VIVENDI : info ou intox ?

23/05/2006 - 13:00 - Option Finance

(AOF) - Quelle importance accorder aux travaux d'approche de Sebastian Holdings à l'égard de Vivendi ? Avec seulement 1,2 % du capital, ce fonds d'investissement détenu par Alexander Vik, un milliardaire norvégien, est l'un des principaux actionnaires du groupe. Fort de quoi, il a adressé au management de Vivendi un projet stratégique recommandant la scission des activités medias et télécoms (contenant et contenu) du groupe et valorisant au terme de ce projet le groupe à 38,6 milliards d'euros. Certains se réjouissent d'ores et déjà des perspectives ouvertes par la démarche du financier norvégien. "A 33,50 euros, le niveau de l'offre formulée par Sebastian Holding semble acceptable, représentant une prime de 20 % par rapport au cours des jours précédents, indique Bruno Hareng, chez ING. Les actifs du groupe trouveraient facilement preneurs dans l'hypothèse d'une vente par appartements. Céder en Bourse les activités de jeux video, de musique ou Neufcegetel semble également poser peu de difficulté. Ce type de scenario paraît d'autant plus attrayant pour les actionnaires que la valorisation actuelle du groupe se situe à environ 15 % en dessous des actifs comparables dans les télécoms en Europe". La probabilité d'une offre en bonne et due forme de la part de Sebastian Holdings n'en laisse pas moins pour l'instant la plupart des intervenants sceptiques. Le fonds, qui est intervenu récemment dans Havas, prêtant main forte à Vincent Bolloré dans sa montée en puissance au capital et à la tête du groupe, affiche une réputation sulfureuse. Son propriétaire Alexander Vik, un financier norvégien dont les actifs personnels s'élèveraient à 2 milliards d'euros, a notamment érigé sa fortune dans l'immobilier puis l'assurance et récemment dans l'Internet. En France, Alexander Vik est représenté par Amir Jahanchahi, un financier d'origine iranienne qui investirait essentiellement dans les medias, ayant réalisé des transactions sur Lagardère, Bouygues et Vivendi Universal dans le passé. A la lumière de ces précédentes opérations, l'intervention de Sebastian Holdings sur Vivendi relèverait donc plutôt de l'activisme. "Ce type d'investisseur s'apparente à un raider, ayant surtout vocation à prendre des positions dans un but purement financier, indique un banquier. Son objectif, en positionnant le débat sur la place publique, est d'influencer le management, voire de susciter une vocation chez d'autres investisseurs pour valoriser au mieux sa participation". La direction de Vivendi, de son côté, juge sans consistance l'approche du norvégien. Elle peut, il est vrai, mettre en avant les fruits d'une stratégie clarifiée, fondée sur la convergence entre les pôles media et telecom du groupe : les perspectives sont favorables, le résultat net devant augmenter de 8 à 10 % par an d'ici 2011. L'intervention de Deutsche Bank et Bank of America, qui se sont déclaré prêtes à financer l'acquisition, serait en outre conditionnée au caractère amical de l'opération et ne se présenterait pas pour l'instant comme un engagement ferme de financement. "Ces banques ont toutes deux une forte culture de financement à effet de levier, rappelle un banquier d'affaires. L'activité de Bank of America étant limité en France, elle peut prendre le risque, en termes d'image, de se positionner aux côtés du fonds". Quant à Deutsche Bank, elle connait bien Vivendi pour avoir réalisé durant l'ére Messier des opérations de dérivés sur le titre. Autre frein à l'opération, un éventuel rachat du groupe suivi d'une revente par morceaux s'assortirait d'importants frottements fiscaux. Surtout, l'offre du financier norvégien paraît d'autant moins sérieuse que ce dernier, sur les 4 % du capital qu'il prétend détenir, en compterait en fait 2,8 % sous forme d'actions détenues au terme d'equity swaps avec Ixis et UBS, et destinées à être revendues dans les prochains mois. Si les projets de Sebastian Holdings ont en tout cas relancé les supputations sur un rachat de Vivendi, une offre de la part de Vodafone,dans le but de mettre la main sur les 56 % de SFR qu'il ne détient pas encore, semble peu crédible pour les analystes. En revanche, ceux-ci n'excluent pas une initiative de fonds d'investissement, UBS évaluant à 20 % le TRI qu'ils tireraient d'une opération s'ils valorisaient le titre à 32 euros. Le contexte serait alors différent, les fonds privilégiant les opérations amicales. En attendant, certains préconisent une intervention de l'AMF si les rumeurs autour de Sebastian Holdings devaient persister : une nouvelle réglementation l'autorise en effet à demander à un actionnaire de préciser son intention si l'activité d'un titre est anormale par rapport aux volumes habituels. Mais pour l'instant le marché est resté calme puisque sur la semaine, le titre Vivendi n'a baissé que de 0,32 %, finissant même en légère hausse de 0,58 % vendredi. (AOF)

