chalier, Directeur Technique et Associé Fidroit.
Richard CHALIER :Toute une série de décisions fiscales dévoilées en fin d'année vont effectivement s'appliquer aux revenus encaissés depuis le 1er janvier. Heureusement, certaines de ces mesures sont favorables aux contribuables. Par exemple, l'abattement pour durée de détention sur les plus-values mobilières serait porté de 40 % au-delà de 6 ans à 65 % après 8 ans. Dans le même temps, ce même régime défavorise certains contribuables. Les titulaires d'OPCVM (Sicav ou FCP) non éligibles à l'abattement version loi de finances 2014 ne vont tirer aucun profit de ce dispositif corrigé. En effet, les personnes ayant cédé des Sicav diversifiées, n'intégrant pas 75 % de titres éligibles, depuis le 1er janvier 2013, seront taxées selon leur tranche marginale d'imposition, soit jusqu'à 45 %, quelle que soit la durée de détention de ces fonds. Est-ce que cela est gênant sur le plan juridique ? Non. Aucune règle ne prescrit cette forme de rétroactivité. Il faut admettre que la loi de finances 2014 fixe les règles applicables aux revenus encaissés en 2013. Chaque année, le même phénomène apparaît, regrettable pour les investisseurs mais conforme à la loi.
La mise en place d'un nouveau régime de taxation des plus-values immobilières est une parfaite illustration des excès actuels. Ce nouveau régime fiscal, certes favorable aux propriétaires, pas encore approuvé par les parlementaires, est néanmoins applicable depuis le 1er septembre 2013. Le fait d'imposer une règle à un instant T alors que la loi correspondante n'est même pas votée est délicat. Le nouveau régime de taxation des plus-values immobilières repose sur une simple instruction administrative émanant des services de Bercy. La hiérarchie des normes n'est ici pas respectée à la lettre, ce qui pose un vrai souci de légalité. Imaginons que la loi de finances 2014 ne vienne pas « légaliser » le nouveau régime d'imposition des plus-values immobilières a posteriori . Qu'adviendrait-il alors de tous ceux qui auraient appliqué le nouveau régime fiscal entre-temps ? Certes, la publication d'une instruction administrative rend le nouveau régime opposable à l'administration, mais ce genre de pratique génère une instabilité fiscale très néfaste.
Ce manque de cohérence fiscale génère une lassitude générale et nuit aux stratégies d'investissement de long terme. D'autant plus que la fiscalité n'est pas la seule contrainte imposée aux propriétaires. Les propriétaires de logement sont également dans le viseur de la loi Duflot. Cette loi, en cours d'examen, contraignante pour les bailleurs, ne donne pas un signal extrêmement positif aux investisseurs.
Nos législateurs ont pris l'habitude de justifier les hausses d'impôts et plus généralement toute modification fiscale par le biais de deux explications : la justice fiscale et/ou le souci de simplification. Or, la simplification n'est pas toujours évidente à appréhender. En réalité, les autorités ont une fâcheuse tendance à mettre en place de nouveaux dispositifs fiscaux encore plus compliqués que les anciens. A un moment donné l'excès de complexité est absolument nuisible.
Jusqu'à présent, les gains générés sur un contrat d'assurance-vie multisupports ouvert avant 1997 bénéficient d'un régime spécial en matière de prélèvements sociaux (CSG, CRDS...) en plus d'être exonérés d'impôt sur le revenu. Au lieu d'être taxés au taux en vigueur au moment du retrait (15,5 %), les gains liés aux primes versées jusqu'au 25 septembre 1997 sont taxés aux prélèvements sociaux en fonction de leur date de réalisation à un taux historique. On doit donc décomposer les gains par date d'acquisition pour leur appliquer le taux en vigueur à l'époque (0,5 % du 1er février 1996 au 31 décembre 1996, 3,9% en 1997, 10 % du 1er janvier 1998 au 30 juin 2004...pour arriver à 15,5 % au 1er juillet 2012). Les autres gains réalisés sur des contrats multisupports liés à des versements effectués depuis le 26 septembre 1997 sont déjà taxés au taux de 15,5 %. En matière d'assurance-vie, ce mode d'imposition à un taux historique pose un vrai souci technique de calcul aux compagnies d'assurances, qui l'appliquent avec plus ou moins « d'efficacité ». La nouvelle règle proposée par le gouvernement consiste à exonérer les gains acquis avant le 1er janvier 1997 et à imposer au taux en vigueur au moment du dénouement, soit actuellement 15,5 % les gains acquis par la suite, quelle que soit la date de versement des capitaux. Pour une fois, la nouvelle mesure a le mérite d'être plus simple que l'ancienne. Elle a aussi et surtout pour conséquence de renchérir de façon significative la taxation des épargnants et d'avoir un effet rétroactif non nul. En pratique, les titulaires de contrats d'assurance-vie anciens sont susceptibles d'avoir à régler une taxation complémentaire en cas de rachat à partir du 26 septembre 2013 non neutre. L'augmentation des prélèvements sociaux pourraient, selon les cas, atteindre 20 %, 30 % voire 40 % en plus de la facture initialement prévue.
