Epargne salariale : les encours durablement orientés à la baisse ?

28/04/2009 - 18:12 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les sociétés de gestion s'adaptent aux demandes des entreprises en proposant des offres plus sûres, protégeant le capital, et plus flexibles. La crise financière n'aurait pas pour l'instant profondément affecté le marché de l'épargne salariale. L'Association française de la gestion financière (AFG) vient de publier le bilan de l'année 2008 qui montre une progression des taux d'équipement des entreprises de 11 % en 2008 par rapport à 2007. En revanche, les encours ont diminué, passant de 87,6 milliards d'euros à fin 2007 à 71,42 milliards d'euros à fin 2008. Cette baisse s'explique toutefois surtout par un effet marché. On n'assiste pas à une décollecte massive des épargnants dans les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE). Les retraits, y compris les déblocages exceptionnels de la participation permis par la loi, se sont élevés à 12,4 milliards d'euros, tandis que les flux versés, qui s'élèvent à plus de 14,5 milliards d'euros, par les entreprises ont été en ligne avec les années précédentes. Si 2008 a constitué une année comparable à 2007, il n'en sera rien de 2009. Deux facteurs devraient peser sur la collecte : la crise financière et les premiers effets de la loi sur le déblocage de la participation promulguée le 17 décembre 2008. "Pour l'instant les résultats des entreprises ne sont pas trop mauvais, relate Michel Lamy, représentant de la CFE-CGC au comité intersyndical de l'épargne salariale. La crise devrait trouver sa traduction dans les comptes des entreprises seulement à partir de 2009. Les versements au titre de la participation et de l'intéressement devraient alors diminuer." Toutefois, la crise pourrait avoir un impact plus immédiat sur les flux collectés. La loi du 17 décembre 2008 prévoit que les salariés qui le souhaitent pourront dorénavant percevoir immédiatement leur participation qui était auparavant bloquée obligatoirement pendant cinq ans. Les entreprises versent traditionnellement la participation et l'intéressement au mois d'avril. Cette année, compte tenu de la crise, elles anticipent des niveaux de déblocage importants. "Les demandes de paiement immédiat de la participation pourraient atteindre cette année entre 50 % et 75 % des sommes distribuées", prévoit Hubert Clerbois, associé chez EPS Partenaires et Epsineo Rating. Des différences seraient notables selon les catégories socioprofessionnelles. "Pour les personnels d'encadrement, le recours au blocage au sein des FCPE devrait être important, souligne Michel Lamy. En revanche, les ouvriers et les employés devraient massivement demander le paiement immédiat des sommes distribuées au titre de la participation." Les teneurs de comptes et conservateurs de parts (TCCP) qui gèrent les comptes des salariés estiment perdre en moyenne aux alentours de 30 % des flux collectés par analogie avec l'intéressement. Les salariés ont en effet le choix pour l'intéressement entre disposer immédiatement des sommes allouées ou les bloquer. En moyenne environ un tiers des salariés préfère une disponibilité immédiate. Même s'il faudra attendre fin juin pour tirer un bilan définitif, on peut déjà anticiper que du fait de la crise, plus du tiers des salariés devraient choisir une disponibilité immédiate.

Un arbitrage en faveur des fonds sécurisés

La crise a également affecté les salariés qui optent pour un blocage. Les sociétés de gestion constatent en effet une nette tendance des salariés à arbitrer en faveur des fonds sécurisés, et plus particulièrement du monétaire. Les sociétés de gestion s'adaptent à cette nouvelle donne en proposant notamment de plus en plus souvent des produits garantis. "Plusieurs grands gestionnaires d'épargne salariale disposent maintenant d'une offre de produits garantis, relate Christel Bapt, coprésident d'Altedia Investment Consulting." Par ailleurs, les offres de gestion pilotée ont tendance à prendre le dessus sur les offres de gestion libre, notamment dans le cadre des Perco, les salariés qui ont opté pour une gestion libre ayant parfois essuyé de sérieux revers financiers. "Le Perco est investi sur le long terme voire le très long terme, il n'est donc pas judicieux de désinvestir totalement la part actions, explique Christel Bapt. La gestion pilotée permet d'intégrer à la fois l'horizon d'investissement, mais aussi le contexte de marché. Acheter des actions totalement décotées en ce moment peut s'avérer payant à un horizon retraite de 10 ou 20 ans, même si à court terme le risque de sous-performance existe." Les conseils de surveillance qui représentent les salariés s'investissent davantage dans la gestion tactique et demandent aux sociétés de gestion de réduire l'exposition aux actions y compris dans les fonds actions et d'augmenter la part en cash. "La gestion de l'épargne salariale devient de plus en plus flexible, relate Bernard Descreux, directeur de la gestion à La Banque Postale Asset Management (LBPAM). Il est essentiel de beaucoup dialoguer avec les conseils de surveillance pour cerner au mieux leurs attentes en termes de prise de risque."

La qualité des services, un enjeu crucial

L'allocation d'actifs devient ainsi un élément clé de la gestion. "Les grandes entreprises sont maintenant attentives à l'allocation tactique, explique Christel Bapt. Elles sélectionnent un gérant principal qui doit pouvoir être réactif compte tenu des marchés. Il doit pouvoir sélectionner un gérant ou retirer un mandat sans avoir besoin de convoquer un conseil de surveillance, mais en respectant les grandes lignes et marges de manoeuvre fixées initialement par celui-ci." Par conséquent, au-delà de la recherche de sécurité, la crise devrait avoir un impact durable sur le comportement des entreprises et des salariés qui ont tiré les leçons de la crise. "Les gestions actions ont beaucoup souffert, indique Christel Bapt, les gérants plutôt dynamiques ont beaucoup dérivé par rapport à leurs objectifs. Les entreprises et les salariés réclament maintenant une plus grande lisibilité des process d'investissement et a minima, même si les marchés décrochent, que les gestions restent en ligne avec les grands indices." En revanche, la gestion socialement responsable aurait plutôt profité de la crise. "Les performances des fonds ISR correspondent à celles des grands indices, voire parfois les battent, relate Christel Bapt. Les méthodes de sélection des titres permettent d'éviter certains risques liés notamment à la gouvernance, au social et à l'environnement. La performance intègre donc une vision plus globale et proche d'une réflexion sur le couple rendement/risque. Cette gestion progresse auprès des entreprises et des salariés. Elle nécessite toutefois quelques efforts plus significatifs en matière de pédagogie et de transparence." Dans cette perspective, la qualité des services devient un enjeu crucial de la relation client. "Les opérateurs de demain seront sélectionnés en fonction de la qualité du traitement des opérations et des reportings, explique Hubert Clerbois. Le fonctionnement des sites Internet et celui des plateformes téléphoniques conditionnent la relation entre les entreprises, leurs salariés et leurs fournisseurs de services." Par ailleurs, la gamme des services s'étend. Dans la mesure où les salariés qui devraient choisir de placer leur épargne sont plutôt ceux qui disposent déjà d'un patrimoine, l'épargne salariale et l'épargne retraite se rapprochent de la gestion de patrimoine. "Pour les entreprises, il n'y a plus de séparation nette entre l'épargne salariale et l'épargne retraite au sens large incluant les produits assurantiels, indique Hubert Clerbois. La prochaine étape consisterait peut-être à rapprocher ces produits collectifs des produits individuels." Sandra Sebag