L'entrée en vigueur des nouveaux tarifs ADSL de gros de France Telecom cet été a donné l'occasion aux opérateurs alternatifs majeurs de proposer une offre commerciale agressive pour leurs clients qui ne peuvent bénéficier du dégroupage. Jusque-là, ils ne pouvaient s'affranchir de l'abonnement téléphonique de l'opérateur historique. Désormais, Neuf Cegetel et Free proposent "l'abolition de l'abonnement téléphonique" dans leurs offres phare, la Neufbox et la Freebox.
En fait, les opérateurs alternatifs profitent d'une nouvelle offre "proposée" (l'ARCEP, le régulateur français du secteur, y est pour beaucoup) par France Telecom depuis le 17 juillet dernier. L'offre "DSL Access Only", communément appelée "ADSL nu", permet en effet à un fournisseur d'accès à internet de proposer une offre haut débit sans qu'un abonnement téléphonique soit souscrit auprès de l'opérateur historique. Cette offre est facturée aux opérateurs 21,50 euros par mois hors taxes par France Telecom (plus 66 euros HT d'accès au service), alors que son offre ADSL classique ("DSL Access") est facturée 13,30 euros HT par mois (soit 8,20 euros HT de moins) pour 49 euros HT d'ouverture d'accès.
Pourquoi alors le FAI a-t-il intérêt à payer plus cher son accès ? Et bien pour des raisons commerciales : il pourra expliquer à son futur client qu'il n'aura plus à passer par France Telecom, donc plus à payer le prix de l'abonnement mensuel au téléphone (15 euros). De quoi contribuer à accroître sa base de clientèle, même si individuellement et hors services payants supplémentaires chaque abonné rapporte moins. En d'autres termes, si vous étiez abonné jusque-là à une offre ASDL dans une zone non dégroupée, vous deviez verser, par exemple, 29,99 euros à votre FAI plus 15 euros à l'opérateur historique, soit près de 45 euros. Avec le nouveau système, le FAI est en théorie capable de vous proposer une offre ne passant plus par France Telecom, et qu'il pourrait facturer 29,99 euros plus le surcoût qu'il paie pour l'ASDL nu (8,20 euros HT, soit un peu moins de 10 euros TTC), donc moins de 40 euros sans rogner sur son modèle économique. L'économie pour le consommateur est donc de 5 euros par mois, à laquelle s'ajoute l'élimination d'un intermédiaire.
Cependant les offres de rentrée de Neuf Cegetel et Free, les deux concurrents principaux d'Orange (France Telecom a unifié ses marques hors fixe sous cette dénomination) vont plus loin. En effet, les deux FAI ont décidé de profiter de l'arrivée de l'ADSL nu pour proposer une offre commerciale agressive aux consommateurs situés en zone non dégroupée, en rognant sur leurs marges. Neuf Telecom a tiré le premier mi-août en proposant son offre Neufbox sans abonnement téléphonique en zone non dégroupée pour 34,90 euros (29,90 euros plus 5 euros mensuels destinés à amortir le surcoût de l'offre ADSL nu). Cela représente donc une dizaine d'euros mensuels en moins par rapport à la configuration antérieure.
Free, doublé cette fois par son concurrent alternatif en terme de rapidité de l'annonce, s'est rattrapé en lançant mardi une offre identique en zone non dégroupée, "sans abonnement téléphonique", mais pour 29,99 euros, c'est-à-dire sans surcoût pour l'abonné, Free prenant en charge l'ensemble de la procédure et des frais auprès de France Telecom. Une façon de tacler Neuf Telecom, en proposant une économie supplémentaire par rapport à la configuration actuelle. La maison mère de Free, Iliad, n'a jamais caché que ses marges étaient extrêmement faibles sur ses abonnés non dégroupés. Celles-ci sont donc encore appelées à s'amoindrir en raison du surcoût important que constitue cette nouvelle offre.
Pour le bureau d'études Goldman Sachs, cette situation n'est cependant pas vraiment problématique car des compensations interviendront : Free devrait d'une part voir ses marges progresser du côté de sa base de clients ADSL du fait de la baisse des tarifs de gros et du coût de trafic au 1er septembre, et bénéficiera sans aucun doute de l'accroissement de sa base de clientèle grâce à sa nouvelle offre. Celle-ci devrait également contribuer à gonfler les services payants, voire à améliorer le taux de résiliation du FAI.
Reste une inconnue : que va faire France Telecom, via Orange ? Car l'entrée en vigueur de l'ADSL nu a également ouvert la voie à la commercialisation par la filiale de l'opérateur historique d'offres sans abonnement téléphonique, mais également, pourquoi pas, d'un vaste programme de convergence fixe mobile...
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