Aéronautique : le secteur dans l'impasse en Europe ?

04/12/2007 - 13:28 - Boursier.com

Airbus et Dassault Aviation tirent la sonnette d'alarme...

Inéluctable. C'est le constat du président d'EADS, Louis Gallois, quand il évoque la question de la délocalisation de la production de son entreprise. Jusqu'à une époque relativement récente, le groupe d'aéronautique et de défense disposait des levier suffisants pour construire ses avions sur le vieux continent, les vendre en dollars et réaliser des profits conséquents. Des leviers qui ont permis à la filiale Airbus, en dépit de la concurrence acharnée de Boeing, de mettre fin à plusieurs décennies d'hégémonie du constructeur américain dans l'aéronautique civile. Mais cette époque semble révolue. Avec un dollar qui ne vaut presque plus qu'un demi-euro, la donne a profondément changé, d'autant que la chute du billet vert fut extrêmement brutale (-25% en 2 ans environ). Le fait que cette glissade est intervenue lors du plus important pic de commandes de l'histoire aéronautique mondiale a permis au groupe européen de limiter les dégâts. Désormais, malgré une demande toujours très soutenue (Airbus dispose de 6 à 7 ans d'activité en carnet), le modèle économique risque de ne plus être rentabilisé de façon satisfaisante. "Je crois malheureusement qu'il ne faut plus employer le conditionnel : il ne faut pas dire il faudrait, il faut dire il faudra, parce que nous n'avons pas le choix", a annoncé Louis Gallois au micro d'Europe 1 hier. "Le seul moyen de préparer l'entreprise à un dollar que plus personne ne maîtrise, c'est de s'installer malheureusement en zone dollar", a-t-il ajouté, jugeant que "la substance industrielle est en train de partir" d'Europe, ce qui constitue un véritable "drame" à ses yeux. Certes, le processus ne se fera pas du jour au lendemain, mais il est rampant. Il "concernera tous les avions mais pas toutes les pièces des avions. Nous allons être obligés de faire fabriquer des pièces d'avion, des portes, des éléments de fuselage, des éléments d'aile, à l'extérieur de l'Europe", annonce Louis Gallois, qui évoque une mise en place progressive, "sur la prochaine décennie". Airbus a déjà commencé à diversifier son "exposition" au change, dans un secteur où toutes les transactions sont réalisées en dollars. Pour son prochain grand projet industriel, l'A350XWB, l'avionneur va adopter le modèle dominant chez son rival Boeing ou chez les acteurs spécialisés dans les avions régionaux, comme le brésilien Embraer. Il s'agit d'intéresser les sous-traitants au programme, en leur garantissant des retombées importantes. L'une des nouveautés est que ces partenaires participent également aux risques et au financement du projet. L'autre innovation réside dans l'élargissement des contributeurs. La semaine dernière, Airbus a signé un contrat avec l'industrie chinoise, qui réalisera 5% de la cellule de l'A350. Le groupe négocie actuellement pour octroyer une part identique à des sous-traitants japonais. L'industrie russe frappe elle aussi à la porte et devrait avoir sa part du gâteau. Par ailleurs, des usines d'assemblage pourraient fleurir autour de la planète. La construction de l'une d'elles a déjà débuté en Chine. Au début de la prochaine décennie, elle produira 4 A320 par mois. Airbus pourrait prochainement installer un site de fabrication d'A330 directement sur le territoire américain. Mais jusque-là, ces délocalisations étaient avant tout commerciales : brosser la Chine dans le sens du poil alors que le territoire deviendra une manne de commandes formidable ces prochaines années, créer une vitrine sur un marché russe plus que prometteur, ou tenter de sortir les compagnies japonaises de leur carcan "tout-Boeing". Elles vont devenir vitales pour l'avionneur, à en croire les déclarations alarmistes de ses dirigeants ces dernières semaines. Le poids de la parité de change est tel, rappelons-le même si cela a déjà été à plusieurs reprises clamé ça et là, que chaque variation de 10 cents de l'euro contre le dollar à la hausse coûte 1 milliard d'euros de résultat d'exploitation au groupe européen. Pour autant, peut-on accuser EADS d'avoir fait preuve de légèreté dans sa construction industrielle ? La complexité de l'organisation du groupe, qui s'est une fois de plus reflétée dans les remous créés par l'annonce récente de la restructuration, n'offrait que peu de latitude par rapport au modèle européen voulu par ses fondateurs. Il n'est donc pas étonnant de voir que Louis Gallois évoque la "dimension politique" du problème et souhaite que le G7 s'empare de la question de la parité euro/dollar. Le patron d'EADS n'a que faire de l'attachement, déclaré, des autorités américaines au dollar fort. "Les Américains mènent une politique qui se traduit par la baisse sans fin du dollar", juge-t-il, si bien que la réponse à apporter au problème est de son point de vue avant tout politique. Mais à défaut de voir les autorités européennes prendre rapidement des mesures, même si l'Allemagne a très récemment reconnu, c'est nouveau, que la vigueur de l'euro constitue un poids pour son économie, EADS doit s'adapter rapidement à la nouvelle donne. Ainsi le plan de restructuration "Power 8" d'Airbus va-t-il être durci, lui qui avait été établi sur une hypothèse de parité euro / dollar de 1,35. Dans la mesure où le carnet de commandes d'Airbus est très bien garni, l'avionneur prévoit de poursuivre les embauches en Europe pour faire face à la montée en charge. Mais à moyen-terme, il faudra trouver des palliatifs à la perte de compétitivité, ce qui rejaillira immanquablement sur les nombreux sous-traitants européens de l'entreprise. Une situation qui rappelle celle de l'industrie automobile il y a plusieurs années. Depuis, tous les constructeurs occidentaux disposent d'installations de plus en plus importantes dans les zones à bas coûts de production. Et EADS n'est pas le seul à envisager ce type de mesures. Hier, le patron de Dassault Aviation a jugé insoutenable la parité actuelle euro / dollar. Charles Edelstenne a annoncé dans les colonnes du 'Monde' que son groupe maintiendra en France ses chaînes d'assemblage et les activités de haute technologie. "Mais en dehors de tout cela, tout peut être délocalisé", a-t-il prévenu. Les gouvernements européens entendront-ils l'appel de détresse de l'industrie aéronautique européenne ?



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