Brasseurs : Budweiser sous pavillon belge ?

12/06/2008 - 14:48 - Boursier.com

Le géant belge de la bière, InBev, a frappé un grand coup hier soir...

Le géant belge de la bière, InBev, a frappé un grand coup hier soir. Le propriétaire de Stella Artois, Jupiler, Leffe ou Hoegaarden a proposé à son homologue américain Anheuser-Busch, bien connu pour sa bière Budweiser, de le racheter en y mettant les formes, puisque l'entreprise bruxelloise propose... 46,3 Milliards de Dollars pour son concurrent (environ 30 Milliards d'Euros) ! Une offre informelle a été transmise à la direction de la société basée à Saint-Louis, dans le Missouri, qui a pris acte de la proposition "non-sollicitée" dans un communiqué diffusé dans la nuit, en promettant de l'étudier de près et d'y répondre aussi rapidement qu'elle le pourra. Le rachat d'Anheuser-Busch est un serpent de mer des marchés financiers depuis des années. L'entreprise détient 48,5% du marché américain grâce à la Budweiser et la Bud Light, la bière la plus vendue au monde. Elle a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires de 16,7 Milliards de Dollars et un bénéfice net de 2,11 Milliards de Dollars (soit environ, respectivement, 10,8 et 1,3 Milliards d'Euros). Elle est dirigée par la cinquième génération de la famille Busch, après la co-création de l'entreprise par le trisaïeul Adolphus Busch en 1869. Autant dire qu'il s'agit là d'un monument américain... C'est du reste le principal écueil auquel va se heurter InBev, le-vilain-belge-qui-lance-une-OPA sur cette vénérable institution. Car financièrement, l'offre semble tenir la route avec une prime copieuse sur les derniers cours cotés qui devrait suffire à satisfaire les actionnaires. La vigueur de l'euro par rapport au Dollar n'est pas étrangère à la générosité du prétendant. En outre, malgré des conditions de marché difficiles, particulièrement sur le front du crédit, InBev assure disposer d'un soutien fort de plusieurs grandes banques européennes et américaines, prêtes à lui avancer 40 Milliards de Dollars. Il est vrai qu'elles ne prennent pas un risque inconsidéré en finançant le rachat de la bière chérie de l'Amérique. Le président de la société belge, Carlos Brito, sait bien qu'il va lui falloir marcher sur des oeufs car les américains apprécient les fusions-acquisitions, mais surtout lorsqu'elles sont initiées par leurs entreprises sur des entreprises étrangères. L'inverse, quelques exemples récents le démontrent, est beaucoup moins vrai. Dans sa proposition, Brito cherche donc à ménager au maximum les susceptibilités outre-Atlantique. Ainsi le nom de la nouvelle entité combinée "évoquera l'héritage Anheuser-Busch", tandis que Budweiser sera chouchoutée en terme d'expansion internationale. Le siège nord-américain restera localisé à Saint-Louis, qui demeurera le coeur de Budweiser. InBev promet de prendre des engagements sociaux auprès des communautés où opère la marque, tandis qu'aucune brasserie nord-américaine ne sera fermée. Tout l'argumentaire que Carlos Brito développe dans le communiqué de son groupe et dans ses commentaires depuis hier soir est centré sur le respect qu'il a pour Anheuser-Busch et sur la conservation de l'identité de sa cible, signe que ses conseils ont dû lourdement insister sur le contexte particulier de cette opération. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Politiques d'abord, puisque le (jeune) Gouverneur de l'Etat du Missouri, Matt Blunt, a bondi à l'annonce de l'opération, dans un communiqué virulent dans lequel il se déclare "fermement opposé" à la vente de l'entreprise, ajoutant que l'annonce de l'offre l'avait ébranlé. S'il entend soutenir une action pour prévenir l'opération, il concède cependant qu'il n'existe aucune mesure à l'échelle de l'Etat pour prévenir une telle acquisition. "Anheuser-Busch est une superbe entreprise du Missouri, un superbe employeur, une superbe entreprise citoyenne qui fait de superbes produits appréciés dans le Missouri et autour du monde", explique Blunt dans son communiqué. La toile a commencé dès hier soir à se couvrir de commentaires hostiles à InBev, où une forme de patriotisme assez compréhensible se mêle à des attaques de bas étage et a un argumentaire hostile teinté de mauvaise foi. Le site saveAB.com (A-B et le diminutif d'Anheuser-Busch aux Etats-Unis) a d'ores et déjà commencé à fédérer les opposants à un rachat. On peut y lire en guise d'introduction "Comme le baseball, l'apple pie et la bière glacée (drapée de rouge, blanc et bleu), Anheuser-Busch est un symbole Américain". Suit une rhétorique guerrière faite de "combat", d'"invasion d'investisseurs étrangers" et d'une pétition (qui n'a recueilli que 4.000 signatures en début d'après-midi, mais beaucoup d'américains n'avaient pas encore démarré leur activité). Hormis ce conséquent écueil patriotique, le mariage InBev / Anheuser-Busch a du sens pour les spécialistes. "La justification stratégique de cette approche est claire : InBev a besoin d'une marque de bière globale et Anheuser-Busch a besoin d'un accès de marché global pour vendre ses marques", synthétise Nikolaas Faes, du bureau d'études Exane BNP Paribas, dans une note diffusée ce matin. L'analyste estime que le duo détiendrait une part de marché mondiale de 27% dans la bière, deux fois plus que le numéro deux SABMiller, mais sans gros soucis par rapport aux autorités de la concurrence car les deux entreprises n'ont pas de doublons significatifs à l'échelle d'un pays. Jusque-là, les analystes saluent très largement l'opération en louant la complémentarité des deux entreprises, mais beaucoup attendent d'en savoir plus sur les objectifs d'InBev et surtout la réaction des dirigeants d'Anheuser-Busch. Les marchés financiers, eux, ont déjà fait son choix : traditionnellement, une opération d'une telle ampleur a le don de provoquer une levée de boucliers préventive, d'autant plus depuis que les conditions boursières sont devenues très difficiles. A la Bourse de Bruxelles, en début d'après-midi, le titre InBev s'envole de près de 5%...



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