Point de vue -L'investissement public sauvera-t-il la croissance chinoise?

20/02/2009 - 09:46 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Par Cynthia Kalasopatan, économiste, Crédit Agricole SA. Extrait de "Craquements émergents", Eclairages, janvier 2009

Les économies asiatiques les plus ouvertes sur l'extérieur vont souffrir en 2009. Presque toutes seront en récession en 2009 (seul le Vietnam devrait y échapper) : - 2 % à Singapour, -1 % à Hong Kong, -1,5 % à Taiwan et peut-être 0 % en Malaisie. La Chine, avec un poids de 7 % dans le PIB mondial (10,8 % en "parité de pouvoir d'achat") et une croissance économique de 9 % en moyenne, a été au cours de ces dix dernières années un des principaux moteurs de la croissance mondiale. Elle est depuis 2007 la 3e économie mondiale après les Etats-Unis et le Japon. Certains en ont conclu que même dans un environnement de crise, le "miracle" de la croissance chinoise pourrait se poursuivre et même que la Chine assurerait un relais de croissance économique qui compenserait le ralentissement dans les pays industrialisés. Le deuxième point défiait l'arithmétique : avec 10,8 % du PIB mondial, il aurait fallu à la Chine un taux de croissance extravagant pour compenser les récessions attendues aux Etats-Unis, en Europe de l'Ouest et au Japon. Et même le miracle devrait marquer une pause : la Chine va ralentir, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles. La conjoncture est en effet adverse. Les exportations ont été l'un des principaux moteurs de la croissance chinoise, en particulier depuis son admission à l'OMC : entre 2000 et 2008, elles ont été multipliées par 5,7. Or les exportations sont d'ores et déjà en net ralentissement : pour la première fois depuis sept ans, on a même enregistré une contraction (a/a) en novembre et décembre 2008. Il est difficile d'attendre un rebond en 2009, compte tenu de la situation aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, ses principaux partenaires commerciaux (50 % de ses exportations totales). Les exportations vers les autres pays de la région, tous en ralentissement, ne prendront pas le relais. Parallèlement, l'investissement fixe privé, fortement lié aux activités exportatrices, va chuter. La consommation privée pourrait constituer un relais, mais ses perspectives à court terme sont plutôt défavorables. La hausse des faillites d'entreprises, notamment des PME, et surtout dans le Guangdong, entraîne la perte de milliers d'emplois depuis le début de 2008, ce qui pèse sur la confiance des ménages. Les incertitudes dans le secteur immobilier (dans certains cas, il s'agit de l'éclatement en cours d'une bulle) et la chute de la Bourse chinoise (- 62 % depuis le 1er janvier 2008) provoquent un effet de richesse négatif et aggravent le pessimisme. Enfin, le poids plus modeste de la consommation privée en Chine que dans le reste du monde (environ 40 % du PIB en 2007 contre environ 60 % dans les pays industrialisés), qui s'explique principalement par la persistance d'une épargne de précaution, limite son rôle de stabilisateur de l'économie. Il faut cependant s'attendre à une vraie résistance de l'économie chinoise, en raison des moyens dont disposent les autorités chinoises et de la priorité absolue donnée à la stabilité sociale, et donc à la création d'emplois. Les autorités viennent ainsi d'annoncer un plan de relance budgétaire massif : 4 000 milliards de yuans, soit 8 % du PIB chaque année pendant deux ans. Une part importante est destinée aux infrastructures et des projets en construction ont déjà été accélérés. Il est toutefois probable que ses effets ne seront sensibles qu'à partir du 3e trimestre 2009. En attendant, les autorités soutiennent par des mesures fiscales ponctuelles les exportateurs en difficulté et ont interdit tout licenciement aux entreprises publiques. Et si cela est jugé utile, quelques centaines de milliards de yuans seront ajoutées au plan de relance. Mais la croissance du PIB va baisser sensiblement : de 13 % en 2007 et probablement 9,3 % en 2008, nous attendons 6,5 % en 2009. Plus généralement, les pays asiatiques abordent pour la plupart la crise dans des conditions favorables. Depuis la crise régionale de la fin des années 1990, des efforts considérables ont été entrepris afin de reconstituer des réserves de change et d'assainir le système bancaire et les comptes publics. Cependant, malgré la vigueur de la réaction des autorités locales, la contraction de la demande des pays développés sera telle qu'elle affectera l'activité dans tous les pays asiatiques, où les exportations ont été l'un des principaux moteurs de la croissance des dernières années. Au total, la croissance en Asie (hors Japon) devrait ralentir à 4,7 % en 2009 après avoir atteint 7,3 % en 2008. Un rebond (à 6,4 %) est possible en 2010, sous réserve d'une reprise de la demande mondiale.