Banques : l'Ecureuil, les Banques Populaires et l'enfant terrible

19/05/2009 - 12:45 - Boursier.com

Le projet de loi permettant le rapprochement entre les Banques Populaires et les Caisses d'Epargne est examiné depuis hier soir par les députés, avec...

Le projet de loi permettant le rapprochement entre les Banques Populaires et les Caisses d'Epargne est examiné depuis hier soir par les députés, avec un promoteur de choix en la personne de la Ministre de l'Economie Christine Lagarde elle-même. "Un actionnaire unique au lieu de deux aujourd'hui, c'est ce qu'il faut à Natixis pour affronter l'avenir", a-t-elle argumenté devant les parlementaires, en rappelant que le rapprochement entre les deux maisons-mère permettra "d'améliorer la gouvernance de Natixis et d'intégrer cette filiale dans un groupe au profil de risque moins élevé". Car si la question de l'opportunité du mariage entre l'Ecureuil et les Banques Populaires n'a finalement que peu été discutée, c'est le cas Natixis qui cristallise toute l'attention. L'histoire de la banque d'affaires débute en mars 2006, avec la signature par les groupes Caisse d'Epargne et Banque Populaire d'une lettre ouvrant des négociations exclusives en vue du regroupement des principales activités de banque de financement, d'investissement et de services du Groupe Banque Populaire et du Groupe Caisse d'Epargne au sein de Natixis. Le premier apportait Natexis Banques Populaires, un ensemble déjà coté en bourse, le second des actifs comme CACEIS ou IXIS. Le Crédit Foncier, une autre filiale de l'Ecureuil, avait à l'époque décliné l'invitation de se joindre au regroupement, une décision qu'il ne regrette sans doute pas aujourd'hui. Les actifs apportés étaient alors valorisés 9 à 10 Milliards d'Euros, et l'éventualité d'une ouverture du capital en bourse était déjà évoquée. Une fois les bans publiés, l'ouverture du capital est décidée. Elle sera réalisée fin 2006 sur la base de 19,55 Euros par action, et souscrite par 2,8 millions de particuliers en France. Quelques jours plus tard, le dossier pèse déjà 25 Milliards d'Euros en bourse. Avant que la crise n'éclate, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, même si l'action ne fait pas d'étincelles. Les comptes sont plutôt conformes aux attentes et les dividendes tombent. L'édifice commence à se craqueler à l'été 2007, lors des premières révélations sur le désormais célèbre marché des "subprimes" américains, ces prêts immobiliers construits sur du vent. Les rumeurs de lourde exposition de la banque d'affaires à ces marchés longtemps juteux se multiplient. Les dirigeants sont obligés de tenter de jouer les pompiers de service, en soulignant notamment que leur risque lié à la banque allemand IKB (la première déconfiture financière du vieux continent lors de la crise) est faible et que l'exposition au marchés des "subprimes" a été "fortement réduite depuis le début de l'année". Natixis ajoutait alors que les agences de notation avaient donné la note de solidité financière suprême ('AAA') à sa filiale de rehaussement de crédit aux Etats-Unis, CIFG, et confirmait son objectif de dégager un bénéfice net de 2,15 Milliards d'Euros. Trois mois plus tard, CIFG va tellement bien que les groupes Banque Populaire et Caisse d'Epargne se voient forcés de racheter le rehausser de crédit de Natixis en y injectant au passage 1,5 Milliard d'Euros. Les objectifs de bénéfices ne sont plus d'actualité et les résultats annuels "dépendront du marché du crédit au cours des prochaines semaines". Ils resteront cependant bénéficiaires. Dès la mi-février 2008, et "pour répondre aux attentes du marché", Natixis indique que son bénéfice annuel 2007 serait proche de 1 Milliard d'Euros, plutôt honorable alors que le secteur bancaire français nage en pleine affaire Kerviel. Mais le dernier trimestre 2007 a été émaillé de 900 millions d'Euros de pertes, et le dividende est réduit de moitié. Dans les mois qui suivent, le secteur bancaire n'en finit plus d'accumuler les mauvaises nouvelles et réagit frénétiquement aux rumeurs. L'action Natixis, elle, poursuit sa glissade. Le 26 juin 2008, c'est la douche froide. Les deux actionnaires de référence, Banques Populaires et Caisses d'Epargne annoncent une "avance d'actionnaires" de 1 Milliard d'Euros supplémentaires pour aider leur filiale, qui porte leur soutien financier à 2,5 Milliards d'Euros au total, après les fonds injectés dans CIFG. Mais ils ne sont pas pour autant des philanthropes : dès que les conditions de marché le permettront, une augmentation de capital est prévue pour rembourser ces avances. Les petits actionnaires, déjà échaudés par une chute du titre de plus de 60% sur ses cours d'introduction, font grise mine. Ils n'ont pas bu le calice jusqu'à la lie, mais ne le savent pas encore. Le 17 juillet 2008, Natixis annonce un projet d'augmentation de capital de 3,7 Milliards d'Euros, alors qu'elle ne pèse déjà plus en bourse que 6 Milliards. 