Groupama Asset Management compte traverser la crise sans encombre

11/06/2009 - 15:56 - Option Finance

(AOF / Funds) - La filiale de gestion de l'assureur a déjà largement rattrapé la baisse des encours enregistrée en 2008 et envisage de continuer à se développer sur une clientèle hors groupe. Groupama Asset Management (AM) peut se targuer d'être une des rares sociétés de gestion qui passe bien la crise. En effet, si le résultat net du groupe affiche une réduction de presque de moitié en 2008 par rapport à 2007, il reste largement positif et s'élève à 15,3 milliards d'euros. "En 2008, le produit net bancaire affiche une baisse limitée de 14 %, indique Francis Ailhaud, directeur général de Groupama Asset Management, elle est essentiellement liée à la chute des marchés actions et à un mix produit - développement du monétaire - moins margé." La collecte est restée positive sur l'année 2008, s'établissant à 5,3 milliards d'euros dont 2,5 milliards en provenance du groupe et 2,8 milliards hors groupe. Dans cette perspective, la baisse des encours a été limitée à 7,5 %. Au 31 décembre 2008, ils s'élevaient à 81,3 milliards d'euros contre 87,9 milliards d'euros un an auparavant. "Nous avons réalisé 10 % de la collecte du marché, relate Francis Ailhaud, alors que notre part de marché est plutôt aux alentours de 3,5 %." L'essentiel de la collecte, comme chez la plupart des gérants, s'est effectué sur les OPCVM monétaires. Fin décembre 2008, le monétaire représentait ainsi 16,7 milliards d'euros contre 5,3 milliards d'euros deux ans auparavant. La part de l'obligataire et du monétaire équivalait ainsi à près de 78 % des encours. "Nous avons su éviter les grands risques, explique Francis Ailhaud. Nous n'avons pas été affecté par la faillite de Lehman Brothers, nous n'avions pas de position sur les lignes Madoff et pas d'exposition sur les produits structurés complexes." L'adossement à une société d'assurance majeure en France qui affiche 38 000 collaborateurs et une présence dans 14 pays a permis également de sécuriser la collecte. Sur les quatre premiers mois de l'année, le développement de Groupama AM s'est effectué à un rythme accéléré. La collecte a en effet été très soutenue puisqu'elle a grimpé jusqu'à 3,9 milliards d'euros. Par conséquent, fin avril, le gestionnaire avait largement rattrapé la baisse des encours de 2008 et affichait 88,6 milliards d'euros d'encours sous gestion.

Un effort de recherche très important

Cependant, parallèlement au développement de la gestion monétaire et de la gestion taux, la part de la gestion actions tend a contrario à se réduire en raison d'un effet marché, mais aussi parce que le fonds de réserve des retraites (FRR) qui avait confié un mandat de gestion actions active à Groupama AM n'a pas renouvelé l'exercice une fois le mandat arrivé à échéance, préférant plutôt investir dans le cadre d'une gestion indicielle. "Il y a un débat actuellement chez les investisseurs institutionnels entre la gestion indicielle et la gestion active, relate Francis Ailhaud. Certains préconisent que la gestion coeur soit dorénavant toute indicielle, tandis que la gestion active se concentre sur des poches de gestion satellite". Un point de vue que ne partage pas le gérant spécialisé dans la gestion active. "Le métier de gérant ne consiste pas à obtenir de la surperformance en pariant sur l'évolution des marchés, explique Francis Ailhaud, car on peut, dans ce domaine, aisément se tromper. En revanche, les choix des secteurs et des valeurs peuvent être sources de performances significatives, d'où l'intérêt de la gestion active. Par ailleurs, s'il est vrai que les gérants en moyenne ne surperforment pas le marché, il existe une grande disparité dans les performances. Il est donc important de choisir des gérants qui affichent de bonnes performances et surtout des performances qui soient régulières." Ces bonnes performances, Groupama AM les doit à un effort très important en matière de recherche. "Les équipes de recherche représentent près d'un tiers des effectifs de la direction des gestions, indique Francis Ailhaud. Elles sont totalement intégrées à la gestion." La recherche se divise en trois pôles : un pôle dédié à l'analyse macroéconomique dirigé par Laurent Berrebi, un deuxième spécialisé dans l'analyse financière et extra-financière dirigé par Marie-Pierre Peillon et un dernier consacré à l'ingénierie financière chapeautée par Emmanuel Paty. Michel Aglietta, professeur d'économie à l'Université Paris X complète, en tant que consultant extérieur, ce dispositif. Au total 22 personnes travaillent au sein de l'équipe recherche sur les 88 que comprend la gestion. "Les gérants s'approprient pleinement la recherche, explique Francis Ailhaud. Celle-ci fait l'objet de débat et devient le point de vue global de la société de gestion. Cela se traduit par une politique cohérente et assumée par l'ensemble des gérants, ce qui nous permet d'obtenir des performances de qualité et régulières quelle que soit l'évolution des marchés." Cette démarche apparaît comme indispensable au gérant. "Notre capacité à produire une gestion active s'appuie sur une analyse fondamentale qui nous permet d'établir des scénarios macroéconomiques et de bien comprendre actuellement les mécanismes de la crise", affirme Francis Ailhaud.

