Nvlles sociétés de gestion/l'AMF pointe les lacunes

24/04/2008 - 15:27 - Option Finance

Comme chaque année, l'Autorité des Marchés Financier a passé en revue les pratiques du contrôle interne dans les nouvelles sociétés de gestion afin d'analyser les points d'amélioration. Si certaines lacunes du contrôle interne peuvent être comblées, d'autres carences, comme la lutte anti-blanchiment, sont plus difficiles à résoudre du fait d'une législation peu adaptée.

Publié début avril 2008, le rapport annuel de l'AMF sur les nouvelles sociétés de gestion indique que le contrôle interne de ces structures continue de comporter nombre de lacunes : "Comme en 2005 et 2006, on constate de nombreuses carences en matière de formalisation des contrôles (procédures et résultats), tant en ce qui concerne le contrôle interne que le contrôle déontologique ou la lutte contre le blanchiment des capitaux", indique l'Autorité des marchés financiers. L'étude annuelle 2008 a porté sur 16 sociétés de gestion (contre 21 en 2007), créées entre le 25 janvier et le 30 décembre 2005 et sélectionnées par l'AMF dès le début 2007. "Nous avons cherché à contrôler la conformité des aspects organisationnels de ces sociétés (contrôle interne, moyens humains et techniques, etc.) avec leur dossier tel qu'il a été pris en compte lors de l'agrément par l'AMF, affirme Marguerite Yates, chef du service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché de l'AMF. En aucun cas nous n'avons procédé au contrôle du détail des transactions, de la gestion financière ou des mandats signés avec le client." Au vu des carences observées, l'AMF a souhaité souligner certains points d'amélioration en matière de contrôle interne : "Nous vérifions que l'activité et l'organisation des nouvelles sociétés de gestion sont en adéquation avec l'agrément délivré par l'AMF et avec la réglementation, indique Marguerite Yates. Nous n'avons pas constaté d'anomalies significatives, mais avons dégagé des axes d'amélioration non seulement pour les entreprises contrôlées, mais également pour l'ensemble de la place."

Documentation et délégation des contrôles en ligne de mire

Le premier d'entre eux porte précisément sur la documentation des contrôles internes des nouvelles sociétés de gestion. "Comme les années précédentes, nous avons observé que le contrôle interne, même s'il était conforme au dossier d'agrément, n'était pas suffisamment documenté", affirme la chef du service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché. Un phénomène qui s'explique souvent par un manque de temps ou par une méconnaissance des évolutions de la réglementation. "Nous partons du principe que les sociétés de gestion procèdent effectivement aux contrôles qu'elles doivent mettre en œuvre. Néanmoins, lors de nos vérifications, il nous est arrivé de constater à plusieurs reprises l'absence de pièces justifiant ces contrôles, explique Marguerite Yates. Les sociétés que nous avons contrôlées et qui se trouvent dans ce cas sont conscientes de cette carence et se sont engagées à prendre des mesures pour renforcer leurs procédures et mieux documenter leurs contrôles." Chaque société de gestion possède, en effet, un interlocuteur à l'AMF qui suit son dossier au fil du temps et peut préciser certains points de la réglementation. Outre la documentation des contrôles, le rapport de l'AMF insiste sur un deuxième axe d'amélioration : le suivi du contrôle interne lorsqu'il est délégué à une autre société. Sur les seize sociétés ayant fait l'objet de cette étude, seules six d'entre elles assurent leur contrôle interne et déontologique de manière autonome, les autres ayant recours à l'externalisation totale. "Ces petites sociétés de gestion font en effet appel à des sociétés tierces spécialisées, auxquelles elles délèguent le suivi de leur conformité et leur contrôle interne et ce, principalement, pour deux raisons, résume Vincent Boisseau, président de la société Opadeo, spécialisée dans la conformité et le contrôle interne des sociétés de gestion. Tout d'abord, la réglementation est complexe et évolue en permanence. De plus, pour les structures de petite taille, cette externalisation est une solution alternative intéressante offerte au dirigeant pour régler le cumul de leur fonction opérationnelle ou de direction et leur rôle de responsable de la conformité et du contrôle interne (RCCI)." Or, la délégation du contrôle interne comporte un certain nombre d'écueils dans la gestion des risques. Les dirigeants de la société de gestion doivent impérativement contrôler leurs délégataires, selon l'AMF : "Lorsque nous sommes délégataires du suivi de la conformité et du contrôle interne d'une société de gestion, le contrat avec cette dernière stipule clairement que le dirigeant conserve la responsabilité de la conformité et du contrôle interne de la société aux yeux de l'autorité de tutelle, explique Vincent Boisseau. Néanmoins, il arrive parfois que certains aient tendance à vouloir se défausser sur le délégataire. Or, pour que nos actions de contrôles, de conseil et d'accompagnement soient pleinement efficaces et utiles, il est nécessaire qu'il y ait un échange régulier, une confiance réciproque, et que la direction s'associe pleinement à la démarche, par exemple dans la mise en œuvre des recommandations." Des réunions mensuelles et une collaboration étroite avec la société de délégation peuvent contribuer à améliorer les contrôles et leurs effets.

Des carences difficiles à limiter

Parmi les carences du contrôle interne des nouvelles sociétés de gestion figure également le contrôle anti-blanchiment. Sept sociétés du panel "présentent des carences dans leur dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, avec, en particulier, une absence d'information et de formation du personnel à l'embauche ou ultérieurement", selon le rapport de l'AMF. "Il s'agit d'un sujet complexe. La réglementation cadre étant commune à tous les établissements financiers, il y a un travail d'adaptation à effectuer par rapport aux activités exercées, notamment pour les petites sociétés de gestion", reconnaît Marguerite Yates. Les sociétés ont naturellement des difficultés à contrôler l'origine des flux, car elles ne sont pas en contact direct avec les investisseurs. "Les sociétés de gestion sont obligées de faire confiance aux intermédiaires qui commercialisent leurs produits, confie Vincent Boisseau. Ponctuellement, elles peuvent demander le dossier client à ces derniers, mais il s'agit d'une démarche peu fréquente, et parfois délicate pour des raisons de confidentialité." Enfin, dernière difficulté rencontrée par le contrôle interne : le suivi des opérations personnelles des salariés. "On demande, certes, systématiquement, aux employés leurs numéros de compte titre, mais c'est une démarche déclarative ; il est difficile de les empêcher de cacher un compte à leur employeur et d'effectuer des opérations depuis ce dernier", indique le président d'Opadeo. Ces deux lacunes du contrôle interne restent donc difficiles à améliorer au regard de la réglementation actuelle. Pour son rapport 2009, l'AMF a d'ores et déjà sélectionné 27 sociétés au total : si, de toute évidence, les contrôles se focaliseront sur les thèmes abordés dans la précédente étude, une attention toute particulière sera également portée sur la prise en compte des modifications réglementaires imposées, depuis novembre 2007, par la MIF.

Anna Casal Flottes