Interview exclusive (1ère partie) - Olivier Mallet (Vallourec)

07/09/2009 - 11:33 - Option Finance

(AOF) - Bénéficiant d'une situation financière très saine, Vallourec n'en a pas moins réagi rapidement à la crise en diminuant ses coûts et en renforçant ses efforts sur le cash. Un objectif qui passe notamment, pour Olivier Mallet, directeur financier, juridique et de la communication externe du groupe, par des actions sur le BFR et les investissements.

Vous avez été nommé il y a un an, en pleine crise, à la direction financière de Vallourec. Quelles ont été vos priorités ?

J'ai en réalité été recruté, quelques mois avant que la crise touche réellement l'économie "réelle", dans le cadre d'un élargissement du périmètre de la direction financière de Vallourec. Ma nomination a en effet donné lieu à la réunion de deux fonctions jusqu'alors distinctes, la finance traditionnelle et le suivi de la performance opérationnelle, cette dernière recouvrant le contrôle de gestion, les achats, le marketing, et les domaines de la qualité-sécurité-environnement. Le rapprochement de ces deux directions permet d'intégrer davantage leurs approches, notamment en matière de contrôle de gestion. Mais très vite, compte tenu de l'évolution de la situation économique, une large partie de mon activité s'est tournée vers une priorité immédiate : adapter l'entreprise au ralentissement de l'activité enregistré à partir de fin 2008 - début 2009, et réagir très rapidement pour adapter les coûts à l'évolution des volumes. L'ensemble de nos coûts d'exploitation ont ainsi été réduits de 28 % dès le premier trimestre par rapport au dernier trimestre 2008, qui était encore un pic d'activité, tandis que nos volumes étaient en réduction de 25 à 30 %.

Quelles mesures d'adaptation avez-vous prises avec la crise ?

Outre l'action immédiate sur les coûts, les postes bilanciels ont fait l'objet d'une attention renforcée. Nous avons par exemple resserré les contrôles sur le risque client, dont la gestion était assez décentralisée. J'ai lancé rapidement une enquête pour vérifier comment ce poste était géré, et notamment comment évoluait le taux de défaillance. Le résultat a montré que la majorité de nos clients avait une surface financière telle qu'ils ne présentaient pas de risque majeur, et que la politique de couverture du risque client définie par le groupe était correctement mise en oeuvre par les filiales. Par ailleurs, même si notre bilan est très sain, nous avons choisi de mettre davantage l'accent sur le cash, à un moment où Vallourec finance un investissement très important d'usine intégrée au Brésil, et pour renforcer notre capacité à saisir d'éventuelles opportunités d'acquisitions. Nous avons mis la priorité sur deux domaines en particulier, le besoin en fonds de roulement et les investissements. En ce qui concerne le BFR, nous avons renforcé les objectifs de réduction donnés à chaque division pour 2009. Par ailleurs, Vallourec ayant beaucoup investi ces dernières années pour remettre à niveau les équipements et dégoulotter les usines, le groupe a pu réduire fortement l'enveloppe des investissements non stratégiques pour 2009. Nous avons maintenu en revanche la priorité pour nos investissements stratégiques, comme celui mené au Brésil. Vallourec a également annoncé début 2009 un investissement destiné à doubler la capacité de ses usines travaillant pour le nucléaire puisque la demande de centrales nucléaires, pour lesquelles nous fournissons des tubes, est en très forte augmentation.

Comment réduisez-vous le BFR ?

Les opérationnels sont bien entendu les premiers impliqués dans la gestion au quotidien du BFR. Dans le domaine des clients, j'ai mentionné la gestion des risques, client par client, et l'application de nos règles de couverture pour ceux dont la situation de trésorerie est incertaine. Toutefois, la majeure partie d'entre eux sont des majors ou des compagnies pétrolières publiques qui sont par nature solvables, et avec lesquelles nous entretenons des relations de partenariat. L'action majeure pour faire baisser le BFR porte donc sur les stocks. Notre chance, c'est que pour l'essentiel de notre activité, nous ne produisons pas en amont des commandes, mais lançons des productions sur commande. Par conséquent, le stock de produits finis est par construction largement maîtrisé, avec en outre peu de risque de devoir les déprécier : l'enjeu principal a donc été d'ajuster l'approvisionnement en matières premières par rapport à une évolution des commandes en réduction brutale, ce qui a nécessité une grande réactivité. Au total, le BFR a baissé de 15 % au premier semestre.

Comment générez-vous la trésorerie (près de 900 millions d'euros avant investissements en 2008) dont vous bénéficiez ?

Nous sommes centrés sur le marché haut de gamme du tube sans soudure, en particulier dans le secteur de l'énergie, qui représente les deux tiers de notre chiffre d'affaires. Ce secteur présente des perspectives de croissance forte aussi bien dans le domaine des centrales électriques que dans ceux du pétrole et du gaz, où il faut aller chercher les ressources de plus en plus profondément, ce qui nécessite des tubes haut de gamme. Nous bénéficions également du fait que notre industrie s'est largement consolidée à l'issue des cycles précédents. La compétition y est d'une nature différente que dans les commodités, les éléments relatifs à la qualité des produits et des services étant essentiels. Ces différents facteurs se sont traduits depuis quelques années par l'explosion de la demande et des marges de Vallourec. Nos taux d'Ebitda ont approché 30 % et sont restés proches de 25 % à l'issue du premier semestre de cette année, alors même que la crise est là. Notre profitabilité nous permet ainsi de continuer à investir de façon importante : cette année nous prévoyons 800 à 850 millions d'euros de dépenses à ce titre.

La crise a-t-elle eu un impact sur votre politique de financement ?

