Les gérants alternatifs révisent leurs stratégies

15/04/2009 - 19:09 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les fonds alternatifs auraient déjà perdu entre un tiers et la moitié de leurs encours. Pour convaincre les investisseurs de revenir sur cette classe d'actifs, les multigérants commencent à modifier leur organisation. L'an dernier au plus fort de la crise, diverses estimations ont circulé sur le volume de baisse des encours en gestion alternative et sur les faillites de fonds et de sociétés de gestion spécialisées. A ce jour, selon les gestionnaires de fonds de fonds alternatifs, les fonds auraient déjà perdu entre un tiers et la moitié de leurs encours. Toutefois, il est difficile d'obtenir des statistiques sur l'ensemble de l'industrie. "La gestion alternative constitue un univers très hétérogène, explique Olivier Ramé, directeur de la gestion chez UFG Alteram. Certains gérants sont très connus et bien représentés, mais à côté de cela, il existe une multitude de petits gérants peu transparents. Il apparaît ainsi difficile d'avoir une idée précise de l'évolution de l'industrie." En France, selon Europerformance, les encours sous gestion sont passés de 26,4 milliards d'euros au 31 décembre 2007 à 10,8 milliards au 31 janvier 2009. Les rachats ont été très importants en 2008 puisqu'ils ressortent à 11,1 milliards, selon Europerformance. La décollecte a commencé à freiner en janvier dernier, elle n'était plus que de 792 millions d'euros. Toutefois, de nombreux gérants ont pu activer des dispositifs en fin d'année leur permettant de réduire la liquidité de leurs fonds et donc empêchant les sorties. Au niveau international, selon Hedge Funds Research (HFR), le nombre de fonds fermés serait de 1 471 en 2008, soit près de 15 % de ce marché. Par ailleurs, selon Eurekahedge, les investisseurs auraient continué à retirer leurs fonds en 2009. Rien que pour le mois de février, 25 milliards de dollars auraient quitté les fonds alternatifs. Au niveau international également, les contraintes de liquidité imposées par les gérants auraient permis de réduire les sorties. Mais aucun chiffre précis ne circule sur ces dispositifs. "Certains gérants ont limité la liquidité de leurs fonds de manière justifiée, avance Olivier Ramé, d'autres ont littéralement pris leurs investisseurs en otage." Ces dispositifs ne pouvant pas être prolongés indéfiniment, dès qu'ils seront levés, les investisseurs devraient procéder à des rachats massifs. La baisse des encours devrait ainsi se poursuivre tout au long de l'année.

Un contrôle des risques accru

Plus généralement, les demandes de rachats s'expliquent par un changement de comportement des investisseurs institutionnels. Ils sont en effet à la recherche de classes d'actifs et de méthodes de gestion plus simples et plus sécurisées, la gestion alternative apparaissant souvent comme une boîte noire. Afin de convaincre les investisseurs de revenir sur cette classe d'actifs, certains multi-gérants ont modifié leur organisation. C'est le cas notamment de Man Group, un gérant alternatif coté sur la place de Londres qui affiche 50 milliards d'euros d'encours sous gestion. "Nous avons décidé d'accroître la plateforme de comptes gérés, explique Pierre-Yves Moix, directeur du risque. Cette plateforme permet d'avoir une totale transparence sur les positions des gérants que nous avons sélectionnés, de contrôler leurs opérations, de choisir les prestataires comme les prime brokers." A terme, Man Group souhaite que la moitié de ses encours transite par la plateforme de comptes gérés. Les gérants retenus par Man Group utilisent ainsi les infrastructures du multi-gérant, ce qui permet d'accroître la transparence et d'optimiser la gestion de la liquidité. "Nous pouvons en outre, grâce à la plateforme, avoir une meilleure maîtrise de la liquidité des fonds pour répondre aux demandes des clients", explique Pierre-Yves Moix. Les hedge funds sélectionnés qui n'utilisent pas la plate-forme doivent également détailler régulièrement leurs expositions aux risques". En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) exige des gérants et des multi-gérants alternatifs qu'ils respectent des normes strictes en matière de contrôle des risques. Ils doivent faire la preuve dans le cadre d'un programme d'activité spécifique de leur capacité en la matière. Par conséquent, la crise ne les a pas conduits à revoir radicalement leurs méthodes. Toutefois, ils vont mettre l'accent sur certains risques. "Nous suivons plus particulièrement le risque de liquidité et le risque opérationnel, indique Guido Bolliger, co-directeur des investissements d'Olympia Capital Management. Les gérants qui ont eu des performances négatives vont devoir attendre avant de toucher des commissions de performance. Ils pourraient alors être tentés de prendre des risques trop importants afin de récupérer les niveaux de performance antérieurs. Par ailleurs, des sociétés de gestion ont licencié du personnel. Nous devons veiller à ce que la réduction du personnel qui touche notamment les fonctions supports ne fasse pas courir de risques opérationnels." Les gérants sont également attentifs au risque de contrepartie. "Depuis la faillite de Bear Stearns, les fonds multiplient les prime brokers afin de gérer le risque de contrepartie, poursuit Guido Bolliger. Dorénavant, pratiquement aucun gérant ne traite avec un seul prime broker. Par ailleurs, ils ont tendance à rapatrier le cash lié aux cessions d'actifs plus rapidement." Enfin, les effets de levier ont été nettement réduits sous la contrainte : les hedge funds rencontrent en effet davantage de difficultés pour se financer et surtout les investisseurs craignent les risques induits.

Un retour de la performance

Les gérants se préparent ainsi en espérant le retour des investisseurs. "On commence à revoir des clients intéressés par la gestion alternative car les performances sont à nouveau décorrélées voire corrélées négativement avec celles des marchés actions, avance Guido Bolliger. La crise de confiance liée à la dégradation des marchés et à l'affaire Madoff est en train de s'estomper." Certaines stratégies affichent en effet depuis le début de l'année des performances honorables. Compte tenu de la crise, les gérants privilégient les stratégies les plus liquides dont les sous-jacents se traitent essentiellement sur des marchés organisés. "Les stratégies les plus liquides présentent des opportunités compte tenu des conditions de marché, relate Olivier Ramé. Les stratégies "global macro", "long/short" sur les actions, les CTA, les arbitrages de taux et sur les actions bénéficient de la volatilité des marchés. Les gérants peuvent dans un tel contexte prendre des paris directionnels qui peuvent se révéler justes et capturer des opportunités sans précédents". Ainsi, sur le premier trimestre, ces stratégies à l'exception des CTA affichent des performances positives. Egalement chez Olympia Capital Management, l'accent est mis sur les stratégies les plus liquides. "Dans la conjoncture actuelle, nous restons diversifiés mais favorisons les stratégies les plus liquides qui profitent des incertitudes macroéconomiques comme les stratégies global macro, les CTA et d'arbitrages de volatilité", relate Guido Bolliger. A moyen terme, les gérants préconisent d'investir dans des stratégies moins liquides, mais qui pourraient générer des nombreuses opportunités. "Les stratégies cycliques comme les event driven, les dettes distressed ou les arbitrages de crédit pourraient permettre de profiter de la reprise, indique Olivier Ramé. Mais, la liquidité manquant, il est encore trop tôt pour se positionner agressivement sur ces stratégies." Les arbitrages sur convertibles pourraient également à terme retrouver la faveur des gérants. Reste à convaincre les investisseurs qui restent pour l'instant investis principalement dans des fonds monétaires réguliers. Sandra Sebag