EVENEMENT/Sociétés de gestion : Soci le passeport européen menacé !

19/03/2008 - 18:19 - Option Finance

Les sociétés de gestion espéraient améliorer leur compétitivité grâce au passeport européen. Or, l'Irlande et le Luxembourg feraient actuellement pression pour que celui-ci ne soit pas intégré dans la future directive OPCVM. Si le passeport européen des sociétés de gestion n'était pas intégré dans la future directive OPCVM, ce serait un crime contre l'Europe", affirme sans hésiter Pierre Bollon, délégué général de l'Association française de la gestion financière (AFG). De fait, les gérants français n'en reviennent pas. Selon des rumeurs qui circulent actuellement à Bruxelles, la directive OPCVM, dont le texte révisé devrait être rendu public dans les prochaines semaines, n'offrirait finalement pas un passeport européen aux sociétés de gestion. Or, sa mise en place représenterait une des principales avancées du nouveau texte. D'importantes économies de coûts potentielles Pour pénétrer un marché étranger, et notamment pour être présent auprès de la clientèle retail, les sociétés de gestion doivent pouvoir, proposer des fonds de droit local. Pour ce faire, elles sont obligées actuellement de créer une société de gestion sur place. Par exemple, pour gérer un fonds de droit italien, une société de gestion française doit créer une société de gestion en Italie. Or, avec le passeport, elle n'aurait plus besoin de créer une structure locale et pourrait ainsi réaliser des économies d'échelle et de coûts non négligeables. "Nous avons été amenés à créer en Europe plusieurs sociétés de gestion uniquement pour pouvoir vendre des fonds de droit local", souligne François Delooz, responsable de la conformité chez BNP Paribas Investment Partners (BNPP IP). Le passeport faciliterait, en outre, le développement à l'international de sociétés de gestion de taille plus modeste. "Lorsque nous avons créé notre sicav au Luxembourg, en juillet dernier, la réglementation nous a contraint à avoir sur place un dépositaire et un valorisateur alors que nous disposions déjà de ces fonctions administratives en France. La gestion de ces doublons, auxquels s'ajoute le fait que les uns et les autres n'utilisent pas les mêmes systèmes informatiques, limite les gains de productivité au niveau de notre middle office", explique Jean-Baptiste Blanc, responsable de la conformité et du contrôle interne chez Sycomore AM. Le passeport permettrait au contraire un rapatriement des fonctions administratives dans le pays de la société de gestion. Sa mise en place se ferait également au bénéfice des investisseurs. "Les différentes mesures prévues par la directive, et notamment la mise en place du passeport société de gestion, permettront de commercialiser des fonds de taille plus importante, et donc de réduire les coûts, ce qui aura in fine des répercussions intéressantes pour l'investisseur en termes de frais de gestion", ajoute François Delooz. Les répercussions de la directive seraient en revanche nettement moins favorables pour le Luxembourg et l'Irlande. Ces deux pays ont investi des sommes considérables pour bâtir des places de référence dans la domiciliation et l'administration de fonds. Du coup, ils se livreraient actuellement à un actif lobbying à Bruxelles, en plaidant pour l'instauration d'un passeport seulement "partiel" pour les sociétés de gestion, c'est-à-dire incluant le maintien des fonctions de tenue du registre et de valorisation dans le pays d'enregistrement du fonds. Le lobbying actif de l'Irlande et du Luxembourg Une solution rejetée par l'Efama : soutenue activement par la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne, l'association européenne des sociétés de gestion s'est exprimée pour la mise en place d'un passeport complet. Le choix de la Commission reste toutefois incertain. "L'enjeu est de taille car cette directive, qui a été publiée dans sa première version en 1985, est révisée au mieux tous les huit ans !", insiste Pierre Bollon. Les défenseurs du passeport société de gestion craignent que la lenteur de la procédure européenne incite paradoxalement certains pays à se montrer ouverts à toute solution qui irait dans le sens d'une meilleure circulation des fonds, et à se montrer finalement favorables à un passeport partiel. "Celui-ci peut représenter une première étape, mais, à terme, le passeport complet verra le jour car cela va dans le sens de l'histoire, à savoir créer un marché unique européen", estime Jean-François Poulnais, responsable du département juridique chez Allianz GI France. D'autant qu'in fine, le "préjudice" causé à l'Irlande et au Luxembourg serait limité. En effet, alors que Dublin et Luxembourg seraient à coup sûr perdantes du point de vue des fonctions administratives en cas de mise en place d'un passeport complet, ces deux capitales représenteraient a priori toujours des places de référence pour la domiciliation des fonds. "Si le passeport était instauré, nous conserverions notre sicav luxembourgeoise. Elle représente une tête de pont pour notre développement à l'international et nos équipes commerciales ont pu constater que les clients institutionnels étrangers étaient plus familiers de la sicav luxembourgeoise que du fonds français, grâce notamment à l'efficience des services d'agent de transfert développés au Luxembourg depuis plusieurs années", signale Jean-Baptiste Blanc. Dans les prochaines semaines, les défenseurs du passeport complet vont poursuivre leur combat qui, selon l'AFG, s'annonce "rude". Ce dossier pourrait d'ailleurs prendre une dimension politique à quelques mois de la ratification du traité de Lisbonne par l'Irlande. Le fait que le commissaire européen en charge du marché intérieur, Charlie McCreevy, soit irlandais risque de ne pas arranger les choses. Ludivine Garnaud