Schneider/ Legrand : l'avocat général de la CJCE prône l'abandon d'une partie des griefs contre la Commission

03/02/2009 - 13:48 - Boursier.com

La Cour de Justice des Communautés Européennes a examiné le pourvoi formé par la Commission Européenne contre l'arrêt du Tribunal de Première Instance...

La Cour de Justice des Communautés Européennes a examiné le pourvoi formé par la Commission Européenne contre l'arrêt du Tribunal de Première Instance qui avait ouvert une droit à l'indemnisation de Schneider Electric, après que le régulateur européen eut bloqué son projet de fusion avec Legrand en 2002. Dans ses conclusions, l'avocat général Ruiz-Jarabo a confirmé que l'infraction commise par la Commission est une violation suffisamment caractérisée. Il a en revanche estimé qu'il n'y a pas de lien de causalité entre le préjudice subi par Schneider du fait d'une réduction du prix de cession consenti à Wendel / KKR pour obtenir le report de l'effet de cette cession, car "le dommage subi par Schneider ne découle pas de l'acte illégal de la Commission de manière directe, immédiate et exclusive, selon une relation de cause à effet". En conséquence, l'avocat général Ruiz-Jarabo suggère à la Cour de justice d'annuler l'arrêt du 11 juillet 2007 du Tribunal de première instance en ce qu'il a condamné la Communauté européenne à indemniser Schneider à hauteur des deux tiers du dommage subi par cette dernière à raison du montant de la réduction du prix de cession de Legrand que Schneider a dû consentir à Wendel-KKR en contrepartie du report de l'échéance de la réalisation effective de la vente de Legrand jusqu'au 10 décembre 2002. La Cour rappelle que l'opinion de l'avocat général ne lie pas la Cour de justice. "La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l'affaire dont ils sont chargés", rappelle-t-elle. Les juges de la Cour de justice des Communautés européennes commencent à présent à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure. "Schneider doit être partiellement indemnisé pour les pertes subies en conséquence de l'interdiction illégale de sa fusion avec Legrand", avait tranché le Tribunal de Première Instance à l'été 2007. Un jugement en forme de coup de tonnerre pour la Commission européenne, qui voyait là émerger le risque d'une lourde compensation financière après un veto un peu trop brutal apposé à un projet industriel. Le risque de créer un précédent aussi, puisque exposer le régulateur au courroux des entreprises déçues affaiblirait considérablement sa position. Le jugement était clair : la Commission n'a pas respecté les normes pour interdire le rapprochement entre les deux champions français, elle est donc responsable de la non-réalisation du projet. Ce qui l'était un peu moins, c'est dans quelle mesure sa responsabilité peut conduire à dédommagement, sur quels fondements et dans quelles proportions. C'est ce que la Cour de Justice sera amenée à déterminer lors de ses délibérations, après l'avis donné par l'avocat général. Le bras de fer entre Schneider et la Commission Européenne avait débuté il y a 8 ans. En 2001, Schneider et Legrand, les deux grands industriels français des équipements électriques, décident de s'unir. Au terme des opérations boursières, Schneider prend le contrôle de Legrand, non sans avoir notifié l'opération à la Commission Européenne. Celle-ci émet postérieurement un avis négatif fin 2001, au motif que la fusion "entrave de façon significative une concurrence effective sur les marchés sectoriels français concernés". Le 30 janvier 2002, une seconde décision impose la séparation aux deux groupes. Schneider attaque sur les deux fronts devant la justice communautaire. Anticipant l'éventualité d'une défaite juridique, le groupe assure cependant ses arrières en concluant un accord de cession de Legrand au duo Wendel / KKR. Le 22 octobre 2002 pourtant, le TPI, déjà lui, fait voler en éclat l'argumentaire de la Commission en jugeant qu'elle a méconnu les droits de la défense de Schneider. Mais confronté à une fronde chez Legrand et à l'opposition toujours farouche du commissaire à la concurrence Mario Monti, le groupe dirigé par Henri Lachmann jette l'éponge et revend Legrand à KKR pour un montant bien moins important que celui qu'il avait mobilisé pour l'acquérir. Pour Schneider, ce sont plusieurs années de perdues en procédure et une facture bien difficile à digérer. Le groupe prend la décision d'assigner la Commission pour obtenir réparation de son préjudice. Il réclame 1,66 Milliard d'Euros, augmenté des intérêts échus et des impôts éventuels, ainsi que la condamnation de l'exécutif européen aux dépens. La quatrième chambre du TPI s'était donc prononcée en juillet 2007 en faveur d'une "indemnisation partielle" de Schneider, en estimant que "la méconnaissance grave et manifeste par la Commission des droits de la défense de Schneider constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire pour ouvrir un tel droit". Le Tribunal avait cependant précisé que c'est la violation des droits de la défense qui est retenue, une "illégalité", "dont ni l'existence ni la consistance ne sont contestées par la Commission". Les autres vices de la procédure de contrôle de la fusion invoqués par Schneider (dont d'autres fautes aggravant le dommage subi) avaient été écartés. Le TPI avait décidé de scinder en deux le montant de l'indemnisation, entre d'une part un compromis entre les parties sur l'indemnisation liée aux "frais encourus par l'entreprise pour participer à la reprise du contrôle de l'opération de concentration entreprise par la Commission à la suite des annulations prononcées par le Tribunal". Et d''autre part le montant de l'indemnisation liée à la réduction du prix de cession qu'a dû consentir Schneider à Wendel / KKR pour obtenir un report de l'effet de cette cession. Ce second préjudice aurait dû l'être à raison des deux tiers, car le Tribunal estimait que la société avait elle-même concouru à la réalisation de son propre dommage "en assumant un risque réel d'une déclaration d'incompatibilité a posteriori de la concentration et de l'éventualité d'une revente forcée des actifs de Legrand". L'avocat général Ruiz-Jarabo a donc proposé ce matin l'annulation de la seconde partie du dispositif d'indemnisation, la plus importante. La Commission et Schneider avaient d'ores et déjà annoncé en décembre la suspension de la recherche d'un compromis sur la première partie de l'indemnisation en attendant l'arrêt de la Cour, qui pourrait intervenir d'ici la fin du semestre. L'année dernière, le voyagiste britannique MyTravel avait déjà été débouté d'un droit à indemnisation par la justice communautaire, après avoir contesté avec succès le veto de la Commission lors de sa tentative de rachat de First Choice en 2001.



(c) Boursier.com - Les informations rédigées par la rédaction de Boursier.com sont réalisés à partir des meilleures sources, même si la société Boursier.com ne peut en garantir l'exhaustivité ni la fiabilité. Ces contenus n'ont aucune valeur contractuelle et ne constituent en aucun cas une offre de vente ou une sollicitation d'achat de valeurs mobilières ou d'instruments financiers. La responsabilité de la société Boursier.com et/ou de ses dirigeants et salariés ne saurait être engagée en cas d'erreur, d'omission ou d'investissement inopportun.