Les émissions actions et obligations ne connaissent pas la crise

15/07/2009 - 15:15 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Le marché primaire actions comme le marché obligataire ont enregistré des volumes d'activité inattendus au premier semestre 2009.

En matière d'émissions, le premier semestre aura largement dépassé les attentes des banquiers d'affaires ! Au total, 1 216 milliards d'euros ont été émis - tous segments confondus - sur le marché obligataire européen. Comme prévu, les souverains et quasi-souverains représentent le volume d'émissions le plus important, à savoir 721 milliards d'euros. "Compte tenu de leurs programmes de financement considérables, les souverains ont sollicité le marché de manière agressive au premier semestre, tout comme les agences et institutions supranationales, explique Alain Gallois, responsable monde de l'origination dette chez Natixis. La Banque Européenne d'Investissement a notamment déjà levé plus de 75 % de ses besoins de financement pour l'année 2009, en bénéficiant d'un fort intérêt des investisseurs pour les signatures de grande qualité." Le secteur financier a quant à lui émis 297 milliards d'euros, dont 56 % avec garantie gouvernementale. "Le marché de la dette senior s'est un peu rouvert au début de l'année, puis plus généralement depuis le mois d'avril, explique Alain Gallois. Si nous attendions un important volume d'émissions de la part des financières, nous n'anticipions pas début 2009 une reprise aussi forte des émissions de dette senior ou même de covered bonds, dont le retour a été facilité par les programmes de rachat annoncés par la BCE." Mais ce sont les corporates qui ont le plus surpris le marché : peu d'analystes avaient en effet anticipé un tel regain d'activité sur ce segment. Au premier semestre, les corporates européens ont émis 198 milliards d'euros d'obligations, dont 24 % émanant de corporates français. En seulement six mois, ce volume d'émissions est comparable à celui enregistré sur l'ensemble de l'année 2001, jusqu'alors une année record en termes d'émissions corporates ! Il est vrai que le marché a été fermé pendant un mois et demi l'automne dernier, ce qui a logiquement induit un effet de rattrapage dès que la fenêtre de marché s'est ouverte. Le premier semestre a été marqué par une ouverture progressive du marché. Dans un contexte d'aversion au risque encore prononcée, l'activité au premier trimestre est restée dominée par les signatures single A et AA. A partir du mois d'avril, les spreads ont commencé à se détendre et le marché a été de plus en plus animé par des émetteurs BBB, ainsi que, mais dans une moindre mesure, par quelques émetteurs high yield, mais qui n'ont pas réussi à réellement rouvrir ce segment de marché. Les investisseurs se sont en parallèle positionnés sur des opérations de maturité plus longues. En avril dernier, Veolia a pu émettre ainsi un montant de 750 millions d'euros à dix ans, tandis que, début juillet, le groupe allemand EnBw (A -), producteur d'électricité détenu à 45 % par EDF, a réalisé une émission de 1,35 milliard d'euros en deux tranches, dont l'une de 600 millions d'euros à échéance 2039 avec un spread de 215 pb au-dessus des taux mid-swaps. Il s'agit de la première opération à trente ans sur le marché européen depuis deux ans ! "Malgré la persistance de signes positifs, le marché demeure fragile et reste un marché de fenêtres, explique Alain Gallois. On observe actuellement un ralentissement de la détente des spreads. Au second semestre, le marché obligataire sera susceptible de surréagir à chaque nouvelle microéconomique ou macroéconomique." Après un premier semestre record et dans un contexte demeurant volatil, les banquiers restent prudents en ce qui concerne les perspectives du marché au second semestre. "Un nombre significatif de corporates ont déjà pourvu à leurs besoins de financement en 2009 et les échéances de remboursement au premier semestre 2010 se limitent à 72 milliards d'euros, explique Demetrio Salorio, coresponsable du marché obligataire à la Société Générale. Notre scénario prévoit donc un ralentissement des émissions des corporates, qui pourraient s'élever à 57 milliards d'euros au second semestre selon nos prévisions, dont 7 milliards d'émissions high yield." L'activité sur le marché primaire actions, de son côté, a été fortement dominée par les augmentations de capital, principalement avec maintien de droit préférentiel des actionnaires. Au premier semestre, ces opérations ont représenté 78 % du volume total émis, qui s'élève à 140 milliards d'euros. Conformément aux anticipations, le secteur financier a cette année encore représenté la part la plus importante des augmentations de capital, mais dans une moindre mesure (53 % contre plus de 70 % en 2008). Les corporates ont en effet largement soutenu le marché. En France, la crise à conduit plusieurs d'entre eux à lancer des augmentations de capital pour renforcer leur structure financière, soit parce que leur secteur d'activité est en difficulté (Saint-Gobain), soit pour refinancer des acquisitions effectuées en haut de cycle (Pernod Ricard et Lafarge). "La majeure partie des augmentations de capital de corporates français a reçu un support important des actionnaires de référence, un élément essentiel dans un marché qui est resté volatil, explique Laurent Morel, responsable du primaire actions à la Société Générale. En outre, ce mouvement de recapitalisation a permis à certains d'entre eux d'avoir de nouveau accès au marché de la dette." Le niveau des décotes consenties est par ailleurs resté élevé tout au long du semestre. "Nous n'avons pas observé de réelle inflexion des niveaux de décote, qui ont évolué entre 35 % et 45 % par rapport au cours théorique ex-droit", poursuit Laurent Morel. Au second semestre, les fusions-acquisitions pourraient à nouveau être un moteur de l'activité du marché primaire actions. "Les valorisations d'entreprises se sont stabilisées, explique Laurent Capes, responsable du marché primaire actions pour la France chez Deutsche Bank. D'importants projets d'acquisition pourraient nécessiter un financement en equity au second semestre." Mais les perspectives pour le second semestre suscitent encore des interrogations. "L'une des questions en suspens concerne le redémarrage de l'activité sur le segment des small et mid caps, qui ne sont pas parvenues à accéder en nombre important au marché action jusqu'à présent (à l'exception du Royaume-Uni), malgré des besoins significatifs, explique Laurent Morel. En outre, nous attendons toujours une possible vague de recapitalisation dans le secteur des compagnies d'assurances en Europe, qui n'a finalement pas eu lieu au premier semestre." Enfin, les placements accélérés et les émissions de convertibles ont respectivement contribué à hauteur de 15 % et de 7 % au volume d'activité total enregistré sur le marché primaire actions au premier semestre. "Le marché français est leader sur le marché européen de l'equity-linked avec 4,3 milliards d'euros d'obligations convertibles émises depuis le début de l'année", précise Jean-Marc Giraud, responsable mondial, global capital markets à la Société Générale. Depuis la réouverture du marché par ArcelorMittal en mars dernier, 21 transactions equity-linked ont été recensées en Europe. "On observe cependant un certain essoufflement du marché pour les signatures moins attractives, explique Laurent Capes. Néanmoins, ce segment a encore de l'avenir au second semestre pour des corporates en bonne santé qui cherchent avant tout à diversifier leurs sources de financements." Enfin, avec seulement deux introductions en Bourse significatives, le marché européen des IPO est resté sinistré au premier semestre. Si la stabilisation des marchés se poursuivait, certains n'excluent toutefois pas des projets potentiels à partir de l'automne, qui pourraient se concrétiser dès la fin de l'année. Angèle Pellicier