EVENEMENT/ Les TPM, une nouvelle façon d'aborder les institutionnels

03/03/2008 - 18:44 - Option Finance

Pour percer sur le marché très concurrentiel des investisseurs institutionnels et vendre leurs fonds en France, les sociétés de gestion étrangères adoptent différentes stratégies. L'une des plus récentes consiste à faire appel aux tierces parties marketing (TPM), des sociétés qui se chargent de commercialiser leurs produits. Attirées par un marché de plus de 1 600 milliards d'euros, les sociétés de gestion étrangères sont de plus en plus nombreuses à vouloir distribuer leurs fonds aux institutionnels français. Un objectif qui se révèle difficile à concrétiser dans les faits : "De nombreuses sociétés ont échoué", indique Philippe Alter, président d'Investeam. Première explication à ce phénomène, le marché des institutionnels en France se caractérise toujours par une très faible ouverture aux produits de niche : leurs investissements sont avant tout orientés sur des investissements très classiques. Le portefeuille des investisseurs institutionnels est en effet composé à plus de 70 % d'obligations. Ces dernières sont gérées soit en direct par l'investisseur institutionnel, soit par le biais d'un des grands établissements français. "Le marché des investisseurs institutionnels, très peu intermédié, fonctionne le plus souvent de gré à gré, les appels d'offres formalisés étant beaucoup moins développés en France qu'à l'étranger", indique Romain Roucoules, chargé du développement commercial de la Compagnie Financière Jacques Cœur, qui commercialise en France des fonds de sociétés de gestion indépendantes. Autre obstacle rencontré par les sociétés étrangères : les institutionnels français aiment travailler avec des sociétés avec lesquelles ils ont noué des relations historiques. "Ils travaillent avec un nombre limité de sociétés de gestion et privilégient les relations fondées sur la confiance développée au fil des années", indique Philippe Alter. Enfin, les sociétés de gestion étrangères parviennent difficilement à vendre les produits qu'elles commercialisent, du fait de la barrière de la langue : "Les interlocuteurs au sein des institutions sont souvent francophones et préfèrent dialoguer dans leur langue maternelle", explique Patricia Kaveh, directrice du développement de la société anglaise Henderson Global Investors. Résultat, "il est très difficile pour une société anglo-saxonne de passer au-delà d'un certain seuil d'encours sous gestion en France", ajoute-t-elle. Mais le marché des investisseurs institutionnels en France n'est pas pour autant entièrement fermé aux sociétés étrangères. L'annonce par le FFR en 2006 d'une diversification de son portefeuille a incité de nombreux institutionnels à s'ouvrir à des classes d'actifs atypiques. "Certains agissent de plus en plus comme des sélectionneurs de fonds", indique Patricia Kaveh. Actifs dans leur gestion, les institutionnels français gagnent en sophistication et s'ouvrent aux fonds étrangers qui offrent des gestions de niche, comme les actions américaines, les actions émergentes ou les fonds thématiques. Des stratégies de ventes diverses Une évolution dont comptent bien profiter les sociétés étrangères, même si leur approche diffère selon les institutions. Pour prendre pied en France, l'une des stratégies possibles consiste à racheter un acteur local déjà bien implanté, comme l'a fait Allianz en prenant le contrôle d'AGF AM, ou bien à ouvrir localement sa propre société de gestion, une stratégie mise en œuvre notamment par Barclays AM, Fidelity ou Fortis. D'autres encore choisissent de créer un bureau commercial pour distribuer des produits gérés à l'étranger. C'est le choix fait par Schroders, Pioneer Investment ou encore JPMorgan AM. La mise en place de telles structures à Paris permet à ces derniers de se familiariser avec les problématiques locales (fiscales, réglementaires.), mais également de nouer des relations avec les institutionnels à travers des rencontres régulières. Toutefois, "ces stratégies sont compliquées pour les sociétés de gestion étrangères, car elles demandent de mettre en place des moyens humains, matériels et financiers importants, générant des coûts fixes élevés, affirme Philippe Alter. De plus, il faut attendre plusieurs mois