BILAN DE DEUX ANS DE CRISE / Les gagnants et les perdants

01/10/2009 - 15:45 - Option Finance

(AOF / Funds) - Juillet 2007-juillet 2009, l'heure est à un premier bilan de deux années qui ont bouleversé l'industrie de la gestion d'actifs. Comme dans toute crise, quelques grands gagnants se distinguent : les fonds monétaires et les ETF (fonds indiciels cotés), certaines sociétés de gestion au capital solide et aux expertises diversifiées. Les fonds monétaires ont engrangé plus de 1 500 milliards de dollars de collecte nette entre le début 2007 et la fin de 2008. Si l'on ajoute les comptes de dépôt ou autres comptes à terme, on parle de près de 4 500 milliards de dollars cumulés sur deux ans", rapporte Hélène Donnadieu, co-auteur de la 7e édition de l'étude du BCG, Global Asset Management 2009 "Conquering the Crisis". La France n'a bien sûr pas échappé à cette tendance mondiale de fuite vers la liquidité et la sécurité. Le marché s'est en effet chargé de rappeler aux investisseurs qui avaient été si friands de fonds monétaires dynamiques, qu'on ne bat pas le taux sans risque sans prendre de risques. Au coeur de la tempête, les allocations se sont donc massivement reportées sur les fonds réguliers les plus prudents, privilégiant la transparence, la sécurité, la liquidité et la préservation de leur capital. La performance est presque devenue accessoire. Avec des taux courts proches de zéro, l'accalmie sur les marchés et de meilleures performances des stratégies dynamiques, la tendance commence à s'inverser. Mais, même si les investisseurs se montrent un peu plus téméraires, certains concepts semblent bien avoir gagné durablement du terrain : la notion de liquidité est désormais prise en compte au même titre que la rentabilité et le risque ; la notion de gouvernance, chère à la gestion ISR, a aussi gagné en popularité. Avec la faillite de Lehman Brothers, la gestion du risque de contrepartie a également pris une place considérable dans les décisions d'investissement, ce qui a conduit à de très importants arbitrages et une redistribution des cartes entre sociétés de gestion en fonction de leur profil de risque.

La force d'un actionnariat solide

Ainsi, en France, certaines maisons qui peuvent se prévaloir d'un actionnariat solide ont pris des parts de marché aux leaders historiques. A titre d'exemple, La Banque Postale Asset Management, qui a réalisé une collecte de 7 milliards d'euros l'an dernier, s'est hissée au 6e rang du marché français des OPCVM, d'après les statistiques d'EuroPerformance. Sur les fonds de trésorerie, LBPAM est même remontée de la 16e place fin 2006 à la 6e place à la fin du premier semestre 2009. Dans le même esprit, CM-CIC Asset Management, également adossé à un actionnaire solide : le groupe Crédit Mutuel-CIC via la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, a accéléré l'an dernier sa reconquête de parts de marché, particulièrement en matière de trésorerie. Du côté des assureurs, après une collecte record de 5,3 milliards d'euros en 2008, la filiale de gestion d'actifs de Groupama, Groupama AM, cumulait déjà une collecte de 3,9 milliards d'euros sur les quatre premiers mois de l'année. En parallèle, les investisseurs ont eu tendance à se détourner des gestions d'actifs de Fortis ou encore de Dexia. Au-delà de la redistribution des parts de marché, le paysage de la gestion d'actifs évolue au fil des fusions et acquisitions. En France, l'actualité est marquée par le rapprochement en cours des pôles de gestion de Société Générale et de Crédit Agricole, de BNP Paribas et de Fortis. L'UFG travaille actuellement au rachat de La Française des Placements, tandis qu'UBS a finalisé l'intégration de CCR. L'an dernier, OFI AM est venu au secours de son ancienne filiale de gestion alternative ADI et Richelieu Finance a dû s'adosser au groupe belge KBC. D'autres opérations de ce type devraient suivre. Certaines boutiques spécialisées en gestion actions ont vu leurs actifs sous gestion fondre et se trouvent aujourd'hui fragilisées, à l'image de Tocqueville Finance qui s'apprête à s'adosser à la Banque Postale. Mais toutes les sociétés de gestion indépendantes ne sortiront pas perdantes de la crise. Carmignac Gestion affichait des encours de l'ordre de 10 milliards d'euros fin 2006. Ils se montaient à plus de 22 milliards d'euros à la fin du premier semestre 2009. Le succès est au rendez-vous dans les huit pays européens où la société de gestion commercialise désormais ses fonds. Les flux de souscription se concentrent particulièrement sur Carmignac Patrimoine, Carmignac Investissement et Carmignac Investissement Latitude. Un tel succès fait des envieux, et l'on voit apparaître une nouvelle offre de fonds flexibles qui permettent de faire varier fortement l'exposition aux classes d'actifs risquées afin de faire face à des crises majeures. Dans un contexte de volatilité élevée, la flexibilité et la réactivité apparaissent aujourd'hui comme des éléments essentiels dans la recherche de création de valeur. Guitel Cohen-Cebula