EADS : l'A350 XWB veut voler la vedette au duo B777 / B787

24/07/2006 - 14:28 - Boursier.com

Airbus joue gros avec son nouveau projet...

Airbus a présenté la semaine dernière lors du Salon de Farnborough la nouvelle mouture très attendue de son A350, un appareil moyen porteur destiné à reprendre à Boeing la prééminence sur le segment des appareils de cette capacité. Selon plusieurs spécialistes, l'A350WXB (le nom du nouvel avion) n'a pas grand-chose à voir, à l'exception du nom peut-être, avec la version initiale du projet, conçu sur une base d'A330. La genèse du dernier-né d'Airbus mérite un retour en arrière. Sur les dernières années, l'omnipotent Boeing, sans doute endormi par sa domination sans partage depuis l'après-guerre, avait été rattrapé puis dépassé par son orgueilleux rival européen en terme de commandes d'appareils civils. Satisfait des performances de ses B737, B767 et B747, le groupe américain avait sans doute regardé de façon trop passive son concurrent se lancer dans des projets d'envergure, dont le très gros porteur A380. Les premiers succès du "super jumbo" européen ont poussé Boeing à se relancer. Pas en se jetant frontalement dans un projet identique, Airbus ayant accumulé une avance très importante, mais plutôt en planchant sur de nouveaux appareils de taille moyenne à grosse, dans le sillage du programme B777 (démarré en 1990) qui s'est vite révélé être un succès. Le biréacteur, le plus gros du monde, a vite fait de détrôner le quadriréacteur vieillissant A340 d'Airbus, jugé désormais beaucoup trop gourmand en kérosène dans un contexte de flambée des prix du baril. Au fait des demandes de ses clients, et sans doute également des faiblesses de son rival, Boeing a lancé le programme B787 'Dreamliner', un appareil moyen, novateur et peu gourmand en carburant. Le succès a été considérable : 361 commandes depuis le lancement commercial en avril 2004. Sans doute un peu trop obnubilé par l'A380 et par ses derniers succès commerciaux (largement construits, sur les dernières années, autour du standard A320, la famille la plus réussie de l'avionneur), Airbus a tardé à voir la menace arriver. Le duo B777 / B787 a commencé à largement peser sur les commandes de la famille A330/A340 de l'avionneur européen. En 2005 par exemple, Boeing a reçu des commandes pour 155 B777 et 232 B787, soit 387 au total, alors qu'Airbus affichait 166 commandes pour sa famille A330 (54 unités) / A340 (15 exemplaires) / A350 (87 commandes). Lancée à la va-vite pour certains, la première version de l'A350 n'était qu'un dérivé de l'A330 destiné spécifiquement, malgré les dénégations entendues ça et là, à contrer le B787. Or jusque-là, Airbus s'était toujours astreint à faire mieux que son rival en proposant une solution novatrice et réellement alternative (l'A320 par rapport au B737 notamment, ou l'A380 vis-à-vis du B747). L'A350, malgré des objectifs très ambitieux, a peiné à convaincre après quelques commandes initiales. Malgré un lancement commercial prévu deux ans après le B787, l'Airbus est moins rapide, plus gourmand et moins spacieux que son concurrent direct. Il provoque d'ailleurs l'ire des plus gros clients de l'aviation civile mondiale, les puissants loueurs américains, qui n'hésitent pas à monter au créneau pour critiquer vertement l'appareil. De grosses compagnies moyen-orientales leur emboîtent rapidement le pas. L'A350 provoque une telle levée de boucliers qu'Airbus ne prend même pas le temps de le défendre et laisse filtrer l'hypothèse d'un nouvel appareil. Ce nouvel appareil, qui selon les rumeurs aurait pu s'appeler A370, c'est l'A350XWB dévoilé la semaine dernière. L'appareil passe de 2 à 3 versions de base, baptisées A350XWB-800, A350XWB-900 et A350XWB-1000. Ce dernier avion est un biréacteur de 350 places dont l'autonomie atteint 8.500 Miles, ce qui le place face à la concurrence du 'triple 7' (B777) plus que du B787, signe que l'A350XWB est positionné "à cheval" sur les 2 gammes de Boeing. La version A350XWB-800 est prévue pour 270 passagers et 8.500 Mn d'autonomie, à comparer à 242 places et 7.900 Mn d'autonomie au B787-8. Le modèle A350XWB-900 affiche en configuration théorique 314 sièges pour 8.500 Mn d'autonomie, face à 280 sièges et 8.500 Mn au B787-9. Les Airbus sont plus légers au siège, plus économes en consommation et en coût opérationnels que leurs rivaux (sources : Airbus, Air & Cosmos). Ces versions basiques seront accompagnées par un A350XWB-900F (pour Fret) et d'un A350XWB-900R (version à long rayon d'action). Le destin des 100 commandes fermes qui avaient été passées pour l'A350 version initiale reste en suspens, mais les négociations en cours devraient permettre à Airbus, moyennant évidemment finances compte tenu du décalage de sortie de l'appareil, de convaincre ses clients d'accepter la conversion (le groupe a cependant évoqué la possibilité de perdre 1 ou 2 commandes). A Farnborough la semaine dernière, Finnair avait fait savoir qu'elle confirmait sa commande de 9 A350 après avoir négocié avec Airbus. Le premier client officiel du A350XWB-900 s'est dévoilé dès vendredi dernier : il s'agit de Singapore Airlines, qui a opté pour 20 A350-900 XWB. Une première victoire pour Airbus, car la compagnie asiatique fait partie des gros donneurs d'ordres du moment. L'autre réaction la plus attendue concernant l'A350XWB est celle d'Emirates, la surpuissante compagnie basée à Dubaï. Très échaudée par les retards de l'A380, dont elle est le plus gros client avec 43 commandes, Emirates a pourtant réservé son choix entre les futurs A350XWB-1000 et B787-10 (qui n'a pas encore été officiellement lancé). En marge de Farnborough, son président Cheikh Ahmed bin Saeed Al-Maktoum a précisé que la sélection sera arrêtée après études une fois les spécifications des deux appareils dévoilées, ce qui devrait prendre au moins 6 mois. Mais Airbus comme Boeing ont toutes les raisons de courtiser ce client, qui cherche à commander 70 à 100 appareils de ce type, ce qui pourrait représenter un contrat mirobolant (sur la base du prix haut catalogue de la plus grosse version de l'A350XWB, soit 242 M$, le montant théorique atteint 17 à 24 Milliards de Dollars pour 70 à 100 avions). Si la présentation de l'appareil et le discours du nouveau patron d'Airbus, Christian Streiff, en ouverture de Farnborough, ont convaincu, il faudra désormais transformer l'essai avec une marge de manoeuvre infime pour Airbus. Les récents déboires industriels et managériaux ont marqué les esprits et largement écorné la "success story" de l'avionneur. Il sait qu'il lui faudra payer le prix fort (les coûts initiaux ont déjà été doublés) pour développer un appareil qui affichera effectivement les performances ambitieuses détaillées lors du Salon. Dans ce contexte, la reprise en mains initiée par les nouveaux dirigeants sera cruciale. Le management sait aussi désormais qu'il lui faudra éventuellement pousser ses investissements pour éviter tout retard et réduire le risque de se couper d'une partie importante de la base de clientèle mondiale. La logique industrielle devrait ainsi reprendre ses droits sur la logique boursière, ce dont personne, à part les court-termistes et les spéculateurs, ne devrait avoir à se plaindre. L'exemple du retournement de Boeing, après les revers subis dans les années 1990, est à ce titre remarquable.



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