Hausse générale des prix d'actifs : quels fondements macroéconomiques ?

06/10/2009 - 09:46 - Option Finance

(AOF / Funds) - Ces derniers mois ont été le théâtre d'une reprise soutenue des cours sur la plupart des marchés d'actifs, y compris actions et crédit - depuis début mars, l'index S&P a repris 48 % de sa valeur. Sur la même période, le crédit investment grade et high yield, c'est-à-dire non seulement les obligations répondant à un risque faible mais encore celles bien plus risquées, ont remonté la pente de 19 % et 43 % respectivement. Un scénario similaire s'est joué dans l'espace des matières premières, où, par exemple, l'index de rendement total S&P GSCI a crû de 32 %, et où, de façon moins triviale, les métaux précieux, traditionnellement défensifs, ont tout de même rebondi de 11 %. D'où nous vient cet appétit général pour les actifs financiers ? Il est très difficile de raccrocher cette tendance haussière généralisée à une vision forte et cohérente sur les perspectives macroéconomiques mondiales. Aussi, force est de croire que les investisseurs, lassés de détenir des liquidités dont le rendement se réduit comme peau de chagrin, aient finalement décidé de remettre leur cash à l'oeuvre. Si tel n'était pas le cas, une hausse des cours sur une classe d'actifs serait accompagnée de ventes par ailleurs.

Pour certains investisseurs, la liquidité a eu ses heures de gloire...

Les données à haute fréquence sur les liquidités détenues par les institutions financières sont rares, mais une bonne indication sur l'appétence des marchés pour les actifs dits "liquides" nous provient du rapport hebdomadaire ICI sur les fonds monétaires américains. Or, cette source révèle que le marché ne se serait finalement réduit que de 10 % depuis son point haut atteint début mars. Cette réduction somme toute "modeste" des encours monétaires est peut-être trompeuse, si l'on considère que les entreprises, gouvernements et autres entités qui généralement gèrent d'une façon ni volatile ni spéculative leur allocation, constituent la majorité des encours. Sur le reste, qui représente pour ainsi dire le marché de "détail", les sommes engagées ont, quant à elles, diminué de façon un peu plus marquée (les quelque 300 milliards de dollars injectés dans les fonds monétaires entre le début de la crise et le mois de mars en sont ressortis aux deux tiers), sans pour autant que les sommes en jeu n'aient déjà été engagées sur des actifs plus risqués. A l'inverse, tout porte à croire que les banques commerciales pourraient rester très liquides, car elles font encore face à un levier financier élevé et la dégradation de la qualité de leurs actifs n'en est pas à sa fin. Le rapport hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York montre d'ailleurs que, dans l'ensemble, les banques commerciales détiennent encore plus de 1 000 milliards de liquidités, soit grosso modo le même volume qu'avant la chute de Lehman Brothers.

La croissance va-t-elle influencer la préférence pour la liquidité ?

Sans aucun doute, le rebond de croissance dont le monde industrialisé bénéficie actuellement repose en partie sur le fameux "cycle des stocks". Il s'appuie également sur l'effet puissant des plans de relance mis en place dans la plupart des grands pays industrialisés et émergents. Il reste cependant une interrogation forte quant à la capacité de la demande finale - en particulier de la demande intérieure, car la demande extérieure s'avère dynamique, tirée par les BRICs - à prendre le relais lorsque l'effet combiné du restockage et de la dépense publique s'essoufflera. Cette interrogation sera absolument déterminante pour les arbitrages de portefeuilles : si trop de doutes persistent quant à la pérennité de la reprise dans le monde industrialisé, elle pourrait bien induire une pause dans le reflux des investissements vers des actifs plus diversifiés.

Et le rôle des banques centrales dans tout ça ?

Jusqu'à présent, les banques centrales des deux côtés de l'Atlantique ont adopté des positions plus que prudentes dans leur communication sur leurs stratégies de sortie. Elles semblent en effet considérer qu'une grande modestie est de mise et qu'il faut se garder de resserrer trop tôt l'étau monétaire, au risque d'annihiler une reprise économique encore trop fragile. De là à dire que les banques centrales alimentent contre leur gré une bulle généralisée des prix d'actifs, il n'y a qu'un pas... Natacha Valla, responsable de la recherche économique, Goldman Sachs Paris