INTERVIEW / Nicolas Demont (MGEN)

27/04/2006 - 10:31 - Option Finance

Interview de Nicolas Demont, directeur financier de la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN)

Comment gérez-vous les encours de long terme ?

La gestion n'est pas réalisée en interne. A l'exception des participations et de l'immobilier, elle est intégralement déléguée. Sur un encours global de 1,9 milliard d'euros, 75% sont gérés par des fonds dédiés sous forme de mandats diversifiés accordés à la Société Générale, BNP Paribas, Natexis, CDC Ixis et Lazard Frères Gestion. En plus de ces fonds dédiés, nous avons décidé, depuis l'année dernière, de faire nous-mêmes notre marché en investissant également dans des fonds ouverts. Cela nous permet de diversifier nos risques et d'avoir accès à un mode d'investissement différent de celui pratiqué par les grandes banques. Les fonds ouverts que nous privilégions sont essentiellement présents sur les marchés actions et alternatif, à l'intérieur de la zone euro. Nous croyons beaucoup à la multigestion. De manière générale, nous privilégions une gestion guidée par des convictions et nous vérifions ensuite sa pertinence en fonction de la valeur apportée. Nous mettons en compétition l'ensemble de nos gérants en diffusant chaque mois la performance de chacun comparée à l'évolution moyenne de nos actifs. Bien entendu, cette performance est également évaluée par rapport au risque.

Quelles règles de gestion avez-vous imposé pour la gestion dédiée ?

Les règles sont les mêmes pour l'ensemble de nos gérants. Nous ne pouvons pas avoir une allocation d'actifs en décalage avec notre passif. En tant qu'institution présente dans la santé et la prévoyance, nous avons un risque court, allant de 1 mois à 15 ans environ. Notre allocation en termes de taux doit donc rester prépondérante. Nous souhaitons ainsi que 80% des fonds dédiés soient investis en taux et 20% en actions, à l'intérieur de la zone euro. Pour surveiller la performance dans les taux, nous avons supprimé la référence à un benchmark. Utilisé à l'origine pour comparer les performances, il est devenu à tort un mode de gestion. Nous imposons simplement une fourchette de sensibilité comprise entre 1 et 8, ce qui laisse au gérant une assez grande flexibilité en termes de risque obligataire. Les actions quant à elles sont comparées à l'Euro Stoxx élargi avec un "tracking error" de 12. Cependant, pour les taux comme pour les actions, nous faisons avant tout confiance aux convictions du gérant. Nous lui laissons un an pour nous prouver que sa gestion est génératrice de valeur, puis nous prenons des sanctions en augmentant ou en diminuant le portefeuille d'actifs confiés.

Votre gestion va-t-elle connaître des évolutions dans les mois à venir ?

Notre stratégie en matière d'allocation d'actifs a été décidée en janvier 2005 pour une durée de cinq ans. Nous visons un rendement de notre portefeuille de 5,3% sur cette période, en intégrant une probabilité de 5% de perdre l'ensemble des plus-values latentes à la fin de chaque année (soit une "Value at Risk" de 95%). Jusqu'à présent, nous avons bénéficié à plein d'une conjoncture plutôt favorable aux mutuelles de santé. Sur les dix dernières années, la MGEN affiche en moyenne un excédent de trésorerie de 50 à 60 millions d'euros par an. En plus de ce cash-flow dégagé par le résultat, nous avons profité à plein de la baisse des taux, grâce à notre forte présence dans ce domaine. Ainsi, la progression de notre encours sur les dix dernières années est essentiellement due à la performance de notre gestion d'actifs. Cette évolution devrait se poursuivre dans les années à venir puisque la MGEN ne cherche pas à avoir un excédent de trésorerie important. Sa politique reste fondée sur le pilotage par le résultat. Nous devrions néanmoins connaître une évolution dans notre gestion d'actifs dès cette année. En effet, nous cherchons à confier les fonctions de valorisateur, de dépositaire et de conservateur à une même entité, afin de réduire nos coûts et favoriser une remontée rapide de l'information. Le choix de cette entité ne donnera pas lieu à un appel d'offres. Nous allons rencontrer trois grandes banques et en sélectionner une en fonction du prix proposé. La nouvelle organisation devrait être opérationnelle dès septembre, voire en octobre prochain.

En tant qu'investisseur institutionnel, que souhaiteriez-vous voir évoluer dans votre profession ?

Des évolutions seraient bénéfiques dans le private equity d'une part, et dans l'exercice des droits de vote en assemblée générale, d'autre part. Le private equity permet de faire de l'investissement socialement responsable puisque les opérations mises en oeuvre entraînent généralement des créations d'emplois. Cependant, bien que nous maintenions notre présence dans le private equity (0,5% de notre portefeuille logé dans la poche actions), nous n'envisageons pas de l'augmenter car le reporting nous semble peu clair. Par ailleurs, une véritable bulle semble être en train de se créer en matière d'opérations LBO, ce qui nous incite à faire preuve de prudence. Les frais de gestion élevés limitent également notre présence dans le private equity. Propos recueillis par Ludivine Garnaud