La majeure partie de nos financements se répartit entre deux crédits syndiqués : le premier, de 460 millions d'euros sur sept ans, date de 2005 et, le second, composé de 300 millions de dollars et 350 millions d'euros sur cinq ans, a été mis en place en avril 2008 dans le cadre de l'acquisition de trois sociétés américaines. Le groupe bénéficie également de lignes bilatérales pour un montant total de 500 millions d'euros. L'essentiel de ces financements expire en 2012-2013. Nous n'en avons tiré qu'une partie modeste et disposons d'1 milliard d'euros de lignes de crédit confirmées non tirées, ce qui nous laisse des marges de manoeuvre importantes. Nous avons par ailleurs renégocié, avec une hausse des spreads limitée, un placement privé de 100 millions d'euros sur six ans auprès des caisses régionales du Crédit Agricole, qui arrivait à échéance en novembre dernier... soit en pleine tourmente financière ! Notre bilan étant très solide, tous nos crédits ont des conditions de taux favorables et un seul covenant qui porte sur le gearing, lequel doit rester inférieur à 75 %. Ceci nous laisse une marge de sécurité très importante : le gearing était de 10 % au 31 décembre dernier, et Vallourec est en situation de trésorerie nette positive au 30 juin.

Votre ratio endettement/fonds propres a-t-il vocation à rester aussi faible ? Pourriez-vous profiter de la réouverture du marché du crédit, notamment du marché obligataire ?

Le groupe a toujours eu une politique de grande prudence car il a connu dans le passé, en 1999 ou en 2003, des bas de cycles qu'il a gardés en mémoire. C'est ce qui explique notre situation de bilan extrêmement favorable. Cela ne veut pas dire pour autant que nous aurons éternellement un levier très faible. Nous avons les moyens et pour objectif de faire des acquisitions raisonnables si l'opportunité s'en présente. En ce qui concerne le marché obligataire, nous n'y avons jamais fait appel - Vallourec n'est d'ailleurs pas noté - et nous n'en avons pas besoin pour l'instant puisque nos échéances bancaires sont à 2012-2013. C'est néanmoins une réflexion que l'on peut avoir à l'avenir pour diversifier le moment venu nos financements.

Comment gérez-vous les risques de change et de matières premières ?

Notre exposition sur les changes est assez importante car un tiers environ du chiffre d'affaires de Vallourec est produit en zone euro et vendu sur des marchés dollars. Nous n'avons pas pour vocation de spéculer sur la parité et nous couvrons systématiquement nos commandes. En ce qui concerne les matières premières, nous consommons en particulier de la ferraille, pour laquelle il n'y a pas de possibilité de couverture car il n'existe que des marchés spot. Son cours, qui a tendance à s'aligner sur celui du minerai de fer, a été très erratique en 2008-2009. En juillet-août 2008, le prix de la ferraille était de 450 euros la tonne alors qu'il est retombé en octobre-novembre à 170 euros. Cependant, le fait que nous soyons sur un segment haut de gamme nous permet de gérer notre politique de prix de manière plus fine que par une répercussion mécanique des variations de cours. Nous sommes sur un marché où les prix dépendent d'abord de l'offre et de la demande, donc de la tension sur le marché final, sur lequel nous pensons que notre positionnement haut de gamme nous différencie. Les prix de marché ont à ce titre évolué tendanciellement plus fortement à la hausse que les prix des matières premières au cours de ces dernières années. Propos recueillis par Valérie Nau

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Activité de la société

Vallourec est leader mondial de la production de tubes sans soudure en acier et de produits tubulaires spécifiques pour applications industrielles. Le groupe s'adresse ainsi aux secteurs du pétrole et du gaz, de l'énergie électrique, de la chimie et pétrochimie, de l'automobile et de la mécanique, le reliquat provenant d'autres industries. Après avoir racheté l'américain Omsco en 2005, Vallourec a finalisé début 2006 l'acquisition de la société SMFI (Société Matériel de Forage International), afin de renforcer sa position de numéro deux mondial des tubes de forage pour le pétrole et le gaz.

Les points forts de la valeur

-Vallourec profite de sa situation de leader mondial dans plusieurs de ses produits. - La diversification des activités du groupe dans cinq débouchés lui permet d'amortir les phases de cycle des marchés qu'il sert. Par ailleurs, il bénéficie d'une répartition géographique équilibrée de ses ventes. - Vallourec peut se prévaloir d'une exposition limitée à la concurrence chinoise. - La situation financière de Vallourec est très saine. - Le titre est entouré d'une forte spéculation, du fait d'un flottant très important et du mouvement de concentration affectant son secteur.

Les points faibles de la valeur

- Le groupe est pénalisé en cas de repli du dollar. - La hausse du prix des matières premières (ferrailles, fer, coke...) crée une certaine incertitude sur les résultats. - Vallourec est difficile à classer au sein d'un secteur du fait de son activité. Par ailleurs, il n'existe pas de valeurs comparables sur le marché. - Comme toute valeur cyclique, Vallourec n'est pas à l'abri d'un retournement de conjoncture. Le marché mondial des tubes pour l'énergie a, dans le passé, connu de graves excédents de capacités qui amplifiaient la chute des prix en bas de cycle. - Le groupe peut souffrir du mouvement de déstockage des distributeurs américains et d'un marché de plus en plus compétitif

Comment suivre la valeur

- Avec une division pétrole et gaz qui représente près de la moitié son chiffre d'affaires consolidé, le groupe est particulièrement sensible au prix du baril de pétrole : celui-ci détermine avec un décalage de six mois à un an le niveau d'investissement des compagnies pétrolières dans l'exploration-production, et donc la demande de tubes de forage. Le titre est par conséqu