Pourquoi les hedge funds français ont du mal à percer

20/06/2007 - 12:34 - Option Finance

Malgré un profil rendement/risque souvent attractif, les hedge funds de droit français peinent à se faire une place dans les portefeuilles des investisseurs. Leur commercialisation reste difficile en raison notamment des contraintes imposées par l'AMF. Alors que depuis près de trois ans, les investisseurs peuvent souscrire dans des hedge funds français, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne se sont guère précipités pour le faire. Leur frilosité par rapport à la gestion alternative les incite toujours à leur préférer les fonds de fonds alternatifs, de manière à limiter les risques encourus par la diversification. Ils sont donc très peu nombreux à vouloir investir directement dans des hedge funds de droit français et notamment dans les fonds dits "Aria EL". Pourtant, ces fonds offrent une bonne visibilité sur les risques encourus puisqu'ils sont non seulement cadrés par la réglementation de l'AMF (datant de novembre 2004) mais aussi par les gérants eux-mêmes, qui profitent rarement de toute la liberté qui leur est accordée : très peu utilisent notamment l'effet de levier maximal qui s'élève à 3 fois l'actif hors bilan. En outre, leur stratégie d'investissement reste prudente puisqu'ils visent généralement la performance absolue, c'est-à-dire une performance positive quelles que soient les conditions de marché, et affiche une volatilité faible (inférieure à 5 %). Mais malgré un couple rendement/risque attrayant pour des investisseurs avec un horizon de placement long terme comme les institutionnels, les encours décollent très lentement. Au total, ils s'élèvent à près de 3,2 milliards d'euros, répartis entre 16 fonds Aria EL. Il existe un seul grand fonds, CAAM Dynarbitrage VaR 8, mis au point par Crédit Agricole Asset Management, qui affiche 2,5 milliards d'euros d'actifs sous gestion. Son succès est néanmoins à relier avec celui rencontré par l'ensemble de la gamme VaR du groupe. Derrière lui, les encours sont beaucoup plus faibles puisque, dès le deuxième fonds, ils tombent à 150 millions d'euros pour RFS Active Stratégies lancé il y a un an par Rothschild Financial Services (RFS), suivi par Dexia Global Event Fund avec 104 millions d'euros d'encours. Tous les autres fonds Aria EL affichent des encours inférieurs à 100 millions d'euros. BDL Capital Management se distingue parmi les sociétés de gestion indépendante grâce à son fonds BDL Alternative Europe (67 millions d'euros d'actifs gérés), tandis qu'Alpha Quatro, mis au point par la toute jeune société de gestion Sigmalog Capital et l'un des derniers fonds Aria EL créés, affiche aujourd'hui 8,8 millions d'euros d'encours. Petites et grandes structures se côtoient ainsi sur un marché étroit, et qui risque de le rester. En effet, certaines sociétés comme Sinopia AM (groupe HSBC) envisagent de transformer leur fonds Aria EL en fonds à vocation générale, suite à l'assouplissement par l'AMF, en début d'année, de sa réglementation concernant les fonds coordonnés (UCIT III c'est-à-dire notamment commercialisables dans tous les pays de l'Union européenne). "Grâce à l'évolution de la réglementation, il risque d'y avoir de moins en moins de fonds Aria EL, prévient Christine Lacoste, responsable de la mise en marché France et international chez Crédit Agricole Asset Management. Le calcul des engagements hors bilan en VaR, en vigueur depuis le 1er janvier, permet un calcul plus fin de ces risques hors bilan en retenant notamment le principe de compensation des positions de même nature. De ce fait, nous disposons de davantage de marges de manoeuvre que par le passé pour inscrire, dans un cadre coordonné, un process de gestion performance absolue qui, il y a quelques mois encore, aurait nécessité un cadre Aria EL". De plus, le fonds coordonné présente le gros avantage de pouvoir être commercialisé auprès de tous types de clientèle, ce qui n'est pas le cas des fonds Aria EL. La réglementation de l'AMF restreint en effet la clientèle potentielle puisque le souscripteur de ces fonds doit investir au moins 125 000 euros ; seuls les investisseurs les plus avertis par rapport au secteur financier ou déclarant un patrimoine financier d'au moins un million d'euros peuvent investir des montants plus petits. Certes, un gérant pourra toujours prendre plus de risques dans un fonds Aria EL que dans un fonds à vocation générale. Mais la différence de performance n'est pas toujours significative. "Notre fonds Aria EL Alternatime 300 réplique la gestion d'un de nos fonds monétaire dynamique tout en prenant un effet de levier de 3. La volatilité et la performance ciblées sont donc trois fois supérieures : soit 3 % de mieux que le monétaire pour une volatilité de 3-4,5 %, explique Charles Fischer, gérant du fonds Alternatime 300 chez Sinopia AM. Jusqu'à présent, l'Aria EL était le support nécessaire pour afficher ce couple rendement/risque. Grâce à la nouvelle réglementation, nous allons désormais pouvoir le réaliser à l'intérieur d'un fonds à vocation générale". Si l'AMF donne son accord, Alternatime 300 devrait changer de statut dans les prochains mois, et quitter ainsi la petite liste des hedge funds français, ce que d'autres pourraient également être tentés de faire. Malgré tout, d'autres sociétés de gestion sont à l'inverse actuellement en cours d'agrément auprès de l'AMF. De plus, les Aria EL sont encore jeunes : les plus vieux ayant deux ans et demi, ils ne disposent donc pas encore d'un track record suffisant pour convaincre les investisseurs notamment institutionnels qui ont l'habitude d'investir sur la base d'un historique de performance d'au moins trois ans. Les Aria EL n'ont donc pas encore dit leur dernier mot. Ludivine Garnaud