Les investisseurs privés au secours de la finance américaine

08/04/2009 - 17:21 - Option Finance

(AOF / Funds) - Quelques semaines après ses débuts désastreux au Congrès, le nouveau Secrétaire d'Etat au Trésor, Timothy Geithner, a donné enfin des détails sur un plan attendu depuis plusieurs mois. Salués par la Bourse, ces éléments n'ont pas totalement dissipé les incertitudes sur la nature et l'efficacité des mesures envisagées. Surtout, ils ont suscité de violentes critiques d'économistes de la gauche du parti démocrate, Paul Krugman, tout récent "Nobel" d'économie en tête. Pour eux, ces mesures vont encore une fois amener le contribuable américain à payer pour Wall Street. Ces critiques sont justifiées. Mais, sauf à nationaliser les banques, l'administration Obama avait-elle encore le choix ? Depuis l'annonce à l'automne dernier, par Henry Paulson, d'un plan visant à aider le système financier américain à digérer les actifs toxiques qui l'encombrent, la situation tant économique que politique s'est beaucoup dégradée. En deux trimestres, le niveau d'activité de l'économie américaine a baissé de presque 3 %, ce qui fait déjà de la récession actuelle l'une des plus profondes et des plus brutales de l'après-guerre. Joint à la poursuite de la baisse des prix immobiliers, cet effondrement de l'activité a contribué à dégrader encore la qualité des créances détenues par les institutions financières et à maintenir élevée leur aversion au risque. D'où une poursuite de la baisse du prix des actifs financiers, des pertes nouvelles et de nouveaux besoins en capitaux propres. C'est à combler ces besoins en capitaux propres que l'administration a finalement utilisé la quasi-totalité des fonds initialement alloués par le Congrès au "plan Paulson". Ce détournement a rendu le Congrès méfiant - pour dire le moins - sans pour autant rendre le crédit plus disponible. En décembre dernier, la Réserve fédérale a alors décidé de changer de stratégie et d'agir, seule, directement sur les conditions de crédit. Depuis quelques semaines, la banque centrale achète, dans ce cadre, des créances titrisées adossées à des prêts hypothécaires prime ou à des prêts à la consommation. Mi-mars elle a annoncé que ces mesures de soutien (credit easing) la conduiraient à acheter, sur les marchés, pour environ... 2 500 milliards de dollars de titres d'ici la fin de l'année. Même si ces titres sont de bonne qualité, ils impliquent qu'un sérieux risque de crédit va désormais être présent au bilan de la banque centrale. Cette prise de risque s'est faite sans que le Congrès n'ait été consulté. Pourtant si demain les choses devaient tourner mal, cela se traduirait par des pertes pour le contribuable américain. Traiter, dans ce contexte, le problème des actifs toxiques était devenu plus délicat encore qu'il y a six mois. Or ce traitement est un volet essentiel de la stratégie désormais très agressive que les autorités américaines entendent mettre en oeuvre. Leur diagnostic est qu'un manque de liquidité déprime exagérément le prix de ces actifs. En permettant à des opérateurs privés d'emprunter pour acheter ces actifs, on devrait donc petit à petit faire remonter leur prix et permettre à ceux qui le souhaitent de s'en défaire. On pourra alors espérer y voir plus clair sur l'état du système financier. Pour parvenir à dégeler les choses, il faut toutefois non seulement que l'Etat aide les acheteurs privés à emprunter mais aussi que ces derniers aient envie de le faire malgré leur forte aversion au risque. Pour y parvenir, les autorités américaines ont décidé d'un partage très inégal des risques entre elles et les opérateurs qui participeront au partenariat public privé : elles portent la plus grande part des risques de l'opération, mais en partagent les gains à égalité avec ces derniers ! Le mécanisme devrait donc pousser les opérateurs privés à acheter à des prix relativement élevés, les actifs à problème. Si le diagnostic des autorités est le bon - ces actifs sont aujourd'hui sous-évalués - cette hausse permettra de rétablir enfin une situation plus normale. Si par contre, comme le pense Paul Krugman, ces actifs ne valent rien, cette hausse ne sera qu'un feu de paille... et le contribuable américain en sera de sa poche. Timothy Geithner et avec lui Barack Obama jouent donc ici plus gros qu'il n'y paraît. La question est moins de savoir s'ils avantagent leurs possibles partenaires privés - il n'y a là-dessus aucun doute - que de savoir si les actifs à problème sont effectivement sous-évalués. Leurs marges de manoeuvre politiques s'étant considérablement réduites, ils n'ont malheureusement plus droit à l'erreur... Par Anton Brender, chef économiste, Dexia AM