Investisseurs institutionnels/ Gilles Dupin, dir. gén. Monceau Assurances

27/02/2008 - 10:16 - Option Finance

Monceau Assurances qui gère ses encours de long terme avec l'aide de trois sociétés de gestion partenaires, attend une stabilisation des marchés pour se renforcer dans les actions et les convertibles.

Comment gérez-vous vos encours de long terme ?

Nous avons une organisation atypique. Depuis fin 2004 à la tête de la direction financière, je prends notamment en charge la gestion des encours de long terme de l'institution. Pour cela, je suis aidé par deux collaborateurs dont un ne s'occupe que des aspects comptables. Je fais également appel à une équipe d'actuaires pour avoir une bonne connaissance de notre passif et pouvoir ajuster au mieux notre actif. Les actuaires font de la modélisation des actifs nécessaires par rapport à notre passif. Je les consulte régulièrement pour bien m'assurer que nos investissements (notre actif) sont en ligne avec nos engagements de long terme (notre passif). En outre, nous travaillons avec trois sociétés de gestion externes avec lesquelles nous entretenons des liens historiques forts. Nous sommes d'ailleurs actionnaires de chacune. Il s'agit tout d'abord de La Française des Placements, dont nous détenons 5,35 %, qui gère une grande partie de nos produits accessibles par le biais de nos contrats d'assurance vie via des unités de compte. Nous sommes d'ailleurs leur premier client historique. Le président de cette société de gestion, Alain Wicker, siège au conseil d'administration de Monceau Assurances. Nous travaillons également avec la société Métropole Gestion dont nous détenons 1,5 % du capital. Nous avons recours à elle pour nos investissements en actions. Nous apprécions leurs analyses financières méthodiques et traditionnelles des valeurs mais aussi le fait qu'elle propose des produits purs, donc simples à appréhender. Enfin, nous entretenons également un partenariat fort avec la Financière de la Cité, société créée en 2005 par deux anciens collaborateurs de La Française des Placements. Nous détenons 15 % du capital de cette société que je consulte quotidiennement dans les périodes difficiles. Au total, 80 % des OPCVM ouverts sont achetées à l'une de ces trois sociétés de gestion. Notre gestion se nourrit également des réflexions et des avis sur l'évolution économique et financière émis par un comité financier consultatif, présidé par Alain Wicker, qui se réunit deux fois par an. Au niveau global, nous gérons 5 milliards d'euros d'encours dont 700 millions d'euros dans l'immobilier. Néanmoins, l'immobilier est géré par une structure à part, dotée d'une équipe de 5 personnes qui investit directement dans la pierre, plus précisément dans l'immobilier de bureaux à Paris mais aussi dans les principales villes françaises.

Quelle est votre allocation d'actifs ?

Nous gérons nous-mêmes l'investissement dans l'obligataire, soit deux tiers de nos encours. Dans ce domaine, nous sollicitons néanmoins les avis de La Française des Placements et de la Financière de la Cité. Dans les fonds en euros de nos contrats d'assurance vie, la poche réservée aux obligations, composée essentiellement d'emprunts d'Etat, se situe entre 77 % et 80 % tandis que dans les portefeuilles Retraite, 50 % des encours sont investis dans des obligations, dont la moitié sont des obligations indexées sur l'inflation (OATI) et l'autre moitié des obligations à taux fixes. Les OATI, comme l'immobilier d'ailleurs, représentent un actif très adapté à notre gestion car elles nous permettent de protéger notre portefeuille contre l'inflation. En revanche, nous avons peu d'obligations exposées au risque de crédit. De plus, début 2006, nous sommes sortis du monétaire dynamique. Nous trouvions en effet curieux que, dans ce domaine, les fonds affichent de forts rendements avec un risque a priori limité. En outre, quand nous sommes sortis, nous nous sommes aperçus que nous devions parfois attendre 150 jours pour être payés, ce qui était aussi très surprenant pour un produit monétaire ! Aujourd'hui, nous n'avons quasiment pas de dérivés de crédit (4 millions d'euros). Le reste de notre portefeuille retraite se compose d'immobilier (30 %), d'actions (10 %) et de convertibles (10 %). Nous sommes toujours acheteurs dans l'immobilier de bureaux. En revanche, depuis un an, nous n'investissons plus de nouveaux flux dans les actions ni dans les convertibles, et nous avons en outre effectué quelques rachats. Cette évolution s'est faite au profit des obligations à taux fixes. Nous continuons à penser que les actions et les convertibles sont deux classes d'actifs indispensables pour la gestion d'un portefeuille comme le nôtre avec un horizon de placement très long terme. Il est possible que nous ré-investissions dans ces classes d'actifs dans les prochains mois mais nous ne savons pas encore quand. Nous attendons pour cela que les marchés se stabilisent. La poche actions comprend essentiellement des fonds couvrant la zone euro et l'Europe (à hauteur de 85 %) car nous ne souhaitons pas prendre de risque de change. Le reste de la poche est composé de fonds actions américaines et de manière très marginale, de fonds actions émergentes. De manière générale, je suis assez sceptique par rapport aux fonds émergents. Alors que les marchés émergents sont très hétérogènes, on nous vend des fonds qui couvrent plusieurs pays comme les BRIC. Je crois que cette offre correspond avant tout à un effet de mode et n'est pas forcément pertinente d'un point de vue financier. Dans les convertibles, nous avons principalement deux fonds dédiés importants, l'un géré par La Française des Placements et l'autre par la Financière de la Cité. De même, les plus gros fonds actions sont aussi dédiés.

