INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS: Xavier Léron (APICIL)

28/04/2008 - 18:36 - Option Finance

Le groupe APICIL gère 3,1 milliards d'euros d'encours dont les deux tiers proviennent de son activité Prévoyance. Il s'est réorganisé ces deux dernières années afin d'internaliser la gestion financière sur le modèle d'une société de gestion interne.

Option Finance: Comment gérez-vous vos encours de long terme  ?

Xavier Léron, directeur de l'administration et des finances du groupe APICIL:

A mon arrivée au sein du groupe APICIL il y a deux ans, après avoir effectué une première partie de carrière dans un groupe pharmaceutique, la direction des activités financières a été profondément remaniée. Depuis mon arrivée, cette fonction financière a été fortement renforcée avec d'abord le recrutement de Bertrand Jounin, qui a pris la responsabilité de la direction des activités financières. Il a ensuite embauché une responsable de la conformité et du contrôle interne, puis réorganisé sa direction en séparant la trésorerie et le back-office de la gestion. Ces changements traduisent la volonté de la direction d'internaliser la gestion financière sur le modèle d'une société de gestion interne. Pour la partie retraite, nos administrateurs ont souhaité mettre un terme à la délégation de l'ensemble de sa gestion à quatre sociétés de gestion (Robeco, HSBC, SGAM et CAAM) qui géraient chacune un grand fonds diversifié. Grâce à cette réorganisation, nous avons pu nous réapproprier les allocations stratégique et tactique d'actifs de notre portefeuille, via l'utilisation de produits purs (100 % actions, 100 % obligations, etc.) et plus seulement dans des fonds diversifiés. La gestion des actifs à long terme de la retraite (environ 800 millions d'euros) est désormais déléguée à 15 sociétés de gestion, qui ont été sélectionnées par appel d'offres en 2007. Le nouveau portefeuille Retraite a été ainsi mis en place fin janvier 2008. De son côté, le portefeuille Prévoyance et assurances de personnes (1,9 milliard d'euros) est géré en interne par deux gérants qui investissent directement dans des titres ou dans des OPCVM.

Quelle est votre allocation d'actifs  ?

Nous affichons 3,1 milliards d'euros d'actifs sous gestion, en incluant la trésorerie. APICIL est un groupe atypique dans le monde des institutions de prévoyance puisqu'il est majoritairement présent dans l'assurance de personnes. Cette activité représente près des deux tiers de nos encours, le tiers restant étant réalisé dans la retraite. Les actifs en Prévoyance ont été divisés en plusieurs portefeuilles selon l'origine des passifs. Il existe trois types de passif. Nous avons tout d'abord en charge la gestion de nos fonds propres (700 millions d'euros) surinvestis en actions et dans le private equity via des participations stratégiques dans les sociétés cotées. Nous gérons également l'épargne de nos clients par le biais des contrats d'assurance ainsi que nos provisions mathématiques investies à hauteur de 90 % dans des obligations. L'allocation stratégique de chaque portefeuille est élaborée par notre comité actif-passif qui se réunit une fois tous les deux mois. Elle est ensuite validée par notre conseil d'administration. Au total, l'allocation d'actifs de l'entité consolidante du groupe (Apicil Prévoyance) est actuellement de 53 % en obligations, de 20 % en actions, de 8 % en monétaire, de 7 % en alternatif, de 4 % en immobilier et de 3 % en actions non cotées et FCPR. Les 5 % restants sont des actifs stratégiques (principalement des participations dans des filiales). Dans le portefeuille Prévoyance, nous avons une grosse part d'actions françaises. Quand les marchés se seront stabilisés, nous envisagerons d'investir à nouveau dans les actions en privilégiant les titres de la zone euro hors de France, pour avoir un portefeuille plus représentatif de notre indice de référence, l'EuroStoxx. Par ailleurs, nous avons effectué en juillet 2006, un important investissement (30 millions d'euros) dans un fonds de fonds alternatifs. Il s'agit d'un fonds de fonds dédié. Le niveau important des fonds propres d'APICIL nous permet d'avoir notre propre fonds de fonds multistratégies. Nous avons souhaité intégrer cette poche de gestion alternative dans notre allocation afin de réduire la volatilité de notre portefeuille. Par ailleurs, nous sommes historiquement présents dans le private equity. Cette classe d'actifs nous convient car elle dégage une rentabilité à long terme adaptée à nos passifs à très long terme (jusqu'à 25 ans). En outre, elle nous permet de développer le tissu économique de la région Rhône-Alpes et des régions voisines, ce qui est cohérent avec nos valeurs et avec nos responsabilités de premier investisseur régional. La poche d'investissements immobiliers représente 4 % de nos encours et a vocation à atteindre 8 % à moyen terme. Dans le portefeuille Retraite, l'allocation se compose de 65 % d'obligations (dont 10 % de convertibles), de 25 % d'actions et de 10 % d'actifs de diversification (gestion alternative et capital-risque). La poche obligataire réunit uniquement des titres investment grade. Elle comprend des emprunts d'Etat (60 %), des obligations corporate (25 %) dont principalement des titres bancaires, mais aussi des obligations convertibles. Dans les actions, nous investissons essentiellement dans des titres de la zone euro. Enfin, nous voulons être présents dans l'investissement socialement responsable (ISR), mais en restant très prudent sur les montants investis dans un secteur qui n'a pas encore fait la preuve de son intérêt sur le long terme.

