Crédit : des opportunités sur le marché obligataire

01/10/2009 - 16:07 - Option Finance

(AOF) - Après un ralentissement durant l'été, les émissions corporate ont repris à un rythme soutenu depuis la rentrée. Le volume global de ces émissions atteint maintenant près de 250 milliards d'euros sur 2009, contre 101,5 milliards à cette même époque l'an dernier. Côté interbancaire, l'opération de refinancement à un an de la BCE devrait garantir une liquidité abondante sur le marché jusqu'à la fin de l'année.

Marché interbancaire : le spread Euribor/OIS 3 mois sous les 40 pb

L'écart existant entre l'Euribor trois mois, c'est-à-dire le taux auquel les banques se prêtent entre elles, et le taux de swap de l'Eonia à cette même maturité, soit l'OIS (Overnight Indexed Swap) trois mois, est l'un des indicateurs généralement utilisés pour évaluer les tensions sur le marché interbancaire. En effet, une hausse de ce spread reflète la réticence des banques à se prêter entre elles au-delà d'un jour et, par là même, la crainte que l'une d'entre elles fasse défaut. Le spread Euribor/OIS, dont la moyenne se situe en dessous de 10 pb en période normale, a augmenté aux alentours de 70 pb dès l'été 2007 et atteint des niveaux historiques proches de 200 pb à l'automne dernier. S'il reste toujours à un niveau relativement élevé, il s'est depuis très sensiblement resserré pour atteindre 34 à 36 pb en début de semaine dernière. Une évolution qui témoigne d'une normalisation progressive mais constante du marché interbancaire depuis la fin de l'année dernière, sous l'effet des injections massives de liquidité dans l'économie. "Plus que des craintes liées au risque de contrepartie, le niveau actuel du spread Euribor/OIS trois mois indique davantage une préférence marquée des banques pour la liquidité et une volonté de leur part de conserver un volant de liquidités en cas d'imprévu", explique Laurent Quignon, responsable économie bancaire chez BNP Paribas. En outre, la prochaine opération de refinancement à un an, prévue le 30 septembre, devrait encore améliorer la situation sur le marché interbancaire. Lors de la première opération de ce type, le 24 juin dernier, la BCE avait prêté un montant total de 442 milliards d'euros aux banques. "Compte tenu du loyer de l'argent - le niveau du taux refi étant de 1 % -, le succès de la prochaine opération de refinancement à un an ne fait guère de doute, explique Laurent Quignon. A l'instar de la précédente opération, elle contribuera à maintenir l'Eonia à un niveau très légèrement supérieur à son plancher, à savoir le taux de rémunération de la facilité de dépôt à 0,25 %. Ainsi, nous n'anticipons aucune tension sur le marché interbancaire d'ici à l'an prochain. Seule la levée des mesures de politique monétaire non conventionnelle de la BCE pourrait changer la donne, mais elle n'interviendra sans doute pas avant 2010 et s'effectuera de manière progressive."

Les dépôts auprès de la BCE avoisinent 137 milliards d'euros début septembre

Les banques ont actuellement tendance à thésauriser leur liquidité, même si cela leur est coûteux, puisqu'elles empruntent à 1 % et placent à 0,25 %. Elles préfèrent néanmoins conserver une marge de sécurité. "Lorsque la BCE ouvre une fenêtre de refinancement à plus long terme, les banques l'utilisent, afin de se prémunir contre une éventuelle hausse du coût de refinancement, explique Laurent Quignon. Cela entraîne le report de leur demande des maturités courtes vers des maturités plus longues, car pour le même prix, elles peuvent aujourd'hui se refinancer à un an." Résultat : depuis le début de l'été, le montant déposé par les banques auprès de la BCE est à nouveau en hausse par rapport au printemps. Proche de 240 milliards d'euros à son plus haut en début d'année, il est en effet passé de 22 milliards d'euros au 1er juin à 185 milliards en août, puis à 137 milliards en septembre.

