Analyse / Comment bien choisir ses gérants ?

22/06/2009 - 16:00 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les périodes de crise ont ceci d'utile que les esprits se concentrent sur les questions essentielles et essaient de trouver des réponses de bon sens. A coup sûr, la question du choix du gérant à qui confier son investissement, ou des fonds à acheter, va redevenir une préoccupation majeure. En premier lieu, l'information fournie sur la gestion, la confiance dans l'entreprise de gestion, les engagements de surveillance et les incitations des divers acteurs, notamment dans la chaîne de distribution, ne manqueront pas, au moins dans les prochaines années, d'être considérés avec la vigilance nécessaire. Supposant ces précautions prises pour éviter des déconvenues malheureusement plus fréquentes en période de baisse des marchés, les questions, d'une part, du choix du mode de gestion entre un gérant ou plusieurs et, d'autre part, de la sélection des gérants, conservent toute leur pertinence. Une analyse très intéressante vient d'être publiée sur les pratiques des fonds de pension britanniques depuis une vingtaine d'années. En s'appuyant sur une base donnée complète portant sur plus de 2 000 fonds de pension de grandes entreprises anglaises, quatre spécialistes universitaires de renom, dont David Blake* ("Pension Fund Risk taking and performance under decentralized investment management", Inquire Seminar, mars 2009), ont analysé les évolutions des choix de ces institutions depuis 1984 et les performances de ces dernières. L'évolution la plus notable de cette période, de la gestion diversifiée à la gestion par des spécialistes, ne surprendra pas outre mesure ; alors que 98 % des mandats étaient diversifiés, confiés pour moitié à un seul gérant, ce sont désormais 88 % de mandats de spécialistes qui dominent, pour moitié confiés à des spécialistes de plusieurs classes d'actifs et, pour l'autre moitié, à des spécialistes d'une seule classe. Il est vrai que, concomitamment, l'allocation d'actifs moyenne des fonds de pension a évolué. Ainsi, la part d'actions anglaises, par exemple, passe de 57 % à 40 %, celle des actions internationales de 25 % à 30 % et celle des obligations, tendance plus récente, de 5 % à 18 %. Cette évolution vers la gestion spécialisée peut être interprétée comme une maturité plus grande du marché. A force de crises, peut-être ! L'engouement persistant pour les actions et la part croissante, mais modeste, en obligations reste un particularisme insulaire. En revanche, la plus grande diversité des classes d'actifs et de l'internationalisation relève d'un mouvement général dans les marchés développés. Plus intéressante à maints égards, l'analyse des attributions et ruptures de mandat montre toute la fragilité des choix essentiellement fondés sur les performances passées. Il apparaît que la motivation principale du renvoi du gérant est sa contre-performance récente, sur une année en moyenne d'environ 2 % en dessous de la référence. Pourtant, six mois plus tard, un bon tiers de cette contre-performance aurait été récupéré, selon l'étude. Biais inverse pour l'attribution de mandat à des gérants qui ont eu des performances positives avant l'attribution et perdent malheureusement 1 % en moyenne par rapport à la référence pendant l'année qui suit. Même si ces chiffres ne sont pas "significatifs" au sens statistique, la valeur ajoutée d'une rotation trop fréquente des portefeuilles entre les gérants et ce, apparemment, sur la base de performances passées, n'a pas su prouver sa valeur ajoutée, à tout le moins pour l'investisseur final. Plusieurs progrès, soulignés par l'étude, sont notables en ce qui concerne le métier de gestion compte tiers. L'allocation d'actif semble mieux comprise et n'est pas totalement déléguée aux gérants. Ceux-ci ont su se concentrer sur des spécialités et, d'ailleurs, apporter une valeur ajoutée - 0,67 % contre 0,46 % en moyenne par rapport à leur référence. Pourtant, même au sein de cette population sensibilisée, les performances passées, qui plus est à court terme, continuent à influencer les choix et à induire en moyenne une perte d'efficacité. Tout cela, bien entendu, a été observé dans un marché dont les habitudes et les acteurs sont très éloignés du nôtre... Par Jean-François Boulier, directeur général, Aviva Gestion d'Actifs