EXCLUSIF AOF: la reprise sera difficile (P-Y Gauthier-AlphaValue)

07/07/2009 - 15:49 - Option Finance

(AOF) - Pierre-Yves Gauthier, directeur de la stratégie d'AlphaValue, premier bureau européen d'analyse financière indépendant, revient sur le récent rebond des marchés actions. Après avoir touché un point bas inédit le 9 mars, au plus fort de la crise financière, l'indice européen Eurofirst 300 a rebondi de 31,7%. Sur le seul deuxième trimestre, l'indice a regagné 15,9%, son meilleur trimestre depuis les trois derniers mois de 1999.

AOF : comment expliquer l'impressionnant rebond de la Bourse ?

Pierre-Yves Gauthier

Le mouvement de panique, qui gouvernait les marchés depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, s'est achevé au mois de mars essentiellement en raison du sauvetage du système financier américain. Le plan Geithner pour assainir les banques de leurs actifs toxiques, et surtout le succès des " stress tests " menés auprès des banques américaines, ont réconforté l'ensemble des acteurs du système financier. [-73]· cet égard, l'étude de l'indice Vixx, (qui mesure précisément la volatilité de l'indice S&P 500) est très instructive. Après avoir atteint plus de 80 fin 2008, l'indice a reperdu en quelques semaines la moitié de sa valeur.

Ce rebond est-il durable ?

Je ne le pense pas. La plus grande partie de l'embellie des indices a été conduite par la remontée des actifs jugés les plus risqués à l'instar des valeurs bancaires et de l'automobile. Or le potentiel de hausse de ces secteurs paraît désormais très limité. Globalement, les mauvais résultats du deuxième trimestre des sociétés devraient inciter le marché à réviser fortement à la baisse le consensus.

Quel est votre scénario des mois à venir ?

Les entreprises sont " groggy " et restent sur un mode défensif. Elles n'investissent pas et au contraire, réduisent les coûts. Du côté des ménages, la situation n'est guère meilleure. Affectés par l'aggravation du chômage, les consommateurs ont le moral en berne, et ce malgré le repli des prix de l'énergie, de l'immobilier et des produits manufacturés. Le redémarrage économique nous semble donc peu probable d'ici fin 2009, même si la pente de l'activité est plus favorable qu'il y a quelques mois. En résumé, une reprise boursière significative au second semestre 2009 paraît désormais compromise.

Quels secteurs ont votre préférence ?

Adeptes de l'approche " value ", nous distinguons quatre secteurs susceptibles de surperformer le marché : le pétrole, les télécoms, l'assurance et l'agro-alimentaire. Le secteur pétrolier s'est avéré décevant depuis le début de l'année en dépit de ses rendements élevés et de la remontée graduelle mais régulière des cours du baril. Selon nous, le rapport " risk reward " est donc l'un des plus attrayant avec un potentiel de 16% sur des titres à faible risque. Les télécoms apparaissent comme de vraies défensives compte tenu de leur résistance conjoncturelle. Les rendements très élevés militent pour cette lecture. Il ne faut cependant pas exclure que les médiocres performances boursières depuis mars 2009 traduisent aussi un doute sur la réelle insensibilité de la demande des consommateurs en matière de téléphonie, souvent bien lourde dans les budgets des ménages... Et ce, quelle que soit la géographie. Nous estimons que le secteur a un potentiel de hausse de 25%. Quant à l'assurance, nous lui fixons également un potentiel de hausse de 25%. Les groupes ont subi de plein fouet les pertes de valeurs sur les investissements en sous jacents des primes et subiront en 2009 une conjoncture plus difficile en non-vie. Pour autant, les risques de liquidité sont très faibles et surdimensionnés par les investisseurs. En résultante, le secteur - finalement dominé par l'inquiétude - nous paraît attrayant. Enfin, nous notons que le secteur agro-alimentaire n'est pas plus cher depuis que les investisseurs ont redécouvert les financières et le goût du risque. Son attrait est évident pour ceux qui doutent d'une sortie rapide de crise. Mais il est peu probable que les séquences de résultat résistent si les consommateurs préfèrent l'épargne. Le " yaourt nature " pourrait reprendre l'avantage et les marges en souffrir. Au final, nous estimons à +31% le potentiel du secteur.

A contrario, quels secteurs déconseillez-vous ?

Les utilities ont perdu de leur attrait avec le constat que leur coût du capital est aussi fonction de spreads qui se tendent comme et qui se tendent d'autant plus que les chiffres d'affaires perdent en volume. C'est un constat important que de vérifier au travers de cette crise que l'équation financière des utilities n'est pas aussi robuste que celle qu'on attendait de valeurs défensives. Il s'ensuit qu'il leur faut plus de capital et que, dans la tourmente, ils préfèrent leurs créanciers et régulateurs à leurs actionnaires. Les agences de rating font donc à nouveau de loi. Nous fixons un potentiel de +3% au secteur. Par ailleurs, nous estimons les banques trop chères. Elles se traitent avec PE à 22 fois les résultats 2009 et encore 13 fois les résultats 2010...si les 80% du rebond du bénéfice par action sont bien présents. Le sentiment sur les banques est passé d'une défiance extrême à l'idée que les marges sur encours demain seront suffisamment spectaculaires pour étaler une violente progression des provisions. Nous en doutons et fixons un potentiel de -3% au secteur.

Quels sont vos objectifs boursiers pour fin 2009 ?

Nous sommes moins optimistes qu'en début d'année sur une sortie rapide de crise. Les prochaines révisions baissières des résultats 2009 et 2010 paraissent limiter le potentiel de hausse. Nous avons revu à baisse nos objectifs de fin d'année à 3500 points pour le CAC 40 et 220 pour le DJStoxx contre respectivement 4000 et 250 points auparavant. Selon nous, les marchés sont bien valorisés à court terme. Propos recueillis par Pierre-Jean Lepagnot.