ERAMET se rappelle au bon souvenir de l'Elysée

18/11/2008 - 16:04 - Option Finance

(AOF) - A quelques semaines du débouclage du pacte d'actionnaires scellé entre les deux actionnaires de référence d'Eramet, Areva et la famille Duval, Patrick Buffet, le P-DG du groupe minier défend l'indépendance de son groupe et son identité française. Alors que la famille Duval pourra vendre comme elle le souhaite sa participation de 37% du capital dès le 1er janvier prochain, le patron profite d'une tribune aux "Echos" pour rappeler l'importance stratégique d'Eramet pour la France et l'Europe au sein du secteur des matières premières. Patrick Buffet s'inquiète de la "véritable guerre économique autour du contrôle des ressources minières à l'échelle du globe" dont la Chine, en affichant sa " volonté de conquête à tout prix du contrôle des ressources ", est devenue l'un des principaux protagonistes. Or, estime t-il, dans un contexte de rapide concentration du secteur des matières premières non énergétiques et à l'heure où la logique de création de "champions nationaux" prévaut, la France et l'Europe doivent absolument pouvoir compter sur un groupe minier et métallurgique indépendant garant de leur sécurité d'approvisionnement. Patrick Buffet cite une autre composante politico-économique de l'avenir d'Eramet : sa présence dans deux territoires chers à la France, la Nouvelle-Calédonie et le Gabon, où le groupe est "étroitement associé, économiquement, socialement et sur le plan de la gouvernance". En rédigeant cette tribune, l'ancien haut fonctionnaire sous la présidence de François Mitterrand semble inviter le gouvernement français à prendre ses responsabilités. En effet, les rumeurs d'un rapprochement de son groupe avec Areva se sont estompées cette année au profit d'une fusion éventuelle entre Areva et Alstom pour le plus grand plaisir de Bouygues, actionnaire principal de l'équipementier. En mai 2007, l'arrivée de Patrick Buffet à la tête d'Eramet en remplacement de Jacques Bacardats, démissionnaire, avait été perçue comme un putsch d'Areva sur le groupe minier dont il détient 26%. Durant quatre ans, de 1991 à 1994, celui qui a été conseiller industriel à la présidence de la République a en effet côtoyé sa collègue du corps des Mines, Anne Lauvergeon, alors secrétaire générale adjointe et aujourd'hui présidente du directoire d'Areva. S'il ne se déclare pas ouvertement pour une fusion avec Areva, Patrick Buffet ne doit pas ignorer que ce rapprochement le mettrait à l'abri d'une offre du brésilien Vale, premier producteur mondial de fer récemment coté à Paris. Ce dernier avait d'ailleurs tenté une première tentative de rachat en 2005. Le dossier s'est encore compliqué ces derniers jours avec l'annonce des difficultés financières de Carlo Tassaro, la holding d'investissement du milliardaire franco-polonais Romain Zaleski. Très endettée, la société pourrait être contrainte de céder au plus offrant certains de ses actifs, notamment une partie de sa participation de 13,2% dans Eramet. En outre, Romain Zaleski détient 7% de Comilog, la filiale de manganèse d'Eramet au Gabon. Demain, Nicolas Sarkozy présentera le fonds stratégique français dont l'une des vocations est de soutenir des entreprises innovantes ou possédant des technologies-clés, mais dont la faible valorisation boursière ou la dispersion du capital font des proies tentantes pour des prédateurs étrangers. Selon la presse, il serait doté de moins de 20 milliards d'euros, soit largement assez pour acquérir directement les 37% de la famille Duval valorisés aujourd'hui environ 1,16 milliard d'euros, soit plus de trois fois moins qu'en mai dernier, juste avant l'éclatement de la bulle des matières premières. En conclusion, ces prochaines semaines risquent d'être déterminantes pour l'avenir d'Eramet et ses 16 000 salariés répartis dans 20 pays. L'enjeu valait bien une tribune. (P-J.L) (AOF)

EN SAVOIR PLUS

ACTIVITE DE LA SOCIETE

Exploitant des mines de nickel depuis plus d'un siècle en Nouvelle-Calédonie, Eramet est un groupe minier et métallurgique intégré, qui produit des métaux non ferreux et leurs dérivés chimiques, des aciers spéciaux à hautes performances, alliages de nickel et superalliages, et des pièces à hautes caractéristiques pour l'industrie. Ses produits : métaux de haute pureté, ferroalliages, pièces forgées et matricées, billettes et barres, tôles, fils, dérivés chimiques... sont utilisés dans l'industrie aéronautique et spatiale, la sidérurgie, les aciers inoxydables, la production d'énergie, l'outillage, la chimie, les transports, le médical...

FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR

Les points forts de la valeur

- Le groupe occupe des positions fortes sur le plan mondial dans ses trois activités : les alliages et aciers spéciaux à hautes performances, le manganèse et le nickel. - Grâce à la forte hausse du prix des matières premières, Eramet a engrangé d'importantes liquidités. - Le groupe dispose d'une marge de manoeuvre financière pour procéder à d'éventuelles acquisitions.

Les points faibles de la valeur

- En tant que premier employeur de Nouvelle-Calédonie, Eramet est très impliqué dans le climat social du territoire. - Les trois activités de groupe sont cycliques, ce qui peut entraîner une certaine volatilité des résultats.

COMMENT SUIVRE LA VALEUR

- A suivre particulièrement l'évolution des cours du nickel, qui entre dans la composition de l'acier inoxydable, et du manganèse. - On s'intéressera également à la situation politique du Gabon, où Eramet est présent pour le manganèse, et celle de Nouvelle-Calédonie pour le nickel. - La structure du capital et le pacte d'actionnaires entre la famille Duval (37,2 %) et Areva (26,2 %), encourage les rumeurs spéculatives sur le marché. Areva ne cache pas son intérêt pour le dernier groupe minier français. La famille Duval, quant à elle, veut lui céder sa part pour racheter Aubert & Duval, l'entreprise familiale qu'elle avait apporté à Eramet en 1999.

LE SECTEUR DE LA VALEUR

Produits de base - Métaux

La Chine consomme toujours plus de métaux. Ce pays consomme déjà un tiers de la production mondiale d'aluminium, d'étain, de zinc, de plomb et un quart de la production de cuivre ou de nickel. Selon les analystes, en extrapolant les tendances actuelles (en termes de consommation, et d'équipement), la Chine devrait consommer 60% des métaux dans le monde dans dix ans. C'est pourquoi plusieurs mesures ont été prises pour sécuriser ses approvisionnements. Face à l'envolée des cours des matières premières, la Chine a décidé de constituer des stocks stratégiques de minerais et métaux. Les autorités ont également interdit l'exploitation de certains gisements d'or, de cuivre et de charbon du sous-sol national, et ont fixé des quotas d'exportation de certains minerais rares. Les entreprises nationales sont incitées à investir dans les gisements à l'étranger. Le fonds souverain CIC, doté de 200 milliards de dollars, a été créé pour mener des prises de participation dans des entreprises occidentales.