Après un bilan 2015 globalement positif sur le marché de l’immobilier, les notaires se demandent si l’on n’assiste pas aujourd’hui à ce que l’on a pu constater en 2011, année où les transactions et les prix de l’immobilier ont subitement augmenté. Une lecture prospective du marché immobilier que ne partage pas Olivier Eluère, économiste à la direction des études économiques du Crédit Agricole.
La récente et subite augmentation du nombre de transactions immobilières, observée par les notaires de France, augure-t-elle un renversement de tendance pérenne ? Autrement dit, les ventes de logement et les prix immobiliers vont-ils poursuivre leur redressement en 2016 ?
Sur les neuf premiers mois de l'année 2015, en attendant ceux du dernier trimestre, le bilan des notaires de France et de l'Insee plaide en faveur de la reprise. Entre le 2ème trimestre et le 3ème trimestre 2015, les prix immobiliers ont franchi un cap. L'indice Notaires-Insee affiche une légère hausse de +0,3 %. Malgré ce sursaut, les prix des logements anciens (corrigés des variations saisonnières) reculent sur l'ensemble de l'année, tout en constatant que l'ampleur de la baisse se contracte. Entre le 3ème trimestre 2015 et le 3ème trimestre 2014, les prix reculent de -1,7 % contre 2,7 % au trimestre précédent (2ème trimestre 2015 et 2ème trimestre 2014).
La tendance observée masque néanmoins des disparités.
En Ile-de-France, les notaires enregistrent un redressement des prix des logements anciens entre le deuxième et le troisième trimestre 2015 (+0,8 %, après -0,4 %). Sur un an, les prix restent là aussi orientés à la baisse, mais son rythme est moins soutenu. Les prix des logements reculent de -1,2 % par rapport au troisième trimestre 2014, contre -2,5 % au deuxième trimestre. La baisse du prix des appartements (-1,3%) est un peu plus forte que celle du prix des maisons (-1,1%).
En province, les prix des logements anciens sont stables au troisième trimestre 2015 avec une progression de +0,1%, après avoir reculé de -0,5% précédemment. A l'instar de ce qui a été observé en Île-de-France, la baisse annuelle des prix s'atténue. Selon les chiffres Insee-Notaires, les prix sont en baisse de -1,9% par rapport au troisième trimestre 2014, contre -2,8% au deuxième trimestre.
L'analyse des prix médians par département confirme également le mouvement observé le trimestre dernier, avec une reprise sur le marché des maisons anciennes et une baisse sur celui des appartements anciens.
A la lueur des indicateurs avancés, les notaires « anticipent une légère hausse des prix en 2016. » A fin février 2016, les agents ministériels tablent sur une évolution de +0,4 % pour les appartements anciens et de +1,4 % pour les maisons.
A Paris, les notaires n'anticipent pas de fortes variations des prix des logements au cours des mois prochains. En petite couronne, les prix au m² des appartements devraient encore « s'éroder pour retrouver leur niveau d'un an auparavant. En grande couronne, le prix des maisons est attendu en hausse de près de 4 % en un an en janvier 2016. »
Les évolutions des prix des logements vont encore « sensiblement varier d'un marché à l'autre ». Les mouvements baissiers devraient toutefois peu à peu s'assécher grâce à la reprise des ventes amorcée mi-2015. En novembre 2015, le nombre de transactions réalisées au cours des douze derniers mois est estimé à 792 000, en hausse de 12,5 % sur un an. Un tel niveau n'avait pas été atteint depuis le printemps 2012.
En dépit de cet apparent retour de la fluidité, observé depuis le printemps 2015, les notaires restent nuancés. « La hausse des volumes doit être relativisée. En Ile-de-France, sur une année glissante, les volumes restent ainsi inférieurs de 10 à 15 % par rapport aux niveaux connus dans les meilleures années de la période 1999-2007. Sur l'ensemble des départements de province, les mêmes chiffres sont inférieurs de 8 %. »
Dans ces conditions, les notaires estiment qu'il faut « attendre une confirmation de cette tendance avant d'évoquer une reprise bâtie sur de solides fondations. »
Malgré les doutes subsistants, les notaires répertorient un certain nombre d'éléments susceptibles de consolider la reprise du marché immobilier. Même s'ils n'évoquent pas encore « un alignement des planètes », les notaires mettent en avant un faisceau d'éléments favorables :
• les taux d'intérêt restent bas et, dans l'hypothèse d'une remontée, les acquéreurs potentiels hésitant encore se décideraient vraisemblablement avant qu'ils ne deviennent trop chers ;
• le stock de biens à vendre reste important ;
• la reprise économique constatée en Europe devrait entraîner un regain de confiance.
Les aides, notamment fiscales, qui viennent en soutien de l'effet de levier provoqué par la baisse des taux, devraient également avoir un effet positif. Les notaires disent constater les effets bénéfiques de la loi Pinel dans l'immobilier neuf. Ils regrettent néanmoins que d'autres mesures fiscales viennent contrebalancer les avantages ainsi donnés, comme l'augmentation des droits d'enregistrement lors de l'achat.
Côté investisseur, les notaires affichent une certaine confiance. Face à la récente chute des marchés boursiers, il se pourrait que l'on « assiste à un report des placements de la bourse vers l'immobilier, bien tangible et réputé plus sûr, offrant, compte tenu de la baisse des taux, une rentabilité équivalente. »
A l'appui de leurs convictions, les notaires mentionnent également « l'affection des Français pour l'immobilier » qui selon eux « ne s'est jamais démentie. »
Confiants, les notaires se demandent même « Si l'on n'assiste finalement pas aujourd'hui à ce que l'on a pu constater en 2010/2011 qui avait vu les transactions et les prix de l'immobilier subitement augmenter. »
Après plusieurs mois de marché attentiste dans lequel les acquéreurs ont différé leur projet d'achat pour voir jusqu'où pouvait aller la baisse, les notaires constatent que les acheteurs se décident plus rapidement au regard d'un élément extérieur (remontée des taux, reprise à la hausse des prix, avantage fiscal), à l'image d'un ressort qui a été comprimé et qui se détend soudainement.
« La reprise est réelle mais jusqu'à ce jour, le phénomène ne permet que de rattraper le déficit enregistré sur les premiers mois de l'année 2015, le maintien des conditions actuelles du marché, notamment et surtout de sa fluidité, devrait inscrire l'année 2016 vers un retour aux volumes des grandes années. » avancent les notaires.
L'optimisme affiché par les notaires tranche considérablement avec la dernière note de conjoncture immobilière publiée par le Crédit Agricole. Dans cette parution, Olivier Eluère, économiste à la direction des études économiques, évoque un tout autre scénario pour 2016. Après le rebond « conjoncturel » de 2015, l'économiste anticipe une remontée des taux des crédits venant mettre fin à « l'effet d'aubaine ». Olivier Eluère n'anticipe pas d'effondrement du marché pour autant. L'économiste table sur un repli des ventes d'environ -5 % et une baisse des prix des logements autour de -1,5 % sur un an. Au total, « la baisse cumulée des prix atteindrait 8 % entre 2011 et 2016. » affirme l'expert.
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