Marché obligataire : une configuration très favorable

Depuis l'émission de Daimler, qui a rouvert le marché le 24 août dernier, les corporates sont nombreux à profiter de l'amélioration des conditions de marché. "Ce sont actuellement les meilleures que le marché ait connues depuis dix-huit mois, souligne Muriel Caton, responsable pour la France des marchés de capitaux de dettes chez RBS. Le déséquilibre entre l'offre et la demande est en faveur des émetteurs, qui paient actuellement des coupons historiquement bas. Le marché est en effet très profond : le nombre d'investisseurs par opération a augmenté, et parfois même doublé. Il n'est pas rare de voir plus de 500 investisseurs souscrire à une même opération !" Il faut dire que, pour ces derniers, le spread de crédit, entre 2 et 3 % notamment par rapport aux emprunts d'Etat, se révèle attrayant.

Une fenêtre ouverte pour des groupes non notés

Autre illustration des conditions de marché très favorables : "Les nouvelles émissions sont réalisées sans primes par rapport à leur niveau secondaire, alors que ces dernières pouvaient parfois dépasser 100 pb en début d'année", précise Muriel Caton. Cette configuration de marché a ainsi permis à des émetteurs bien notés d'allonger la maturité de leur dette, comme en témoignent les émissions à quinze ans d'EDF et d'Areva, ou encore celle de l'américain Wal-Mart, qui a levé 1 milliard d'euros à vingt ans ce mois-ci. Des émetteurs pour lesquels l'accès au marché était encore fermé avant l'été ont également pu lancer des opérations. C'est le cas précisément de certains émetteurs non notés comme Christian Dior, Rallye, l'allemand Fraport (aéroport de Francfort) ou encore Lagardère, en fin de semaine dernière. "Une fenêtre de marché s'est en effet ouverte pour des groupes non notés, précise Muriel Caton. Des émissions n'ayant pas la taille 'benchmark', c'est-à-dire inférieure à 500 millions d'euros, ont également pu être lancées, comme celle de Christian Dior pour un montant de 350 millions d'euros ou de l'allemand Lanxess, pour 200 millions d'euros." Si les conditions de marché continuaient à s'améliorer, les émetteurs high yield pourraient eux aussi animer le marché, même si, à ce jour, leurs opérations restent encore peu nombreuses en Europe. Ce mois-ci, Fiat (BB+) a notamment lancé une émission de 1,25 milliard d'euros à cinq ans, sursouscrite près de six fois. "Si le marché high yield s'est rouvert pour des grands noms comme Fiat ou le papetier sud-africain Sappi, il devrait toutefois rester encore fermé pour les émetteurs qui sortent de LBO ou appartenant à des secteurs d'activité jugés difficiles", explique Muriel Caton. Mais il est aujourd'hui délicat de présager de l'évolution des conditions de marché. "La marge de resserrement des spreads paraît restreinte à court terme, car la performance des dernières émissions sur le secondaire est relativement limitée, avec des spreads qui se resserrent très peu, voire qui s'élargissent dans certains cas." A plus long terme, les acteurs du marché restent néanmoins confiants. "Les spreads pourraient bien diminuer de moitié à horizon douze mois par rapport à leur niveau actuel", précise Schroders dans une note récente. Angèle Pellicier

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LEXIQUE

Spread de crédit  : Le "spread" de crédit désigne la prime de risque, où l'écart entre les rendements des obligations d'entreprises et les emprunts d'États de mêmes caractéristiques. Historiquement, le "spread" augmente lors d'un ralentissement économique et se réduit en période de croissance. Néanmoins, il se peut que la perception du risque de défaut soit exagérée et que le "spread" intègre des prévisions de défaillances d'entreprises excessivement pessimistes. High Yield : Il s'agit d'une émission obligataire à haut rendement, contrepartie d'un haut niveau de risque. La note attribuée par les agences de rating à ses obligations est strictement inférieure à Baa3 et BBB-. LBO (Leveraged Buy-Out) : Le Leveraged Buy-Out est une technique à effet de levier permettant la prise de contrôle d'une entreprise par endettement. En l'absence de capitaux suffisants pour procéder à l'acquisition, l'acheteur se sert de la capacité d'emprunt de l'entreprise qu'il acquiert : le plus souvent, les actifs de l'entreprise sont utilisés comme garantie sur les emprunts contractés. Ces emprunts sont ensuite remboursés sur les liquidités générées par l'entreprise acquise.