EN SAVOIR PLUS

ACTIVITE DE LA SOCIETE

Jean-René Fourtou, arrivé aux commandes de Vivendi Universal le 3 juillet 2002, a opéré le recentrage du groupe sur les télécommunications (Groupe Cegetel, Maroc Telecom), la télévision à péage et les films (Groupe Canal+), la musique avec Universal Music Group et les jeux vidéo avec Vivendi Universal Games. Par ailleurs, VU détient une participation de 20 % dans NBC Universal issu de la fusion de NBC et Vivendi Universal Entertainment. Après trente mois passés à la tête de Vivendi Universal, Jean-René Fourtou, désormais président du conseil de surveillance, a passé, fin avril 2005, le relais à Jean-Bernard Levy, président du directoire. En avril 2006, le groupe a pris le nom de Vivendi.

FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR

Les points forts de la valeur

- Avec 3 milliards d'euros de dettes, et un cash-flow opérationnel de près de 2,5 milliards en 2004, Vivendi a achevé son redressement après avoir frôlé le dépôt de bilan en 2002. - Vivendi détient des actifs performants dans les télécoms (Cegetel, SFR, Maroc Telecom). - VU Games qui avait cumulé 400 millions d'euros de pertes en deux ans, bénéficie de l'énorme succès de " World of Warcraft " lancé en novembre 2004. - Vivendi est relativement à l'abri du ralentissement de la conjoncture économique, en raison de sa faible exposition aux secteurs les plus cycliques comme la publicité. - Les rumeurs de rachat par le groupe Vodafone, ou de fusion avec Lagardère, soutiennent le cours de l'action. Mais les pilules empoisonnées sont nombreuses.

Les points faibles de la valeur

- Certains investisseurs doutent de la pertinence tant stratégique qu'industrielle d'être présent à la fois dans les activités Télécom et Médias. Les dirigeants vont devoir convaincre les investisseurs que le groupe de médias et de télécommunications est capable de se doter d'une stratégie de croissance pour les années à venir. - Universal Music Group doit faire face à un environnement dégradé dans le secteur du disque. Le métier est toutefois en train de trouver un nouveau modèle économique.

COMMENT SUIVRE LA VALEUR

- La communauté financière attend que la direction du groupe dissipe les incertitudes entourant la stratégie du groupe. - Notons que le titre bénéficie également d'un intérêt spéculatif, car comme Jean-René Fourtou l'a déclaré, le risque d'une OPA de Vodafone sur Vivendi n'est pas à négliger. - Par ailleurs, on suivra l'amélioration des performances opérationnelles des différents pôles du groupe (Groupe Canal +, Universal Music Group,.). - Dans le divertissement aux Etats-Unis, les accords avec NBC stipulent que Vivendi a vocation à rester minoritaire de VUE ou à sortir soit de sa propre initiative à partir de 2007, soit de celle de NBC à partir de 2010.