2,5 Milliards d'Euros seront consacrés à rembourser les avances des deux actionnaires de référence. Le prix définitif des actions vendues est fixé en septembre 2008 à 2,25 Euros, loin du cours du titre qui ne vaut pourtant déjà plus que 5,48 Euros en bourse, et à des années-lumière du prix d'introduction. L'association de défense des actionnaires Deminor s'empare du dossier et écrit à l'AMF, lors de l'été 2008, pour lui demander d'enquêter sur un certain nombre de points, notamment les conditions de l'ouverture du capital fin 2006 et plus généralement la qualité de l'information financière distillée depuis. L'enquête est toujours en cours. Il est en effet difficile de justifier d'une levée de fonds à 2,25 Euros alors qu'on a vendu des titres à 19,55 Euros l'unité moins de deux ans avant, à grand renfort de sollicitations auprès des particuliers. L'augmentation de capital est malgré tout bouclée, en dépit d'un lancement au pire moment puisqu'elle est concomitante à la faillite de la banque américaine Lehman Brothers mi-septembre 2008, l'un des événements-clefs de la crise. Les derniers mois de 2008 sont éprouvants pour le secteur financier, mais c'est aussi le moment où les scenarii d'un rapprochement Banques Populaires / Caisses d'Epargne commencent à prendre réellement corps. Pendant que se tiennent des négociations au plus haut niveau, Natixis annonce une perte annuelle de 2,8 Milliards d'Euros au titre de 2008, qui vaudra au titre de sombrer jusqu'à 0,76 Euro en mars dernier. Pourtant les déboires de Natixis sont loin d'être terminés. La semaine dernière, la banque a été forcée d'annoncer un nouveau déficit, de 1,84 Milliard d'Euros cette fois pour le seul premier trimestre 2009, son quatrième de rang dans le rouge. Et qu'ont fait les deux parents en cours de mariage ? Ils ont réinjecté 3,5 Milliards d'Euros pour stabiliser l'édifice, dont la plupart des branches fonctionnent plutôt bien mais qui conserve une exposition très importante aux actifs à risque, qui pèsent en dépit de leur "cantonnement" dans une structure dédiée. On comprend dès lors l'inquiétude manifestée par les députés lors des premiers débats hier soir, quand ils ont évoqué le gouffre que représentait la banque d'affaires pour ses deux actionnaires de référence. "Natixis a été pratiquement de bout en bout une catastrophe", n'a pas hésité à lancer Didier Migaud, le président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. "Personne aujourd'hui ne sait à quel point Natixis est de fait contaminée par une série d'actifs douteux", s'est pour sa part alarmé le Député PS Jérôme Cahuzac. Des craintes que Christine Lagarde s'est employée à dissiper en rappelant que les actifs à risque de la banque d'affaires font "l'objet d'un suivi rapproché par la commission bancaire, qui s'ajoute au suivi classique de l'établissement réalisé par le superviseur". Le nouvel homme fort du réseau, François Pérol, n'a cependant eu d'autre choix la semaine dernière que de concéder que d'autres dépréciations d'actifs n'étaient pas à exclure dans le futur. Malgré ce boulet, le plan de fusion des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne devrait aboutir d'ici la fin juin. Le projet de loi, qui permettra la mise en place d'un organe central entre les deux établissements, devrait être voté dès demain par les Députés, puis passera devant le Sénat à compter du 8 juin dans le cadre d'une procédure accélérée qui limitera le risque de "navette" entre les deux hémicycles. L'Etat engagera dans le rapprochement 5 Milliards d'Euros, qui ne seront pas de trop pour gérer le cas Natixis. Une première tranche de 2 Milliards d'Euros sera débloquée sous forme de "titres super subordonnés" (TSS) qui seront souscrits par la Société de Prise de Participation de l'Etat (SPPE). Une seconde de 3 Milliards d'Euros interviendra une fois le nouvel organe central constitué, sous forme d'actions de préférence sans droit de vote assorties de bons de souscription d'actions pouvant donner accès à 20% du capital d'ici 5 ans. Le conseil de surveillance du nouvel organe central comprendra 18 membres, dont 7 issus des Caisses d'Epargne, 7 issus des Banques Populaires et 4 désignés sur proposition de l'Etat, dont 2 membres indépendants. Le rapprochement des deux banques mutualistes créera le second pôle bancaire français derrière Crédit Agricole / LCL, avec 34 millions de clients et de 7.700 agences.



(c) Boursier.com - Les informations rédigées par la rédaction de Boursier.com sont réalisés à partir des meilleures sources, même si la société Boursier.com ne peut en garantir l'exhaustivité ni la fiabilité. Ces contenus n'ont aucune valeur contractuelle et ne constituent en aucun cas une offre de vente ou une sollicitation d'achat de valeurs mobilières ou d'instruments financiers. La responsabilité de la société Boursier.com et/ou de ses dirigeants et salariés ne saurait être engagée en cas d'erreur, d'omission ou d'investissement inopportun.