La reprise chinoise suffirait-elle à relancer l'économie mondiale ?

07/05/2009 - 15:46 - Option Finance

(AOF / Funds) - Il est probable qu'il y a en Chine une reprise durable de la croissance, tirée par les dépenses publiques et par le crédit, et qui concerne aussi la demande privée : il est probable aussi que cette reprise va s'étendre au reste de l'Asie, compte tenu des liens commerciaux, à un moindre degré sans doute au Japon, en raison de l'appréciation du yen par rapport aux autres monnaies d'Asie. A l'opposé, il est peu probable qu'il y ait une reprise significative de la demande intérieure aux Etats-Unis, en Europe et au Japon avec la poursuite du désendettement, le niveau élevé des coûts de financement, les délocalisations. La question se pose donc de savoir si la reprise asiatique (chinoise) est suffisante pour faire repartir l'économie mondiale. On observe une reprise de la croissance en Chine qui est assez générale : redressement des achats de voitures (qui ont progressé de presque 40 % en un an en mars), des productions de biens intermédiaires, de l'investissement en construction qui stagnait presque (+ 70 % en un an en mars 2009 avec les programmes d'infrastructures publiques), d'où un redémarrage du PIB qui avait stagné au quatrième trimestre 2008 et qui a progressé en rythme annualisé et après désaisonnalisation de presque 7 % au premier trimestre 2009. Compte tenu des liens commerciaux entre la Chine et les pays d'Asie (36 % des exportations des pays émergents d'Asie vont vers la Chine), ce redémarrage de l'économie chinoise devrait se transmettre aux autres pays d'Asie. Le cas du Japon est particulier, en raison de la pénalisation de ses exportations par l'appréciation du yen, surtout par rapport aux autres monnaies d'Asie (le yen s'est apprécié de 40 % par rapport à ces monnaies) ; le Japon a déjà perdu de ce fait 20 % de ses parts de marché à l'exportation. Mais la reprise débutante des importations de la Chine devrait profiter d'abord aux pays d'Asie, puis aussi aux autres régions. On voit déjà le redressement des exportations vers la Chine à Singapour, en Thaïlande, à Taïwan, plus faiblement en Corée. Par ailleurs, il est difficile de croire en une reprise nette de la demande intérieure dans les grands pays de l'OCDE. S'il y a reprise de la demande intérieure en Chine, il est difficile de croire qu'elle se produise aussi dans les grands pays de l'OCDE, avec le désendettement lié à la fragilité financière, à la hausse des primes de risque, des marges de taux d'intérêt (en hausse de 150 à 250 points de base selon les emprunteurs) et avec la montée du chômage (qui atteint déjà 8,5 % aux Etats-Unis et dans la zone euro, et dépassera 10 % à la fin de 2009), amplifiée par une nouvelle vague de délocalisations industrielles vers les pays émergents due à la perspective de faible demande dans les pays de l'OCDE. Si la Chine est l'un des rares pays où la demande intérieure redémarre de manière durable, et que ce n'est pas le cas dans les grands pays de l'OCDE, la question se pose donc de savoir si la Chine est suffisamment grande pour tirer le commerce mondial et la croissance mondiale. Quelle est la contribution à attendre de la Chine ou de l'ensemble Chine + autres émergents d'Asie au commerce mondial ? La Chine représente 7 à 8 % des importations du monde, la Chine et les autres émergents d'Asie 22 % des importations du monde. En dehors des périodes de crise, ces importations progressent de 20 % par an au moins, ce qui assure une croissance des importations mondiales de 4,5 % par an, soit une contribution à la croissance voisine de 1 point par an aux Etats-Unis, dans la zone euro ou au Japon. Les Etats-Unis, l'UE 15 et le Japon représentent 38 % des importations du monde, qui sont en croissance d'environ 12 % par an en période normale, ce qui assure une croissance des importations mondiales de 4,5 % par an. La Chine et les émergents d'Asie ont donc la même contribution à la croissance du commerce mondial que les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon, et la reprise économique de l'Asie a donc un poids très important. Contrairement à une idée reçue, le consommateur chinois et asiatique n'est pas "petit" par rapport au consommateur américain et il peut remplacer ce dernier dans le rôle de consommateur en dernier ressort. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis