Actions : la fin programmée de l'actif roi

30/09/2009 - 09:08 - Option Finance

(AOF / Funds) - Tassement structurel des marges bénéficiaires, repli des PER d'équilibre, fin de l'hypercroissance américaine... Pour les actions européennes ou américaines, les conditions d'un marché haussier rapide et durable ne sont plus là. Pour les gérants d'actifs, rien ne sera plus jamais comme avant. Habitués à des marchés boursiers structurellement haussiers, ces derniers n'ont eu de cesse de convaincre les investisseurs que les actions étaient l'actif roi, le support d'investissement le plus performant en toute circonstance sur le long terme. Seulement voilà. Cette crise, la deuxième en une décennie, a ramené les grands indices non loin de leurs niveaux prévalant dans les années... 1990. Le contexte actuel n'est donc pas une crise comme une autre, mais témoigne à grand fracas de la disparition des conditions d'un rally boursier prolongé. De quoi fissurer le dogme absolu sur lequel sont fondées les méthodologies habituelles de construction des portefeuilles et obliger les gérants à adopter une nouvelle grille de lecture des marchés financiers. Pourquoi une telle remise en question ? En réalité, les trois principaux moteurs de la hausse des marchés d'actions débutée en 1981, qui a vu les grands indices mondiaux multipliés par près de 14 jusqu'en 2007, sont tous à bout de souffle. Commençons par les multiples de valorisation. Tétanisés par deux krachs successifs, les investisseurs vont désormais exiger une prime de risque significativement supérieure à ce qu'ils demandaient pendant les années fastes, provoquant un repli marqué des PER d'équilibre dans un contexte de taux d'intérêt des emprunts privés plus élevé. Rien n'est à attendre non plus du côté de la croissance bénéficiaire des groupes cotés, dont les moteurs s'éteignent eux aussi un à un. Après des années d'efforts de rationalisation qui ont amené les marges sur chiffre d'affaires des sociétés de l'EuroStoxx600 à bondir de 150 % de 1980 à 2007, les rentabilités vont hors effet de cycle se maintenir à des niveaux moins élevés. Pour plusieurs raisons. A l'exception de quelques rares activités, l'essentiel des délocalisations a été réalisé. Après quinze années de modération salariale (sous la pression des délocalisations), le balancier du partage de la valeur ajoutée va finir (une fois sortis de récession) par revenir vers les salariés, suscitant un gonflement des coûts de production. Enfin, l'essentiel de la baisse des taux est fait et le coût de financement pour les entreprises peut difficilement aller plus bas. La donne macroéconomique ne sera pas non plus d'une grande aide pour soutenir les marchés au cours des années à venir. Principal moteur de la croissance mondiale depuis presque vingt ans, l'hyperconsommation des ménages américains a marqué un coup de frein brutal, ces derniers étant obligés de retrouver un comportement normal, afin de réduire drastiquement leur endettement, qui avoisine encore 140 % de leur revenu brut disponible, et de récupérer les marges de manoeuvre financières nécessaires pour contrebalancer la dévalorisation de leur patrimoine. Déjà, leur taux d'épargne a récemment bondi à 7 %, contre presque 0 % avant le déclenchement de la crise des subprimes. Et cela est appelé à durer. Le particulier américain n'a définitivement plus les moyens d'être l'acheteur en dernier ressort d'une industrie mondialisée en mal de débouchés. Résultat, avec une performance plus proche d'un taux de croissance économique mondial par ailleurs plus modeste, les actions ne retrouveront pas les phases de hausse importante et de long terme du type de celles des années 1980-1990. Ce constat ne milite en aucun cas pour une désertion des marchés boursiers, au contraire. Les politiques de relance publique devraient finir par porter leurs fruits dans un contexte de profusion de liquidités déversées par les banques centrales et de retour maîtrisé de l'appétit pour le risque, tandis que la préservation du système bancaire devrait permettre de peu à peu desserrer les conditions du crédit et favoriser l'investissement. Ce nouveau paradigme replace juste les actions à leur vraie place : celle d'un actif comme un autre, tantôt la mieux-disante en matière de couple rendement/risque, tantôt non. Plus que jamais, tout est donc question d'arbitrage et de réactivité pour le gérant. Reste à l'industrie de la gestion d'actifs de prendre la pleine mesure de ce changement d'époque. Arnaud Raimon, fondateur et Président d'Aliénor Capital

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

PER (Price Earning Ratio) : Rapport entre le cours boursier d'une société et son bénéfice net par action. Comme il tient compte de la valorisation boursière, c'est un indicateur de la croissance future des bénéfices, du risque associé à ces prévisions et du niveau des taux d'intérêt. C'est donc un indicateur qui est très lié à la structure financière de l'entreprise étudiée, il n'est donc pas adapté à l'étude de certaines sociétés et certains secteurs. Prime de risque : Elle mesure l'écart entre la performance observée d'une action sur les marchés (en incluant les dividendes) et le taux d'intérêt sans risque, généralement représenté par le rendement de l'emprunt d'Etat à 10 ans. Elle permet à un investisseur de savoir si le rendement de son placement compense le risque qu'il a pris. Rally boursier : Mouvement spéculatif de hausse prononcée mais éphémère d'un titre, d'un marché ou d'un type de placement (rally obligataire par exemple) dans une configuration de marché baissier.