Groupe Eurotunnel : enfin le bon wagon ?

08/04/2008 - 13:51 - Boursier.com

Il aura fallu 20 ans et la menace d'une faillite retentissante pour qu'Eurotunnel dégage son premier bénéfice comptable...

C'est arrivé ! Pour la première fois de sa tumultueuse histoire, Eurotunnel a publié ce matin un bénéfice net à l'issue de son exercice 2007. Un bénéfice symbolique, tant au niveau du montant, 1 million d'euros pour une entreprise dont le chiffre d'affaires atteint 775 millions d'euros, que de sa date, vingt ans après son entrée en bourse à la fin de l'année 1987. Maigre consolation pour les petits porteurs, qui ont subi durant ces années une accumulation d'avanies, d'autant que le dernier plan de restructuration financière a fait la part belle aux créanciers bancaires aux dépens des actionnaires. Mais les faits sont là : délesté d'une partie de ses frais financiers colossaux, Eurotunnel, désormais rebaptisé Groupe Eurotunnel (GET), est une entreprise profitable, qui devrait accroître sa rentabilité au fil des ans. Le "plus beau projet d'infrastructure du monde" pourrait ainsi retrouver ses lettres de noblesse après une jeunesse tumultueuse. Du fait de l'absence de fonds publics dans l'affaire, conformément à la position défendue par Margaret Thatcher au milieu des années 80, le retard pris par le projet avait entraîné une série de refinancements tous plus coûteux les uns que les autres. Des opérations qui ont rendu peu à peu les créanciers maîtres du jeu, d'autant qu'aucune des recapitalisations douloureuses pour les actionnaires ne s'est soldée par un succès, la faute à des projections réalisées à partir de prévisions commerciales beaucoup trop optimistes à l'origine. L'ouvrage est inauguré le 6 mai 1994 avec deux ans de retard, mais les finances vont mal. Un vaste plan de restructuration de la dette est voté par les actionnaires en 1997. Il sera mis en place en 1998 et scelle l'entrée massive des établissements financiers dans le capital d'une société jusque-là largement dominée par les petits porteurs. Et le début d'un déséquilibre bilanciel croissant. Le début 2000 est difficile pour l'exploitant, qui perd notamment le bénéfice des lucratives boutiques détaxées après un changement de réglementation communautaire. En 2002 pourtant, et en dépit de chiffres de trafic toujours très éloignés des projections initiales, Eurotunnel parvient à équilibrer sa trésorerie. Mais la structure de son endettement devient de plus en plus problématique. Même si la société dégage des bénéfices, ceux-ci sont largement absorbés par les remboursements. Une fronde des actionnaires aboutit à la destitution de l'équipe dirigeante et à la nomination début 2004 de Jacques Maillot à la présidence. Il démissionnera pour être remplacé par Jacques Gounon un an plus tard. Ce dernier entame alors une course contre la montre pour tenter de garantir la viabilité de l'entreprise face à des créanciers toujours plus exigeants. Après plusieurs mois de négociations, il arrache un accord concomitamment au placement de la société sous sauvegarde de justice. En 2007, les anciennes actions Eurotunnel ont été échangées contre de nouveaux titres, les petits actionnaires étant réduits à la portion congrue. Des obligations convertibles en actions ont été émises au profit des nouveaux financiers du groupe, si bien que la grande banque d'affaires Goldman Sachs, qui a développé depuis quelques années une activité spécialisée dans les grandes infrastructures, devrait sous 3 ans devenir le premier actionnaire de l'entreprise avec 13 à 15% du capital. Ce matin, Groupe Eurotunnel a donc pour la première fois réussi à couvrir ses remboursements de frais financiers avec le produit de ses activités, pour aboutir à ce million d'euros de bénéfice très symbolique. La restructuration financière a permis d'abaisser de 40% le coût de l'endettement financier brut, précise le groupe, qui entrevoit désormais des jours meilleurs. "L'année 2007 prouve que le nouveau Groupe Eurotunnel n'a plus rien à voir avec le passé", s'est félicité le président Jacques Gounon, conforté par un solide début d'année puisque l'activité affiche une croissance de 15% au premier trimestre 2008, dopée par la contribution d'Eurostar après la mise en service de la ligne à très grande vitesse reliant Paris à Londres, mais aussi par une belle performance de la navette et du fret. "Il y a une espèce de cercle vertueux qui se conclura je l'espère l'année prochaine par une distribution de dividende... on est dans une phase aujourd'hui où tout nous réussit", a indiqué le dirigeant à l'antenne de Bloomberg TV à la mi-journée. La visibilité, qui faisait tant défaut à l'entreprise jusque-là, semble enfin au rendez-vous. "En étant extrêmement prudent, nous envisageons un résultat opérationnel de 500 millions d'euros en 2010, et je pense qu'on y arrivera", a ajouté Jacques Gounon. En bourse, les investisseurs reprennent espoir, même si les dernières étapes du refinancement restent à finaliser. Après les bonnes nouvelles du jour, sur un marché plutôt morose par ailleurs, l'action Groupe Eurotunnel progresse de 6% tout près des 12 Euros. Le bureau d'études Dresdner Kleinwort conseille ce matin de conserver le titre en portefeuille et loue le bon départ 2008. Le retour des analystes sur le dossier, eux qui l'avaient fui ces dernières années, est une preuve d'une normalisation, 20 ans après...



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