Comptez-vous diversifier votre portefeuille ?

Nous n'envisageons pas de faire évoluer notre portefeuille dans les 24 mois à venir. De manière générale, la diversification de notre portefeuille ne doit pas nous conduire à investir dans des produits que nous ne comprenons pas. Pour cette raison, nous sommes très peu présents en gestion alternative. Nous avons seulement un fonds de fonds alternatif qui représente un investissement de 10 millions d'euros. Il est utile simplement parce qu'il nous permet de suivre l'évolution de la gestion alternative par rapport à celle du marché. Cette gestion a le défaut de nécessiter beaucoup de travail pour pouvoir la suivre. En outre, elle attire des charlatans qui promettent une performance décorrélée de celle des marchés financiers, qui n'est pas toujours avérée. De même, nous avons également un investissement limité dans les produits structurés (moins de 150 millions d'euros) car il s'agit de produits compliqués qui demandent du temps pour bien les appréhender. De plus, ces produits sont peu liquides ce qui nous oblige à les conserver jusqu'à l'échéance. Enfin, leur valorisation est souvent sujette à caution. Par ailleurs, nous ne souhaitons par diversifier notre portefeuille avec un investissement en private equity car la gestion proposée est difficile à appréhender et souvent opaque. De plus, nous n'avons pas apprécié que certains acteurs sur ce marché viennent nous voir il y a quelques années en essayant de nous forcer à investir avec pour seul argument que nous devions répondre à des engagements pris par nos instances professionnelles, ce qui a suscité de la méfiance ! Depuis deux ans, nous avons préféré investir dans des forêts à hauteur de 20 millions d'euros. Certes, ce type d'actif offre une rentabilité avec un horizon d'un siècle, mais nous nous plaçons dans la durée et cela correspond en outre à nos origines, le monde agricole.

Que pensez-vous de la directive Solvency II ?

Nous sommes un groupe avec des ressources suffisamment importantes pour pouvoir répondre sans problème aux contraintes de solvabilité imposées par la directive. Nous allons néanmoins rencontrer des difficultés pour comptabiliser les produits complexes. C'est la raison pour laquelle nous avons déjà commencé à nous tourner plus massivement vers des produits simples, évitant par exemple les fonds dits overlay qui permettent d'ajuster l'allocation par rapport à l'évolution des marchés. Surtout, je trouve choquant, en tant qu'institutionnel mais aussi en tant que citoyen, que la détention en actions soit pénalisée au moment où l'Etat souhaite que les marchés financiers soutiennent le développement des entreprises françaises. De plus, si les investisseurs institutionnels français sont moins présents sur le marché des actions, cela risque de se faire au profit notamment des fonds souverains des pays émergents. Cette directive a été rédigée par des technocrates qui ne connaissent pas le fonctionnement des entreprises, en dehors de toute ligne politique directrice, alors que les enjeux politiques sont extrêmement importants. Paradoxalement, le seul espoir de voir évoluer la situation repose sur les fonds de pension. Ces derniers, qui n'étaient jusqu'à présent pas intégrés dans le champ d'application de Solvency II, pourraient devoir se conformer à cette réglementation. Si tel est le cas, il est fort probable que certains fonds de pension, en particulier anglo-saxons, fassent pression pour que l'investissement en actions ne soit pas autant pénalisé. Fin 2008, au terme de la présidence française, nous aurons une vision plus affirmée de ce qui se dessine sur ce projet européen. Propos recueillis par Ludivine Garnaud