POINT DE VUE/ Thierry Million (Allianz GI)

15/04/2008 - 18:25 - Option Finance

Par Thierry Million, directeur de la gestion obligataire et de la recherche quantitative, Allianz Global Investor Les responsables financiers des principaux pays se sont réunis à Washington. Comme d'habitude, la communication des discussions sur la question des parités de change laisse la porte ouverte à de multiples interprétations. Néanmoins, les forces de marché continuent de pousser irrémédiablement le dollar à la baisse face à la plupart des devises des pays du G7 et des pays émergents. Cette tendance peut-elle s'inverser ou les détenteurs de dollars sont-ils condamnés à voir leur pouvoir d'achat s'éroder ? En six ans, le "trade-weighted dollar" a perdu plus du quart de sa valeur, en phase avec l'abyssal accroissement des déficits américains, auquel s'ajoutent maintenant le ralentissement de l'économie, de sérieuses craintes concernant la maîtrise de l'inflation et l'asphyxie du système financier. En effet, les pertes de la crise s'élevant à près de 1 000 milliards de dollars (estimation du FMI), et dont la plupart sont enregistrées aux États-Unis, ne sont pas de nature à rassurer des investisseurs en dollar déjà en moins-values sur leurs avoirs. La hausse de l'aversion au risque pousse les investisseurs à la réduction du levier dans leurs portefeuilles. Elle se traduit par une forte appréciation de la monnaie japonaise suite aux débouclements massifs des opérations de yen " arry trade". Face à l'euro, la dépréciation s'explique également par l'évolution des anticipations de politique monétaire. D'un côté, la Fed a déjà baissé agressivement ses taux directeurs, et le marché anticipe d'autres gestes. De l'autre, la BCE a laissé ses taux inchangés en gardant un discours sans concession, repoussant l'éventualité de baisses des taux. L'euro peut-il être une réelle alternative ? L'hétérogénéité de la zone euro constitue un sérieux frein à l'émergence d'un marché aussi profond et liquide que le marché américain. Investir sur les obligations de l'Etat allemand n'est certainement pas le même pari que de se placer sur des titres italiens. L'absence de politique fiscale harmonisée crée également des incertitudes pour les investisseurs géographiquement très éloignés. Cependant, l'euro est en train de gagner en crédibilité. A la parité actuelle, l'Union européenne pèse économiquement davantage que les Etats-Unis. L'arrivée des pays européens de l'Est apporte un dynamisme considérable. De surcroît, la BCE a énormément gagné en prestige dans sa capacité à gérer la crise financière, si bien qu'aujourd'hui le poids de l'euro dans les allocations des banques centrales représente un niveau record de 26 % des réserves. A brève échéance, la dynamique reste donc sans conteste défavorable au dollar et justifie la mise en place de ventes à terme de couverture sur les portefeuilles. Pourtant, à long terme, les détenteurs de dollars devraient se rassurer, car, d'une part, la parité de pouvoir d'achat à 1,30 dollar pour un euro plaide pour une réappréciation fondamentale de la devise américaine et, d'autre part, aucun des grands argentiers de la planète ne souhaite une nouvelle crise de change.