Les critères extra-financiers pris en compte

Autre spécificité de Groupama AM, l'analyse ne se limite pas à la dimension financière, mais intègre l'ensemble des dimensions extra-financières. "L'investissement socialement responsable se décline par le biais de produits spécialisés, mais aussi dans le cadre d'une démarche globale consistant à apprécier pour chaque investissement réalisé les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), souligne Francis Ailhaud. Les analystes étudient les sociétés sous un angle global à la fois financier et extra-financier. De cette façon, nous allons progressivement intégrer les critères ESG à l'ensemble de la gestion. Il s'agit d'une tendance de fond, toutes les sociétés de gestion devraient à terme faire de même." Pour le gérant, le processus n'en est qu'à ses débuts. La démarche ESG devrait à terme être totalement intégrée aux pratiques de gestion, la crise financière ayant démontré l'intérêt de cette démarche et les limites d'une approche court-termiste. Mais maintenant que les critères ont été définis, il faut parvenir à déterminer les bons indicateurs. Enfin, la recherche délivrée par le pôle d'ingénierie financière n'est pas seulement utilisée pour conceptualiser les produits financiers du groupe mais peut être également mise directement au service des clients institutionnels. Elle est notamment utilisée dans le cadre de l'analyse actif/passif ou encore dans celle des portefeuilles complexes. "La gestion d'actifs ne peut maintenant faire l'impasse sur l'analyse des engagements au passif des clients institutionnels", indique Francis Ailhaud. En effet, la crise financière aura montré là encore les limites d'une analyse exclusivement tournée vers la performance de l'actif. La composition de l'actif doit être strictement corrélée aux engagements du passif des institutionnels afin de conserver un bilan équilibré et de pouvoir faire face aux engagements.

Trois pôles de gestion

Les équipes de gestion sont concentrées sur un seul site parisien et regroupées autour de trois pôles. La gestion taux, pilotée par Philippe-Henri Burlisson, intègre le monétaire et l'obligataire et comprend le gros des équipes, soit 20 personnes. La gestion actions dirigée par Romain Boscher intégre 14 spécialistes des actions européennes, et la gestion diversifiée chapeautée par Jean-Louis Autant est constituée d'une équipe de 3 personnes. Ces équipes sont spécialisées sur les titres européens. Afin de compléter les expertises du groupe, des partenariats ont été conclus avec Nomura AM, spécialiste du Japon et de l'Asie du Sud-Est, et Northern Trust Investments, spécialiste des Etats-Unis, afin de proposer des actions internationales. Enfin, l'an dernier, une filiale spécialisée dans la multigestion a été lancée, Groupama Fund Pickers, qui permet au gérant de couvrir l'ensemble des classes d'actifs. Elle comprend 17 collaborateurs dédiés à la gestion. Cette filiale intègre, d'une part, la multigestion alternative qui faisait déjà partie du groupe, activité dirigée par Olivier Louvet-Martin, et, d'autre part, une nouvelle spécialité, à savoir la multigestion directionnelle pilotée par Henri Chabadel. "Nous nous concentrons sur les classes d'actifs que nous maîtrisons à savoir les taux, le crédit et les actions européennes, indique Francis Ailhaud. Pour le reste, nous faisons plutôt appel à des expertises extérieures à travers des partenariats et la multigestion. Cela correspond à un besoin réel de nos clients. Nous pouvons dans ce cadre proposer une gestion actions internationales ou encore sur les pays émergents." De cette façon, le gérant peut proposer à la fois une gestion coeur et une gestion satellite. Une nécessité compte tenu du positionnement de sa clientèle. 80 % des actifs gérés par Groupama AM proviennent du groupe. Groupama distribue des produits d'épargne sous trois marques : Groupama, Gan et plus récemment Amaguiz. Par le biais du groupe, Groupama AM touche ainsi essentiellement une clientèle de particuliers. Les 20 % restants de la clientèle se situent donc hors groupe et concernent dans ce cadre plutôt une clientèle d'investisseurs institutionnels, près de 60 % de cette clientèle étant constituée d'institutions de retraite et de prévoyance tandis qu'un quart correspond à des entreprises. Le gestionnaire distribue aussi ses produits en dehors du groupe à des gérants de fonds de fonds, à des gérants de fortune, à des plates-formes ou enfin à des conseillers en gestion de patrimoine. A l'avenir, il entend poursuivre son développement à la fois auprès d'institutionnels hors groupe, mais également à l'international - principalement en Europe - en s'appuyant sur Groupama. "Nous nous implantons à l'étranger là où le groupe est déjà présent, indique Francis Ailhaud, cela nous permet de bénéficier de la notoriété de la marque." En Europe, il affiche déjà depuis trois ans une forte présence en Italie, où la collecte a été positive en 2008 de près de 450 millions d'euros malgré la crise. Il a par ailleurs ouvert l'an dernier une succursale en Espagne. Enfin, un partenariat de distribution a été conclu en 2007 au Canada. En France, malgré les bons résultats du groupe, la poursuite du développement se fera plutôt de façon organique. Groupama AM ne se positionne donc pas pour acquérir des sociétés de gestion en difficulté ou qui recherchent un adossement à un groupe de gestion d'une taille supérieure. "Nous avons envisagé un temps l'idée de croître par acquisition, révèle Francis Ailhaud. Toutefois la crise nous a conduits à privilégier plutôt un développement organique. Cette stratégie est moins coûteuse et surtout dans le contexte actuel moins risquée." Il est vrai que Groupama AM avec près de 90 milliards d'euros sous gestion peut poursuivre seul son développement. Sandra Sebag