Banques : Merrill Lynch dérape, en solitaire ?

24/10/2007 - 15:26 - Boursier.com

Les banques européennes apparaissent moins exposées...

Merrill Lynch, l'une des principales banques d'affaires américaine, a pris 7,9 Milliards de Dollars de charges dans ses comptes trimestriels, pour intégrer l'effondrement de la valeur de certaines de ses positions touchées par la crise financière de l'été. Une annonce qui fait désordre et met en lumière les risques pris par les grands établissements de la finance mondiale. Pour de nombreux vétérans de la finance, le contrecoup réel de la crise qui a éclaté cet été sur les marchés financiers devait se voir dans les comptes des grandes banques. Au regard des premières publications trimestrielles des géants américains, la tendance est plutôt à l'apaisement. Goldman Sachs, la plus grande banque d'affaires outre-Atlantique, a dépassé les attentes en annonçant de copieux profits. Sa dauphine Morgan Stanley, si elle a déçu les analystes, a cependant affiché de solides bénéfices. Mais pour Merrill Lynch, le numéro trois du secteur, l'affaire est déjà entendue : le troisième trimestre sera déficitaire, et largement encore. En début de mois, l'établissement dirigé par Stanley O'Neal avait prévenu Wall Street qu'une charge exceptionnelle de 5 Milliards de Dollars plongerait les comptes dans le rouge, pour la première fois depuis 6 ans. Sur ce total, 4,5 Milliards étaient issus de pertes sur le marché des prêts immobiliers à risque et de ses dérivés, notamment du fait de la chute de valeur des produits complexes "CDO" (Collateralised Debt Obligations). Ce matin, des rumeurs laissaient entendre que la perte serait encore plus sévère. La presse évoquait un montant de 7,5 Milliards de Dollars, supérieur de 50% à l'anticipation initiale. A quelques minutes du verdict final, la surenchère était de mise puisque les journalistes de la chaîne CNBC, à 13h00, évoquaient un montant pouvant aller jusqu'à 10 Mds$ sur la foi d'indications de "hauts responsables" de la banque. Finalement, la réalité est à mi-chemin : Merrill Lynch a pris 7,9 Milliards de Dollars de charges et termine le trimestre sur une perte nette de 2,3 Milliards de Dollars. "Les dépréciations de crédits hypothécaires et de produits dérivés liés ont pesé sur notre performance financière au 3ème trimestre", souligne pudiquement le président Stanley O'Neal, qui précise avoir adopté une attitude comptable conservatrice après avoir étudié les positions de l'établissement. "Nous continuons à constater que les conditions restent incertaines sur les actifs liés à crédit hypothécaire à risque, et nous travaillons à limiter l'impact restant de nos positions", ajoute-t-il avant de terminer sur une note légèrement plus positive en insistant sur les "tendances de fond" favorables de l'économie globale et les bonnes performances des autres métiers du groupe. Quand on s'appelle Merrill Lynch et qu'on a engrangé sur la seule année dernière un bénéfice net de 7,5 Milliards de Dollars, on peut se permettre de "voir venir", d'autant que le premier semestre 2007 était bénéficiaire de 4,3 Milliards de Dollars. Il n'empêche, la nouvelle fait jaser. Comment un établissement de cette taille et de cette expérience peut-il être pris au dépourvu dans de telles proportions et se tromper à ce point dans ses évaluations ? Pour nombre d'analystes, la réponse est claire : parce qu'il a pris des risques importants et dispose d'une très mauvaise visibilité sur les conséquences de la crise financière et immobilière actuelle. Le grand ménage a d'ailleurs déjà commencé au sein de la banque d'affaires, qui avait limogé en début de mois son responsable des négociations de produits de taux, de change et de crédit, Osman Semerci. Ironiquement, cette branche s'appelle "Fixed Income" dans le secteur, car elle concerne les investissements censés offrir les rendements les plus stables. Si Merrill Lynch a de solides ressources financières et peut franchir cet écueil, son image risque d'être durablement écornée. L'affaire soulève en outre des interrogations sur l'existence de risques masqués par la complexité des relations dominant désormais la finance mondiale. "Quand vous ne pouvez pas donner de prévisions raisonnables à 15 jours d'intervalle, vous avez clairement de plus gros problèmes", explique un analyste de Johnson Asset Management à l'agence Bloomberg en évoquant cette révision en hausse de près de 60% des charges de la banque entre le 5 et le 24 octobre. Ce spécialiste estime en outre que "Merrill Lynch envoie un piètre message au marché en montrant qu'elle ne contrôle pas ses risques". Les investisseurs ne s'y trompent pas et marquent leur défiance vis-à-vis du secteur bancaire en bourse, qui a perdu plus de 11,5% depuis le début de l'année alors que les grands indices mondiaux sont en progression. Les conséquences de la crise estivale ont aussi rattrapé les banques européennes, même si celles-ci semblent nettement moins affectées, hormis quelques dossiers exceptionnels comme l'établissement allemand IKB, renfloué par ses pairs, ou le prêteur britannique Northern Rock, soutenu à bras le corps par la Banque d'Angleterre. En France, l'exposition de nos champions nationaux apparaît plus limitée. Le patron de la BNP Paribas, Baudoin Prot, a dernièrement réaffirmé que ces remous auront "un impact direct très limité", jugeant l'exposition aux produits à risques de la branche financement et investissement de sa banque "inférieure à 100 Millions d'Euros". BNP Paribas s'était retrouvée bien malgré elle dans l'oeil du cyclone cet été pour avoir été la première à geler 3 fonds d'investissement frappés par le tarissement de la liquidité, avec un impact financier négligeable mais des dégâts avérés en terme d'image. Même constat à la Société Générale, où l'on estime qu'en cas de perte globale de 150 Milliards de Dollars dans le secteur après la crise, l'impact se chiffrerait à moins de 100 Millions de Dollars pour la seconde banque française par la capitalisation. Reste que les grands acteurs européens, contrairement à leurs homologues américains, n'ont pas encore publié leurs comptes du 3ème trimestre, ce qui n'exclut pas quelques mauvaises surprises.



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