La vogue de la gestion core-satellite

15/05/2006 - 11:55 - Option Finance

Tout avoir : de la gestion indicielle, car il est très difficile de battre les marchés sur le long terme, et de la gestion active pour profiter des mouvements de marché : telle est l'ambition de la gestion core-satellite vers laquelle se tourne un nombre toujours plus important d'investisseurs institutionnels depuis que les marchés sont repartis à la hausse Le dernier krach boursier a marqué un tournant. Pendant des décennies, les compagnies d'assurances, les institutions de retraite et de prévoyance, les entreprises françaises ont privilégié la gestion active au travers de fonds diversifiés. La sous-performance de leurs portefeuilles pendant les années 2000-2003, le recours grandissant à des consultants quant à l'allocation d'actifs optimale, le positionnement du Fonds de Réserve des Retraites qui, à l'image des Anglo-Saxons, a retenu, pour un grande partie de ses avoirs, une gestion indicielle ou benchmarkée, conduisent certains trésoriers ou directeurs financiers à revoir leur démarche, à reprendre en main leur allocation stratégique et structurer leurs besoins. "Les investisseurs souhaitent avoir l'assurance que leur allocation est en phase avec leurs engagements (versements de pensions, de rendements.) et qu'elle permet la meilleure valorisation de leurs actifs", explique Alain Pitous, directeur du développement de SGAM. Cette double exigence a conduit les sociétés de gestion à proposer de dissocier la gestion des actifs qui satisfont la couverture des engagements (le cœur) et ceux dont la finalité est exclusivement de capter la performance, "l'alpha" là où elle se trouve, sans contraintes (les satellites). Ainsi est née la gestion core-satellite. La démarche a été confortée par le souci de diversifier la gestion et de s'adresser non plus à un seul gestionnaire mais au meilleur de chaque classe d'actifs.

Une gestion dissociée selon les objectifs poursuivis

Cette dissociation des fonctions a plusieurs conséquences. Elle conduit les décideurs pour la gestion du "core" à opter pour des actifs dont le risque est clairement identifié et donc à s'orienter vers une gestion indicielle pure sous forme de fonds ou de trackers ou vers une gestion tiltée, légèrement plus performante moyennant une légère prise de risques, si leurs engagements sont à moyen ou long terme. La proportion d'obligations est en général élevée, concentrée sur les emprunts d'Etat. "Le principe est d'avoir les produits les plus purs possibles afin que le risque soit clairement connu et que les évolutions du portefeuille soient maîtrisables", commente Jean-François Bay, président de Seeds Finance. Leur vocation est de dégager ce que rapporte le marché, le "bêta". Cette gestion étant par nature peu différenciante d'une société de gestion à l'autre et importante en volume, elle génère une concurrence entre les établissements qui se traduit concrètement par une chute des frais de gestion. Le Fonds de Réserve des Retraites a ainsi obtenu pour sa gestion actions internationales un taux de 0,06% par an et une société de gestion, State Street, est même descendue à moins de 0,05% pour obtenir un appel d'offres. Cette compétition sur les tarifs est en train de concentrer les mandats sur les très grosses maisons et d'exclure de ce marché les maisons qui ne peuvent pas s'aligner. CAAM, HSBC, BNP Paribas Asset Management, SGAM, Barclays Global Investors, State Street se livrent une guerre sans merci. L'inverse se produit pour les satellites. La tendance est à la sélection de gérants de conviction qu'ils appartiennent à de grandes ou petites "maisons". La segmentation entre plusieurs poches d'actifs redonne aux "boutiques" une place qu'elles avaient perdue, faute d'avoir une taille suffisante pour traiter les actifs de l'investisseur dans son ensemble. Cette segmentation conduit également à une plus grande diversification des actifs. Leurs engagements étant couverts, les investisseurs peuvent se permettrent un nombre plus important de paris, sans forcément prendre plus de risques. Certains n'hésitent pas à investir dans le private equity, les matières premières, les fonds de titrisation de créances. tandis que les sociétés de gestion recourent dans leur gestion aux produits dérivés, aux stratégies d'options sur valeurs ou sur indices, aux changes.

Des processus bien définis

La construction d'une gestion core-satellite n'est toutefois pas si simple que cela. "La performance repose sur l'allocation d'actifs et son actualisation dans le temps", remarque Guillaume Touzé, président de Barclays Asset Management. Quels pourcentages respectifs attribuer au "core" et aux satellites ? "L'allocation varie selon les institutionnels. Mais globalement elle tourne autour de 80% pour core et 20% pour les satellites", constate Alain Pitous. Au-delà de l'allocation d'actifs, ce type de gestion demande de l'expertise et du savoir-faire. Pour Christian Dargnat, responsable du pôle gestion actions, allocations et arbitrages chez Crédit Agricole Asset Management, "il s'agit de bien mettre en musique des gestions qui ont leur propre vie. Cela suppose une organisation rigoureuse et un process bien défini". Celui-ci repose dans beaucoup de sociétés sur le concept de "value at risk", un modèle d'allocation d'actifs basé sur l'appréciation du risque. "Nous avons développé également les outils d'attribution de performance pour connaître à tout moment quelle gestion ajoute de la valeur ou en soustrait. Nous avons enfin bâti une organisation qui permet à chacun de travailler dans la complémentarité et la confiance. Les équipes sont de petite taille, inférieures ou égales à cinq, concentrées sur leur spécialité, autonomes pour être différenciantes", continue Christian Dargnat. Dans la démarche des institutionnels, deux écoles aujourd'hui cohabitent : celle qui consiste à conserver la maîtrise de la répartition des actifs quitte à se faire aider par un consultant et celle qui aboutit à la déléguer à une maison capable d'assurer à la fois le cœur et les satellites. "Nous avons agrégé à l'équipe de la gestion institutionnelle, onze satellites spécialisés par thèmes géographiques ou sectoriels, par segments de classes d'actifs (petites capitalisations, convertibles.) et par styles de gestion (performance absolue, bottom-up.) permettant ainsi de couvrir l'intégralité du champ de la gestion actions. Aussi sommes nous en mesure d'offrir des combinaisons multiples et variées et donc de déceler les meilleures d'entre elles", met en avant Christian Dargnat. Cette dichotomie entre la gestion indicielle du core et la gestion de conviction des satellites gêne malgré tout certains investisseurs, qui échaudés par les mauvaises performances des années 2000, préfèrent opter pour une gestion active sur toutes les poches de leur portefeuille. Gestion qui n'empêche pas un strict contrôle du risque. Laurence Allard