Si le gouvernement et les parlementaires se limitent à harmoniser par le haut le taux des prélèvements sociaux, l'assurance-vie conservera ses avantages. Mais ce n'est peut-être que la première étape d'une réforme globale de l'assurance-vie. Un aménagement au travers de la loi de finances rectificative pour 2013 a été annoncé par le ministre de l'Economie. Dans ce contexte, il m'apparaît indispensable de préciser que l'assurance-vie est certes comparativement privilégiée, mais aussi qu'elle est moins avantageuse qu'elle a pu l'être par le passé. A force d'éroder ses avantages, l'assurance-vie pourrait perdre petit à petit son attractivité globale. L'assurance-vie conserve de beaux atouts comparativement à d'autres placements. C'est notamment l'un des seuls placements qui continuent à profiter d'un prélèvement libératoire, ce qui pour les contribuables soumis aux plus hautes tranches du barème de l'impôt sur le revenu représente un avantage réel.
Quasiment tous les placements sont soumis aux prélèvements sociaux aux taux de 15,5 %, seuls y échappent encore les produits d'épargne réglementée (livret A, Livret Jeune, LDD et LEP). Il semble désormais difficile d'échapper aux prélèvements sociaux. Néanmoins, les contribuables disposent encore de moyens pour contourner la taxation. Par exemple, le régime de loueur en meublé non professionnel (LMNP) permet grâce au jeu des amortissements de limiter la base des prélèvements sociaux tout en percevant des revenus. Avec une base taxable nulle ou quasi nulle les prélèvements sociaux sont neutralisés.
Aujourd'hui, le PEA retrouve des couleurs au même titre que l'assurance-vie pour une raison très simple : un cadre fiscal permettant d'arbitrer en franchise d'impôt. Or, aujourd'hui le régime fiscal des plus-values mobilières est devenu très pénalisant pour tous ceux qui agissent en dehors d'une enveloppe fiscale. Vendre des actions détenues à l'intérieur d'un compte-titres depuis moins de deux ans, c'est prendre le risque de voir sa plus-value intégralement imposée à la tranche marginale d'imposition maximale de 45 % sans abattement. Moralité, détenir des actions ou des fonds via un PEA, un PEA-PME, un contrat d'assurance-vie et/ou un contrat de capitalisation permet de gérer activement son portefeuille sans plier sous le poids de l'impôt.
Oui et non. Comme je l'ai mentionné auparavant, le PEA, du point de vue exclusivement fiscal, demeure plus avantageux que le compte-titres. Gérer activement ses investissements boursiers nécessite de s'orienter vers le PEA, l'assurance-vie et/ou un contrat de capitalisation. Avec la réforme proposée par le gouvernement, le compte-titres peut retrouver un intérêt pour ceux qui conservent leurs titres sur une période relativement longue, attendu qu'après 8 ans de détention, l'assiette de la plus-value est réduite de 65 %.
A partir du 1er mars 2014, les plus-values sur cession de terrain à bâtir seront imposées sans abattement pour durée de détention. Les propriétaires de terrain à bâtir ont donc intérêt à précipiter les ventes d'ici la fin de l'année. De la même manière, les chefs d'entreprise ayant pour projet de partir à la retraite gagneraient à vendre leur outil de travail avant 2014. En 2013, selon l'avancée actuelle du texte, le cédant bénéficie, sous certaines conditions, d'une exonération d'impôt sur l'ensemble de la plus-value réalisée. L'an prochain, seule la vente de petites entreprises sera totalement exonérée d'impôt sur le revenu. Le montant de la plus-value imposable devrait être uniquement amputé de 500.000 euros, le surplus du gain faisant l'objet d'une taxation. Je crains également que d'autres mesures viennent réduire les atouts fiscaux de l'assurance-vie. Plusieurs rumeurs circulent : réduction de l'abattement de 152.500 € sur les capitaux décès, rehaussement du prélèvement libératoire de 7,5 % à 10 % après 8 ans... (NDLR : Pierre Moscovici vient de confirmer dans un article du journal Les Echos, la présence d'un chapitre consacré à l'assurance-vie dans le projet de loi de finances rectificative 2013 »). Le projet de loi de finances rectificative 2013 pourrait également valider l'intégration de la capitalisation des fonds en euros, plus exactement la base des prélèvements sociaux, dans les revenus servant à déterminer le plafonnement de l'ISF. Toute une série de mesures fiscales complémentaires sont encore en attente. Nous ne sommes pas à l'abri de revirements inattendus.
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