Comment a évolué votre portefeuille sur les 12 mois écoulés  ?

Le portefeuille assurance de personnes a été revu en juin 2007  : nous avons fait le choix de réduire notre poche actions, celle-ci passant de 28 % à 20 % au cours de l'année 2007, et nous n'avons pas effectué de gros investissements depuis. Nous avons une position attentiste par rapport aux actions car la visibilité est faible sur ces marchés. Toutefois, pour profiter d'opportunités, nous nous fixons 2 % à 5 % de marge de manœuvre pour chaque classe d'actifs par rapport aux bornes fixées par l'allocation stratégique. Les opportunités à saisir ont été nombreuses dans l'obligataire. Nous avons par exemple renforcé récemment nos lignes d'obligations perpétuelles qui, aux cours actuels, rapportent entre 8 et 10 %. Par ailleurs les niveaux de spread actuels nous permettent d'acquérir des papiers qui offrent une rentabilité supérieure à 5 %, voire 6 %, tout en restant en catégorie "investissement grade".

Que pensez-vous des évolutions réglementaires et plus particulièrement de la directive Solvency II  ?

Si nous sommes favorables à la mise en place de cette nouvelle réglementation qui permettra de mieux appréhender les risques, nous craignons toutefois que la généralisation de la méthode de valorisation "mark to market" n'incite les investisseurs institutionnels à adopter une gestion avec une vision trop court terme, notamment les mutuelles qui n'auraient pas les fonds propres suffisants. La nécessité de comptabiliser nos actifs en mark to market nous amène à considérer notre niveau de solvabilité sur un an, ce qui est contradictoire avec notre horizon de placement qui est très long terme. Nous travaillons à la préparation de Solvency II depuis déjà plus d'un an. Nous calculons les différentes études d'impact quantitatives appelées "QIS" (Quantitative Impact Study). Elles nous permettent de vérifier que nos fonds propres seront suffisants pour répondre aux nouvelles règles de solvabilité. D'après ces études, nous devrions pouvoir maintenir nos investissements les plus coûteux en capital, c'est-à-dire ceux réalisés dans les actions et le private equity. Par ailleurs, nous allons devoir réfléchir à la place que nous souhaitons attribuer aux investissements dans la gestion alternative à faible volatilité. Cette classe d'actifs est fortement pénalisée par le modèle standard de calcul des fonds propres de la directive Solvency II, en l'état actuel des textes. Pour faire face à cette situation, certains banquiers nous ont déjà proposé des solutions permettant d'englober ce type d'investissement dans des "enveloppes" obligataires. Cependant, nous craignons que ces "arbitrages" réglementaires n'ajoutent en réalité des risques supplémentaires. En effet, une structuration de fonds obligataires ne fait pas disparaître le risque lié à la gestion alternative, et ajoute le risque propre à la structure, en particulier, un nouveau risque de contrepartie. Nous réfléchissons actuellement à l'élaboration d'un modèle interne pour le calcul des fonds propres, c'est-à-dire un modèle qui permette de réaliser un calibrage sur mesure de nos fonds propres en fonction de nos engagements au passif. Ce modèle devrait voir le jour d'ici deux à trois ans. Parallèlement, nous menons des travaux sur les deux autres grands aspects de la directive : le contrôle interne et la communication de l'information financière. Nous souhaitons en effet avoir un comportement exemplaire dans ces domaines.n Propos recueillis par Ludivine Garnaud