Schneider Electric : la Commission devra payer pour l'échec Legrand

11/07/2007 - 14:22 - Boursier.com

Le montant des indemnités reste à déterminer...

Quand la justice européenne tance l'exécutif communautaire, cela donne à peu près ceci "Schneider doit être partiellement indemnisé pour les pertes subies en conséquence de l'interdiction illégale de sa fusion avec Legrand". L'entière portée du jugement rendu ce matin par le Tribunal de Première Instance (TPI) de la Cour de Justice des Communautés Européennes est encore difficile à cerner, mais il crée un précédent qui a de quoi inquiéter la Commission. Pour bien planter le décor, il faut faire un bond 6 ans en arrière. En 2001, Schneider et Legrand, les deux grands industriels français des équipements électriques, décident de s'unir. Au terme des opérations boursières, Schneider prend le contrôle de Legrand, non sans avoir notifié l'opération à la Commission Européenne. Celle-ci émet postérieurement un avis négatif fin 2001, au motif que la fusion "entrave de façon significative une concurrence effective sur les marchés sectoriels français concernés". Le 30 janvier 2002, une seconde décision impose la séparation aux deux groupes. Schneider attaque sur les deux fronts devant la justice communautaire. Anticipant l'éventualité d'une défaite juridique, le groupe assure cependant ses arrières en concluant un accord de cession de Legrand au duo Wendel / KKR. Le 22 octobre 2002 pourtant, le TPI, déjà lui, fait voler en éclat l'argumentaire de la Commission en jugeant qu'elle a méconnu les droits de la défense de Schneider. Mais confronté à une fronde chez Legrand et à l'opposition toujours farouche du commissaire à la concurrence Mario Monti, le groupe dirigé par Henri Lachmann jette l'éponge et revend Legrand à KKR pour un montant bien moins important que celui qu'il avait mobilisé pour l'acquérir. Pour Schneider, ce sont plusieurs années de perdues en procédure et une facture bien difficile à digérer. Le groupe prend la décision d'assigner la Commission pour obtenir réparation de son préjudice. Il réclame 1,66 milliard d'euros, augmenté des intérêts échus et des impôts éventuels, ainsi que la condamnation de l'exécutif européen aux dépens. Les plaidoiries de cette affaire ont eu lieu en avril dernier. Ce matin, la quatrième chambre du TPI s'est donc prononcée en faveur d'une "indemnisation partielle" de Schneider, en estimant que "la méconnaissance grave et manifeste par la Commission des droits de la défense de Schneider constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire pour ouvrir un tel droit". Le Tribunal précise cependant que c'est la violation des droits de la défense qui est retenue, une "illégalité", "dont ni l'existence ni la consistance ne sont contestées par la Commission". Les autres vices de la procédure de contrôle de la fusion invoqués par Schneider (dont d'autres fautes aggravant le dommage subi) sont en revanche écartés. Quant à la teneur de l'indemnisation que mérite Schneider, le Tribunal a décidé de scinder en deux son montant. D'une part, les parties sont invitées à déterminer sous 3 mois l'indemnisation liée aux "frais encourus par l'entreprise pour participer à la reprise du contrôle de l'opération de concentration entreprise par la Commission à la suite des annulations prononcées par le Tribunal". D'autre part, un expert indépendant sera nommé afin de calculer le montant de l'indemnisation liée à la réduction du prix de cession qu'a dû consentir Schneider à Wendel / KKR pour obtenir un report de l'effet de cette cession. Le Tribunal précise que ce dernier préjudice sera indemnisé à raison des deux tiers, car il a estimé que la société avait elle-même concouru à la réalisation de son propre dommage "en assumant un risque réel d'une déclaration d'incompatibilité a posteriori de la concentration et de l'éventualité d'une revente forcée des actifs de Legrand". Les parties ont deux mois pour former un éventuel pourvoi devant la CJCE en ce qui concerne les questions de droit. Après ce jugement, se pose la question d'un affaiblissement des institutions européennes de la concurrence, et a fortiori du financement des indemnités qui seront fixées. Le rappel à l'ordre du TPI est cependant strictement encadré, puisque les juges ont tenu à mettre en exergue que l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté est subordonné à l'existence d'un comportement illicite de ses institutions, apprécié selon le critère de "la méconnaissance manifeste et grave des limites qui s'imposent à leur pouvoir d'appréciation". Il n'empêche, d'autres affaires du même type vont suivre, à commencer par celle concernant le veto au rapprochement entre les voyagistes britanniques MyTravel et First Choice, veto invalidé lui aussi par la justice communautaire. Chez Schneider, après ce jugement qui constitue une indéniable victoire, bien que partielle, on fait preuve de retenue "nous avons pour habitude de ne pas commenter les décisions de justice", nous a indiqué ce matin une porte-parole du groupe...



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