La consolidation se poursuit dans le secteur de la gestion d'actifs

15/09/2009 - 12:29 - Option Finance

(AOF / Funds) - Les cessions et rapprochements se poursuivent dans la gestion d'actifs. L'embellie sur les marchés boursiers qui s'est poursuivie tout l'été n'a en effet pas eu d'impact sur le mouvement de consolidation engagé dans le secteur. Ainsi, plusieurs annonces importantes ont-elles été effectuées en cette rentrée. La Banque Postale a annoncé être en négociation exclusive pour le rachat de la société de gestion Tocqueville Finance. BNP Paribas Asset Management (BNP PAM) et le Crédit Agricole Asset Management (CAAM) ont quant à eux conclu un partenariat en matière de distribution de fonds. De son côté, Groupe OFI vient de prendre 33,37 % de la société de gestion entrepreneuriale Prim'Finance. Par ailleurs, un grand nombre de dossiers sont en attente d'un repreneur. La banque franco-belge Dexia serait à la recherche d'un repreneur pour son activité d'assurance vie en France, laquelle serait déficitaire. Selon le quotidien belge "L'Echo", Dexia veut se délester de Dexia Epargne et Pensions. La France n'est pas le seul pays, loin s'en faut, à être touchée par ce phénomène. Aux Etats-Unis, par exemple, AIG vient d'annoncer la cession de son activité de gestion d'actifs. Il est vrai que l'assureur a été touché de plein fouet par la crise et doit se réorganiser. Il n'en demeure pas moins que la question se pose pour de grands groupes internationaux de conserver ou non cette activité qui a été profondément secouée par la crise. Les sociétés de gestion ont enregistré une baisse de leurs encours liée à la fois à une forte décollecte et à un effet de marché. Par ailleurs, la collecte s'oriente vers les actifs qui génèrent de faibles marges, comme les fonds monétaires ou encore les fonds indiciels. En conséquence, les sociétés de gestion sont confrontées à une forte baisse de leur rentabilité. Le Boston Consulting Group (BCG), dans un rapport publié au mois de juillet, "Global Asset Management 2009. Conquering the Crisis", a tenté de mener une évaluation de la dégradation de la rentabilité du secteur. L'étude porte sur 32 pays qui représentent 95 % du marché mondial de la gestion d'actifs. "Le bénéfice moyen (marge opérationnelle) est tombé à 34 % des revenus nets à la fin 2008 - niveau le plus bas en cinq ans - contre 38 % un an plus tôt, indique le rapport. L'impact sur les bénéfices sera encore plus important en 2009. Les marges opérationnelles pourraient tomber à 30 %, voire moins. Au total, environ 80 % des gestionnaires d'actifs ont subi des baisses de leurs bénéfices en 2008, tandis que 70 % ont aussi enregistré une baisse de leur chiffre d'affaires." Une situation qui conduit les acteurs à repenser radicalement leur stratégie. "Certains gestionnaires ont déjà réagi, améliorant leur rentabilité, explique Philippe Morel, directeur associé senior au BCG Paris et coauteur de l'étude. Dans un contexte de rationalisation, les mesures portent sur deux axes : la gestion des coûts et des risques. Ceux qui parviendront à piloter ces leviers pourraient même parvenir à gagner des parts de marché durablement." Une baisse des coûts grâce à une augmentation des économies d'échelle afin d'accroître la rentabilité, c'est le pari que font certains grands acteurs de la Place en misant sur les rapprochements. CAAM a annoncé en début d'année sa fusion avec la filiale de gestion d'actifs de la Société Générale. La signature est intervenue cet été. Le nouvel ensemble, qui sera détenu à 75 % par le Crédit Agricole et à 25 % par la Société Générale, se situe au quatrième rang européen. Un des objectifs était explicitement de "développer une offre low cost en complément des offres alpha", avaient indiqué les deux banques. Pour cela, il faut qu'elles réduisent davantage leurs coûts. "Les coûts de production sont déjà parmi les plus bas et ils vont encore baisser grâce au rapprochement", peut-on lire dans le communiqué commun aux deux banques. Ces dernières ont prévu de dégager "120 millions d'euros de synergies de coûts avant impôts en année pleine à un horizon de trois ans". Cette logique de rapprochement constitue une tendance lourde du secteur au niveau mondial. "Les grands acteurs sont engagés dans une logique de concentration afin d'améliorer leur productivité et de diminuer leur coût de revient, explique Vincent Lefèvre, associé du cabinet Eurogroup. Ils sont dans une logique industrielle." En France, d'autres rapprochements importants sont en cours, comme celui de BNP Paribas avec Fortis, qui devrait conduire à un rapprochement des pôles de gestion d'actifs, ou encore celui entre les Banques Populaires et les Caisses d'Epargne. Cette logique de concentration n'est donc pas spécifique à la gestion d'actifs, mais au secteur financier dans son ensemble. Parallèlement à la constitution de mastodontes dans la gestion d'actifs, il existe, et cela est particulièrement vrai en France, des sociétés de gestion plus petites, des 'boutiques' qui exploitent des niches. "La gestion d'actifs est traditionnellement très éclatée en France, indique Vincent Lefèvre. Tous les ans, de nouvelles sociétés de gestion sont créées, y compris en 2008, en pleine crise. Elles parviennent à collecter des encours significatifs et affichent pour certaines une belle réussite." Leur dynamisme cache toutefois une certaine fragilité. "Ces petites structures ont beaucoup plus de difficultés à faire face à une crise majeure, relate Vincent Lefèvre. Certaines ont rencontré de sérieux problèmes quand il s'est agi de répondre aux demandes de rachat des souscripteurs. Les grands groupes financiers peuvent en revanche apporter la liquidité qui fait défaut à leurs filiales." Plusieurs sociétés de gestion ont dans cette perspective recherché un adossement. C'est le cas tout récemment de Tocqueville Finance, qui a annoncé être en négociations avec la Banque Postale. Ce rapprochement permettrait à la société de gestion d'assurer sa pérennité, ses encours ayant massivement baissé. Tocqueville Finance devrait permettre par ailleurs à la Banque Postale de se développer auprès des conseillers en gestion de patrimoine (CGP), qui constituent la clientèle traditionnelle de Tocqueville Finance. Très en amont de la crise, ADI, la société de gestion alternative s'était également rapprochée du Groupe OFI, ainsi que Richelieu Finance de KBL. Ces rapprochements permettent à ces "boutiques", qui s'étaient développées sur une niche, d'être moins dépendantes des fluctuations des marchés en multipliant les expertises. Selon la configuration des marchés, elles pourront s'appuyer sur l'une ou l'autre de leur expertise. Toutefois, il n'y a pas que la crise qui a induit des rapprochements. Ils sont également liés à l'évolution réglementaire. Les sociétés de gestion doivent répondre aux exigences croissantes de l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui induisent un grand nombre de diligences. Plus généralement, "les sociétés de gestion ont beaucoup investi ces dernières années ; elles ont notamment procédé à de nombreux recrutements pour renforcer les capacités de recherche interne, de gestion des portefeuilles et le contrôle des risques, relate Thierry Brevet, responsable du pôle conseil en investissement en France de Mercer. Ces recrutements étaient financés par les revenus dégagés par l'augmentation des encours sous gestion. Ces encours ayant beaucoup diminué, il leur faut retrouver des volumes minimums ou réaliser des synergies de coûts pour retrouver le niveau de rentabilité souhaité". Les rapprochements seraient ainsi inévitables, à moins de parvenir à un développement accéléré des encours. Sandra Sebag