avant que la structure locale puisse se mettre en place." Une stratégie alternative consiste donc à passer par des "global distributors", c'est-à-dire les réseaux des grandes banques internationales. C'est le choix fait par la société de gestion britannique Henderson Global Investors. "On observe progressivement une scission entre les centres de production et les centres de distribution, note Patricia Kaveh. Auparavant, les marchés étaient captifs, les banques distribuant exclusivement leurs propres fonds à leurs clients. Si la majorité des réseaux en France sont en architecture fermée, la distribution est en train d'évoluer. Les banques doivent, en effet, proposer les meilleurs fonds à leurs clients et s'ouvrir aux produits d'autres sociétés de gestion." L'émergence des TPM Depuis quelques années, de nouveaux réseaux de distribution sont toutefois développés : les tierces parties marketing (TPM), comme Investeam ou la Compagnie Jacques Cœur, des sociétés destinées à commercialiser les produits des petites sociétés de gestion ou des sociétés de gestion étrangères. La société de gestion danoise Sparinvest a ainsi fait appel à la Compagnie Financière Jacques Cœur : "nous connaissions bien le marché français et nous savions que nous pouvions intéresser des institutionnels français, indique Marie Ballorain, senior relationship manager du bureau parisien. Toutefois, nous ne souhaitions pas aller tout de suite directement sur ce marché. La TPM nous a permis d'y accéder rapidement en proposant à des institutionnels ciblés un process très structuré depuis dix ans autour d'un fonds mondial en pur stock-picking value." Les TPM présentent aussi l'avantage d'établir un lien durable entre institutionnels et gérants des fonds, car elles entretiennent des relations régulières avec ces deux parties. "Nous rencontrons régulièrement les équipes de gestion à l'étranger, afin de mieux connaître leurs processus de gestion, indique Romain Roucoules. Ainsi, nous pouvons répondre avec précision aux questions des investisseurs que nous rencontrons." Certains TPM élargissent également leurs services au conseil. "Nous formulons également des recommandations auprès des sociétés de gestion étrangères clientes en termes d'enregistrement de leurs fonds, de stratégie commerciale, de choix de produits, de positionnement sur le marché de la gestion en France", affirme Philippe Alter. Rémunérées à la commission en fonction de leurs ventes auprès des institutionnels, notamment par le biais de rétrocessions sur frais de gestion, les TPM s'avèrent moins onéreuses que la mise en place des équipes ad hoc en France, puisqu'elles mutualisent leurs moyens pour leurs différents clients. "Notre société est en contact direct et permanent avec les investisseurs institutionnels, que nous connaissons depuis longtemps. Nous les rencontrons régulièrement pour leur présenter la gamme complète des sociétés de gestion qui nous mandatent et cherchons à les orienter vers les fonds les mieux adaptés à leurs demandes", précise Philppe Alter, président de la TPM Investeam. Grâce à leurs expériences passées dans les directions financières de grandes banques, les trois associés d'Investeam ont tissé des liens solides avec des caisses de retraite, des assureurs ou des fonds de fonds. Chaque associé suit au fil du temps les mêmes investisseurs institutionnels, afin de leur proposer des gammes de produit cohérentes, de leur fournir des rapports de gestion détaillés et d'organiser des réunions avec d'autres institutionnels pour échanger sur des thèmes d'investissement. Les TPM sélectionnent les produits qu'elles commercialisent : "il nous arrive fréquemment de refuser des sociétés de gestion, car leurs produits sont redondants avec ceux que nous vendons déjà ou bien parce que leurs fonds sont trop petits pour les institutionnels", note Romain Roucoules. Un nouveau métier qui tend actuellement à se structurer avec la mise en place de règles de bonne conduite. Objectif : être plus visible dans le monde de la distribution. Une Association française des tierces parties marketing (AFTPM) a ainsi été créée en janvier dernier, afin de devenir un interlocuteur dans les discussions de place avec l'AFG ou avec l'AMF, autour des problématiques de commercialisation d'OPCVM. Anna Casal