La Banque Postale Asset Management : acteur majeur de la place de Paris

14/04/2009 - 18:15 - Option Finance

(AOF / Funds) - La Banque Postale Asset Management (LBPAM) fait partie depuis fin décembre des grands acteurs de la place de Paris en matière de gestion d'actifs. Elle a en effet récupéré le 15 décembre 2008 la gestion des actifs de la CNP, soit environ 80 milliards d'euros d'encours. LBPAM affiche 109 milliards d'euros d'actifs sous gestion au 31 décembre 2008. La gestion de ce mandat s'inscrit dans l'histoire du groupe. Le capital de la CNP est en effet détenu par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à hauteur de 39,99 % et par la Sopassure, un holding détenu à 50,1 % par La Banque Postale et à 49,9 % par les Caisses d'Epargne, à hauteur de 35,48 %. Le reste du capital est détenu essentiellement par le public. LBPAM pouvait donc prétendre légitimement à gérer les actifs de la CNP qui étaient confiés jusqu'à fin 2008 à Natixis Asset Management. "La récupération des actifs de CNP Assurances repose sur un processus entamé depuis longtemps, relate Bernard Descreux, directeur de la gestion de LBPAM. Nous avons répondu à un premier appel d'offres en 2002 émis par la CNP pour un mandat de gestion d'une poche crédit." A partir de ce moment-là, LBPAM, qui s'appelait jusqu'en 2006 Sogeposte, commence à se positionner sur la clientèle institutionnelle et plus précisément sur la clientèle des assurances. Après le premier mandat de la CNP, le gestionnaire gagne ainsi plusieurs autres mandats assurantiels. En 2006, CNP Assurances a décidé de confier des mandats pour un montant total de 3 milliards d'euros à Sogeposte. Ceux-ci correspondaient aux contrats de prévoyance et aux bons de capitalisation de la CNP Assurances. La gestion de ces mandats a constitué un tournant dans l'organisation de LBPAM. "A partir de ce moment-là, nous avons commencé à construire les infrastructures opérationnelles nécessaires afin de gérer les actifs de CNP Assurances, précise Bernard Descreux. Nous avons mis en place les interconnexions entre nos systèmes d'information et ceux de CNP Assurances afin de gérer des flux massifs." L'histoire s'accélère avec la fusion entre Natexis et Ixis qui a conduit la CDC à repenser son positionnement par rapport aux Caisses d'Epargne. Il avait été alors convenu que les Caisses d'Epargne et La Banque Postale soient mises à égalité dans leurs relations avec la CNP en matière de commissions, mais aussi en matière de gestion d'actifs, chaque groupe étant chargé de la gestion des actifs qui lui revenait, compte tenu des liens capitalistiques. Les actifs de la CNP sont arrivés en deux vagues chez LBPAM, 8 milliards en mars 2008 et 67 milliards au 15 décembre 2008. "LBPAM a repris le 15 décembre 2008 à travers un mandat de gestion les 67 milliards d'euros d'actifs venant de CNP Assurances correspondant aux encours des clients de La Banque Postale en assurance vie", relate Bernard Descreux. Plusieurs chantiers ont été mis en oeuvre entre 2007 et 2008 afin de gérer une telle hausse des encours sous gestion. Un audit a été mené afin d'évaluer les besoins. Il s'est traduit en termes d'emplois par un renforcement des équipes de contrôle des risques. Jusqu'en 2007, il existait une direction commune qui comprenait le contrôle des risques, le contrôle interne et la conformité. Ce service était composé de 3 personnes. A partir de 2007, LBPAM se réorganise en créant une direction du contrôle interne et de la conformité avec 3 personnes et une direction des risques comprenant 8 personnes. Cette dernière devrait d'ailleurs encore s'étoffer. Le gestionnaire envisage en effet de passer à 10 collaborateurs dans la cellule de contrôle des risques en 2010.

Pas de recrutement dans la gestion

Par contre, il n'y a pas eu recrutement dans la gestion d'actifs proprement dite, mais une refonte complète de l'organisation. "La gestion de taux a disparu en tant que telle, explique Bernard Descreux. Elle a été remplacée par une gestion crédit, la gestion des courbes de taux étant transférée à un département spécialisé dans l'allocation d'actifs tactique. Par ailleurs, une filiale dédiée a été créée pour la gestion structurée, LBPSAM. Enfin, un service d'intermédiation indépendant a été mis en place." Les postes ont été réaffectés en fonction de cette nouvelle organisation. Une partie des gestionnaires taux ont rejoint LBPSAM, une autre l'équipe d'allocation tactique, l'essentiel allant à la gestion crédit. En termes d'effectifs, l'équipe de gestion crédit intègre actuellement 7 gérants, l'équipe de gestion actions 12 gérants et l'équipe d'allocation tactique 6 gérants. Par ailleurs, LBPSAM compte 8 collaborateurs dont 5 dédiés à la gestion. "L'équipe crédit est centrée sur l'analyse des émetteurs, indique Bernard Descreux car les institutionnels détiennent en général les obligations jusqu'à maturité. Dans un tel contexte, il est indispensable de posséder une bonne analyse crédit. En revanche, les problématiques liées à la duration importent peu. Je me suis inspiré des modèles d'organisation fréquents aux Etats-Unis où les gérants obligataires s'occupent essentiellement de sélectionner des émetteurs en fonction du risque de crédit et de faire des choix d'allocation entre les grands secteurs (obligations souveraines ou émises par des entreprises, niveaux de rating...)."

