Economie : l'inflation, une menace à prendre au sérieux dans les pays émergents

10/06/2008 - 11:03 - Boursier.com

Allan Conway, Responsable Actions Pays Émergents et Nicholas Field, Gérant, Actions Pays Émergents chez Schroders se sont interrogés sur l'impact du...

Allan Conway, Responsable Actions Pays Émergents et Nicholas Field, Gérant, Actions Pays Émergents chez Schroders se sont interrogés sur l'impact du retour de l'inflation sur les pays émergents. Depuis le milieu de l'année 2007, la résurgence du phénomène inflationniste ne fait en effet aucun doute. "Au cours des dernières années, deux thématiques économiques d'ampleur mondiale et à long terme ont été source de pressions inflationnistes. La première est liée à la demande, la seconde est un effet de la théorie monétaire", explique Schroders. Côté demande, celle de matières premières et de produits de base a progressé "massivement" au cours de dernières années. Le spécialiste prend l'exemple de la demande chinoise de pétrole pour illustrer son propos. La Chine figure aujourd'hui en tête de la liste des pays classés par ordre de croissance marginale de leur demande de pétrole, mais la situation est analogue dans les matières premières agricoles ou minérales. "Nous estimons que les cinq années qui viennent de s'écouler sont la genèse d'un processus, d'une durée prévue de 30 à 50 ans, de normalisation de la richesse des pays émergents par rapport à celle des pays développés ; nous nous trouvons donc dans ce que l'on appelle le super cycle des matières premières", dans lequel l'offre a du mal à s'adapter à ce choc de demande, explique Schroders. " À terme, la demande et l'offre finiront par s'équilibrer, moyennant de nouvelles augmentations de l'offre et de la productivité. Ainsi, l'agriculture est sous-productive en Chine et en Inde. Le niveau de productivité y est proche de celui de l'Europe occidentale et des États-Unis au début du XXe siècle", poursuit le gestionnaire qui voit dans la marge de hausse de productivité dans ces pays un facteur d'équilibre à terme. Le problème monétaire est lié à l'assouplissement de la politique américaine et à la baisse du dollar. Comme la plupart des matières premières sont cotées en dollars, et de nombreuses devises émergentes lui sont liées, le "laxisme de la politique monétaire américaine s'est donc propagé partout dans le monde". Schroders discute, après sa démonstration sur la réalité de l'inflation des matériaux de base, le fait que cette inflation ne devrait pas se transformer en "inflation réelle", c'est-à-dire en inflation des salaires, une position défendue par certains observateurs. "Dans les marchés développés, il est devenu de pratique normale, pour les dirigeants des banques centrales, de porter toute leur attention sur l'inflation sous-jacente - en d'autres termes, sur l'inflation nette des effets des produits alimentaires et des produits énergétiques. Le raisonnement est le suivant : les effets de prix induits par les matières premières sont exogènes à une économie donnée, causent des effets transitoires et restent sans effet sur le solde de l'offre et la demande monétaire", rappelle le spécialiste, qui juge que la méthode est désormais moins défendable qu'elle ne l'était en 2002, car "l'inflation des prix pétroliers et des prix alimentaires ne semblent vraiment pas transitoires". A ce problème, s'ajoute pour les pays émergents le fait que les produits alimentaires représentent une part plus importante du panier de la ménagère que dans les pays développés. Mais le coeur de l'interrogation est bien de savoir si l'évolution récente des prix alimentaires et de l'énergie va perdure, ou pas. Quant à la politique monétaire des pays émergents, elle est éloignée du cadre proposé en occident, où la banque centrale est préparée à prendre des mesures impopulaires (hausse des taux) ou cible le loyer de l'argent tout en autorisant les fluctuations entre cours de change. La réalité des pays émergents est beaucoup plus variable. "Autant dire que la politique monétaire peut s'exprimer dans un ensemble très varié de cadres institutionnels, dont la plupart ne ciblent pas la lutte contre l'inflation. Outre les interférences politiques et l'existence d'objectifs contradictoires, les champions du combat contre l'inflation dans les pays émergents doivent également tenir compte de décisions gouvernementales qui introduisent dans leur économie des distorsions en termes de prix et de marchés. Les subventions sur le pétrole et sur certains produits alimentaires sont monnaie courante", explique Schroders, qui estime que les pays émergents ne prennent pas encore assez au sérieux la menace de l'inflation. Pour remédier à la tendance inflationnistes, les deux spécialistes préconisent d'adopter une politique monétaire plus restrictive dans les pays émergents. "Les pays émergents n'ont pas oublié l'histoire récente et les effets politiques déplaisants de l'inflation", comme en Amérique Latine ou en Chine. "Il serait également possible que le ralentissement économique aux États-Unis entre dans une nouvelle phase, violente, avec un grave ralentissement de la consommation. Il pourrait en résulter une diminution brutale de l'endettement américain, doublée d'une hausse déflationniste du dollar. Apparemment, plusieurs banques centrales de pays émergents attendent patiemment que ce scénario se réalise. Il y a là de quoi s'inquiéter pour l'avenir, dans la mesure où ce scénario pourrait masquer la tendance sous-jacente de hausse de l'inflation et endormir ainsi la vigilance des autorités monétaires", prévient Schroders. Mais "le pire scénario, pour l'inflation, est un scénario où elle ne serait pas contenue", comme ce fut le cas au début des années 80 aux Etats-Unis, lors les marchés, entre le sommet atteint en 1968 et le creux atteint en 1982, a perdu les deux tiers de sa valeur en termes réels. "La situation actuelle est donc celle d'une confrontation entre la tendance inflationniste à long terme (coût de la main-d'oeuvre en Chine, croissance des pays émergents, faiblesse du dollar, subventions sur les prix) et de quelques contre-tendances à plus court terme (baisse de la consommation aux États-Unis, politique monétaire restrictive dans certains pays émergents). Quelle va être la résultante de ces tendances ? À long terme, nous nous attendons à une poursuite de la croissance dans les pays émergents, à la prééminence de la tendance inflationniste, et donc à une augmentation des taux d'intérêt réels partout dans le monde", expliquent Allan Conway et Nicholas Field, qui ajoutent que cette hypothèse rendra le monde développé "acheteur de prix" contraint d'accepter des prix à l'importation plus élevés et, à terme, contraint de restructurer son économie dans le sens d'une moindre dépendance des importations. "La croissance des pays émergents et l'inflation qui en résulte seront probablement l'enjeu économique majeur à l'échelle mondiale pour les années à venir. La principale incertitude sera celle de la réaction des pouvoirs publics. Il y a cependant une certitude. L'époque où les marchés émergents étaient l'allié du consommateur américain est révolue. Les pressions inflationnistes persistantes constituent pour les marchés émergents un péril bien plus grave qu'une récession aux États-Unis. Le découplage économique des marchés émergents est bien un fait", conclut Schroders.



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