BNP Paribas : la banque des paradoxes

27/01/2009 - 12:58 - Boursier.com

La seconde moitié du plan de soutien au secteur bancaire français ne semble pas susciter autant d'enthousiasme que la première...

La seconde moitié du plan de soutien au secteur bancaire français ne semble pas susciter autant d'enthousiasme que la première. En octobre dernier, lorsque Christine Lagarde avait dévoilé le dispositif de 10,5 Milliards d'Euros destiné à renforcer le capital des principaux établissements hexagonaux, les six premiers réseaux français avaient répondu à l'appel : Crédit Agricole (3 Milliards de renforcement des fonds propres), BNP Paribas (2,55 Milliards), Société Générale (1,7 Milliard), Crédit Mutuel (1,2 Milliard), Caisses d'Epargne (1,1 Milliard) et Banques Populaires (0,95 Milliard). Pour la seconde tranche en revanche, Crédit Agricole a d'ores et déjà décliné l'invitation, tandis que la Société Générale est en cours de réflexion. Seule la BNP Paribas a indiqué qu'elle ferait appel à nouveau au dispositif. Les autres établissements sont pour l'heure restés muets. Alors, assez solides pour snober les aides publiques, les banques françaises ? Pas vraiment, en vérité. Les réticences proviennent notamment des conditions beaucoup plus restrictives imposées par l'Etat sur la seconde tranche de soutien, qui peut elle aussi aller jusqu'à 10,5 Milliards d'Euros. Ainsi le directeur général de BNP Paribas, Baudouin Prot, a expliqué hier à l'antenne de BFM que la puissance publique n'était pas désintéressée dans cette affaire, puisque son établissement, qui va émettre 5,1 Milliards d'Euros d'actions de préférence en faveur de l'Etat, paiera ces actions "avec un dividende important, de l'ordre de 8%". "Cela va coûter 400 Millions d'Euros par an à BNP Paribas. Il n'y a aucune subvention de la part de l'État", a-t-il rappelé, en faisant notamment référence à l'absence de déductions fiscales possibles sur le versement de ces coupons. Outre ces conditions financières moins avantageuses, BNP Paribas pourrait avoir davantage de comptes à rendre à l'Etat en souscrivant à la seconde tranche, en particulier sur le plan du dividende. "Si l'Etat français n'a pas imposé de contraintes en terme de paiement du dividende pour la première tranche d'injection de capitaux, la seconde tranche marque une étape décisive dans les demandes du gouvernement", estiment Eric Hazart et François Boissin, analystes chez Exane BNP Paribas, qui rappellent que Nicolas Sarkozy a réclamé aux banques bénéficiaires, le 19 janvier, de modérer fortement leur dividende, voire d'y renoncer. Il n'y aura cependant pas d'année blanche au titre de 2008, comme l'a confirmé Baudouin Prot. "Il y aura un dividende", a-t-il soutenu, sans toutefois préciser son niveau qui sera débattu lors du prochain conseil d'administration en février. Au titre de l'exercice 2007, la banque avait versé 3,35 Euros par action. Pour l'exercice qui vient de s'achever, les analystes tablent sur un niveau bien moindre, proche de 0,60 Euro selon Exane, ou de 1 Euro, selon Cheuvreux. Le rendement (rapport entre le dividende distribué et le cours de l'action) devrait en tout état de cause être significativement inférieur à celui de ses principales rivales, Société Générale et Crédit Agricole. Si les contreparties sont si importantes, pourquoi, alors, la BNP Paribas, qui a par ailleurs fait état d'un bénéfice net de l'ordre de 3 Milliards d'Euros en 2008, a-t-elle besoin de faire appel aux "largesses" publiques ? La réponse tient sans doute au niveau de ses ratios prudentiels, notamment le fameux ratio "Tier One" (ou Tier 1), censé représenter le "noyau dur" des capitaux propres d'une banque. Au plus fort de la crise, ce ratio est revenu sur le devant de la scène pour constituer un étalon de la solidité financière des établissements. Il est cependant contesté, certaines banques arguant qu'il ne prend pas toujours en compte de façon adéquate le profil de risque en ces temps troublés. On a ainsi vu des établissements disposant de ratios "Tier One" a priori élevés ne devoir leur salut qu'à une intervention publique massive (ce fut le cas de Dexia, avec un "Tier One" de 11%), tandis que d'autres, dont le ratio était plus faible, faire preuve d'une meilleure résistance. Les banques britanniques, par exemple, disposent de ratios "Tier One" voisins de 10%, mais elles ont cependant dû faire appel à plusieurs reprises au soutien du gouvernement pour garantir leur solidité. Les disparités tiennent en fait à des interprétations et modes de calcul qui diffèrent non seulement entre pays, mais également au sein même de chaque établissement. Difficile donc de s'y retrouver, mais compliqué également de modifier le sentiment du marché financier selon lequel un chiffre est un chiffre, et qu'il vaut mieux afficher un ratio "facialement" plus élevé que celui du voisin. Pourtant BNP Paribas, malgré un ratio "Tier One" plus faible que la moyenne des autres établissements français et Européens, a été présenté pendant une bonne partie de l'année 2008 comme une valeur sûre du secteur. Le débat était d'ailleurs intense entre les analystes qui pensaient que le profil de risque de l'établissement lui permettait d'afficher un ratio "Tier One" plus modeste que ses homologues, et ceux qui le jugeaient trop tendu. Mais depuis novembre, BNP Paribas a perdu son statut de champion Européen du secteur et son titre a dégringolé en bourse, si bien que la faiblesse de son ratio prudentiel est revenu sur le devant de la scène, et que nombre de spécialistes ont pronostiqué la nécessité de lancer une augmentation de capital en sollicitant le porte-monnaie des actionnaires, ce à quoi la banque française avait jusque-là échappé. Depuis plusieurs mois, Baudouin Prot clame en effet que la BNP Paribas n'a pas besoin de lever des fonds auprès de ses actionnaires. Mais il faut bien rassurer et préserver la réputation de l'établissement. Avoir recours à l'aide publique française lui permet de renforcer ses fonds propres sans franchir la ligne jaune d'un appel direct au marché. Le directeur général a d'ailleurs considéré au micro de BFM que ce renforcement de capital via les actions de préférence ne doit pas être interprété comme un signe de fragilité de la banque parisienne. "Chacun gère son capital comme il l'entend. Nous, nous estimons que ces actions de préférence sont un moyen efficace de financer le développement et de renforcer les fonds propres de BNP Paribas dans cette période. Nos résultats de 3 MdsE nous situent largement en tête des banques françaises cette année, et parmi les 10 premières banques mondiales", a martelé l'intéressé. De fait, le ratio "Tier One" de la banque de la Rue d'Antin devrait atteindre 8% grâce à la seconde tranche du plan de l'Etat, contre 9% à Crédit Agricole et 8,8% à la Société Générale, si elle souscrit elle aussi au plan, selon les anticipations d'Exane. Il atteindrait un niveau relativement confortable aux yeux des investisseurs, tout en demeurant sous la moyenne Européenne. Mais la course de haie de BNP Paribas n'est pas pour autant terminée, et les 3 Milliards d'Euros de bénéfices annoncés au terme de l'exercice 2008 cachent des mois difficiles. La banque a perdu 1,4 Milliard d'Euros sur le dernier trimestre 2008, du fait du plongeon des résultats de la banque d'investissement (qui a cependant redressé la barre après des mois d'octobre et novembre terribles). En outre, se profile le 11 février une double assemblée générale pour Fortis, qui devrait déterminer si oui ou non l'entreprise française pourra prendre le contrôle des meilleurs actifs belges du bancassureur en difficultés. Enfin, BNP Paribas pourrait avoir à provisionner dans ses comptes, à la fin du premier trimestre 2009, l'accroissement du coût du risque dans sa banque d'investissement, ce qui grèverait lourdement les comptes. En profitant une seconde fois du soutien de l'Etat, la banque se donne davantage de souplesse pour d'éventuels coups durs dans les semaines qui viennent. Une démarche prudente que les investisseurs ont appréciée hier, puisque le titre a mis fin, par une spectaculaire reprise de 17%, à une longue spirale baissière.



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