Les gérants sont également des analystes

Autre spécificité de la gestion de LBPAM, les gérants sont tous analystes et vice versa. Ce modèle d'organisation aurait deux avantages. "Le dialogue autour des valeurs se fait entre gérants, il n'est pour cela pas du tout théorique, explique Bernard Descreux. La confrontation des idées donne lieu directement à des choix d'investissement. Par ailleurs, les dirigeants d'entreprise que nous rencontrons apprécient de travailler directement avec ceux qui prennent des décisions, qui investissent." Toutefois, ce modèle a une limite, les gérants ne peuvent suivre un très grand nombre de valeurs, sous peine de manquer de pertinence. Par conséquent, les outils de gestion quantitatifs jouent un rôle important chez LBPAM. "Nous mettons en place un système de sélection quantitatif qui permet de réduire l'univers d'investissement à environ 200 grandes capitalisations françaises et européennes et à 150 petites et moyennes capitalisations françaises et européennes pour les actions et pour les obligations à 200 émetteurs", selon Bernard Descreux. Les gérants effectuent leur sélection à l'intérieur de cet univers en prenant en compte un indice de référence et un budget de risque. L'équipe de gestion crédit et l'équipe de gestion actions travaillent de concert, recherchent des thématiques de gestion, discutent de leur sélection. Parallèlement, l'équipe d'allocation tactique gère les mêmes portefeuilles, mais sur la partie hors bilan, en utilisant exclusivement des produits dérivés. "Pour un portefeuille obligataire, l'équipe d'allocation tactique peut prendre position sur la sensibilité ou s'il s'agit d'un portefeuille international sur les changes", relate Bernard Descreux. Cette équipe peut prendre différentes expositions sur les taux (sensibilité, courbe, allocation géographique), sur les changes (couverture, arbitrage), sur les actions (exposition, allocation géographique), sur les émergents ou enfin sur la volatilité. Il n'y a aucune interaction entre les deux équipes qui gèrent de façon indépendante les mêmes portefeuilles. Un contrôle des risques est effectué au niveau de chaque équipe, mais également au niveau global, sur chaque portefeuille. "Un chef d'orchestre est désigné pour chaque portefeuille, il peut se trouver dans l'une ou l'autre équipe en fonction de l'orientation du portefeuille, indique Bernard Descreux. Il contrôle les expositions globales, les risques et les performances". Une révision mensuelle des portefeuilles est menée afin de contrôler les niveaux de risque et les différentes positions. Afin de couvrir l'ensemble des classes d'actifs et des produits, le gestionnaire n'hésite pas par ailleurs à faire appel à des sociétés de gestion spécialisées. A ce titre, LBPAM a pris une participation de plus de 14 % dans une société de gestion d'actifs indépendante, Stelphia Asset Management, spécialisée sur la zone de l'Europe de l'Est et de la Russie. Elle gère dans ce cadre un fonds actions pour LBPAM sur le thème de la convergence des économies de l'Est vers l'Union européenne. Par ailleurs, LBPAM a créé en partenariat avec OFI Asset Management une coentreprise spécialisée dans l'incubation de sociétés afin de bénéficier de process innovants. Dernier projet en date, LBPAM rencontre actuellement des partenaires afin de pouvoir proposer une offre en gestion indicielle (ETF) afin de répondre à la demande actuelle des investisseurs institutionnels, ce qui lui permettra d'élargir encore la base de sa clientèle. Après la CNP, le gestionnaire compte en effet continuer à se développer sur ce segment de clientèle en proposant des produits répondant aux tendances de marché. En 2008 et en ce début d'année, la gestion indicielle et la gestion monétaire sont en effet les classes d'actifs qui continuent à enregistrer une collecte positive malgré la crise. En 2008, LBPAM a collecté 7,4 milliards d'euros - hormis les mandats de la CNP - en gestion monétaire, soit la deuxième meilleure collecte en France selon Europerformance. "Depuis 2004 date à laquelle la gestion monétaire a dû être valorisée en prix de marché, nous avons réduit la maturité des titres détenus en portefeuille, relate Bernard Descreux. Par ailleurs, à la différence de nos concurrents nous n'avons pas linéarisé les performances grâce à l'utilisation de frais de gestion variables. En conséquence, nos fonds affichaient une plus forte volatilité que nos concurrents. Pour les investisseurs qui souhaitaient un niveau de volatilité inférieur nous leur proposions un produit investi dans des titres à moins de trois mois." Les fonds de LBPAM correspondaient ainsi après le déclenchement de la crise aux demandes des investisseurs institutionnels et aux exigences des autorités de tutelle, ce qui explique en partie la forte collecte. Ces fonds continuent d'ailleurs en ce début d'année à drainer la collecte de LBPAM, les investisseurs institutionnels n'étant toujours pas prêts compte tenu de leurs contraintes réglementaires à revenir sur les actions. Toutefois, le gérant se prépare à un éventuel rebond des marchés en préparant une offre en gestion indicielle. Sandra Sebag