Interview / Philippe Weber (CPR AM), responsable études et stratégie

07/09/2009 - 15:44 - Option Finance

(AOF / Funds) -

Comment voyez-vous évoluer la parité euro-dollar ?

Il faut souligner que le marché des changes est relativement calme depuis quelques semaines. L'euro est passé de 1,39 à 1,43 entre début juillet et début septembre, des fluctuations presque négligeables au vu des mouvements boursiers observés cet été. Sur un horizon de 3 mois, nous anticipons l'euro à 1,46 dollar, en raison de la politique monétaire plus accommodante aux Etats-Unis que dans la zone euro. Mais le redémarrage plus fort et rapide de l'économie américaine devrait orienter l'euro vers 1,25 dollar d'ici à un an. A plus long terme, le dollar pourrait être confronté à un affaiblissement structurel, en partie lié à la remise en question de son statut de monnaie de réserve internationale. La Chine, le Brésil, la Russie ou encore les pays de l'OPEP plaident de plus en plus pour une diversification des monnaies de réserve, en faveur des DTS (droits de tirage spéciaux) ou de l'euro, même si ce changement n'est pas dans leur intérêt immédiat.

Quelles sont vos prévisions concernant la livre et le yen ?

Nous ne percevons pas de facteur déterminant à la hausse ou à la baisse de la livre. Celle-ci s'est beaucoup dépréciée avec la crise et devrait se stabiliser autour de son prix actuel. Nous prévoyons en revanche une baisse du yen par rapport à l'euro, qui pourrait valoir 150 yens d'ici à un an. A court terme, en effet, nous ne voyons pas avec quelles mesures ni avec quel financement le nouveau gouvernement japonais parviendra à redresser l'économie.

Les taux directeurs peuvent-ils rester aussi bas durablement ?

Les banques centrales devraient commencer à réfléchir avant l'été prochain à une éventuelle hausse de taux, mais celle-ci ne devrait pas intervenir avant fin 2010. Le cas du Japon montre qu'il vaut mieux augmenter ses taux un peu trop tard, plutôt que trop tôt. En 2000, la remontée des taux avait en effet "cassé" le peu de croissance observée, ce qui avait contraint la banque centrale à ramener son taux à zéro dès l'année suivante. En outre, le marché monétaire n'a pas retrouvé un fonctionnement normal. Les banques ont emprunté plus de 400 milliards d'euros à 1 % lors de la première opération de refinancement à un an de la BCE en juin dernier. Mais, paradoxalement, les dépôts auprès de la BCE, rémunérés à seulement 0,25 %, s'élevaient encore à 160 milliards d'euros la semaine dernière. Les banques semblent donc rester prêtes à tout pour obtenir de la liquidité "au cas où". Enfin, aussi encourageantes soient-elles, les dernières statistiques économiques présentent un caractère artificiel. Le mouvement des stocks des entreprises peut générer de la volatilité dans les chiffres. Ainsi, un simple arrêt du déstockage pourrait aisément conduire à une croissance trimestrielle de 5 % du PIB ! La question est de savoir si les signaux de reprise sont assez solides pour redonner confiance aux entreprises, afin que l'investissement puisse relayer les plans de relance, créer des embauches et soutenir la consommation.

Pourquoi les taux longs se sont-ils détendus cet été ?

Les taux longs ont baissé parallèlement à la hausse du marché actions. C'est inhabituel car un rebond du marché actions s'accompagne généralement de tensions sur les taux longs : les investisseurs vendent des obligations pour acheter des actions, tandis que le marché entrevoit des hausses de taux. Cela n'a pas été le cas cet été. Les investisseurs, qui ont beaucoup de liquidités à placer en raison de la sortie d'actifs risqués, sont restés présents sur les deux marchés. Le marché actions a notamment réservé de bonnes surprises, certaines entreprises ayant affiché des bénéfices meilleurs, ou moins mauvais, qu'anticipé (malgré des chiffres d'affaires en baisse). Cette situation ne devrait toutefois pas perdurer. Nous prévoyons une remontée des taux longs autour de 4 % dans la zone euro et de 3,80 % aux Etats-Unis d'ici à la fin de l'année, en raison de la reprise (bien que faible) et des anticipations à venir de hausse de taux.

Faut-il craindre un retour de l'inflation ?

Il n'existe pas le moindre risque inflationniste d'ici à un an. Aux Etats-Unis, le chômage est au plus haut depuis vingt-six ans et les taux d'utilisation des capacités de production sont au plus bas depuis 1967, soit le début de la série statistique. A terme, cependant, l'inflation pourrait devenir un risque sérieux, car le bilan de la Fed aura quintuplé et celui de la BCE doublé. Il s'agira de retirer au plus vite les centaines de milliards d'euros et de dollars du marché interbancaire, car cet excès de liquidité pourrait être facteur de bulle spéculative (sur l'immobilier, les dérivés de crédit...) ou de très forte inflation. La question du timing sera donc cruciale. Propos recueillis par Angèle Pellicier