ZOOM sur une classe d'actifs / Les obligations

07/10/2009 - 18:36 - Option Finance

(AOF / Funds) - Même si la croissance tarde à redémarrer, le crédit est soutenu par une amélioration des marges des entreprises et un afflux de capitaux dans cette classe d'actifs. Depuis le début de l'année, le crédit, c'est-à-dire les obligations émises par les entreprises et les institutions financières privées, bat des records historiques en termes de performances. "En moyenne depuis le début de l'année, la classe d'actifs crédit notée Investment Grade (IG) a progressé de + de 20 %, relate Samir Bederr, gérant crédit à La Banque Postale Asset Management (LBPAM)". Pour les segments les plus spéculatifs comme le yield high (YH), les performances ont été encore plus élevées. "Le HY a enregistré une performance supérieure à 50 % depuis le début de l'année, du jamais vu depuis la création de cette classe d'actifs aux Etats-Unis, indique Claire Bourgeois, responsable ALM et crédit chez Groupama Asset Management. Les obligations notées IG ont également affiché des performances à deux chiffres, même si elles demeurent nettement inférieures." La crise de liquidité puis la normalisation des marchés ont favorisé le rally depuis le début de l'année. "Dans un premier temps, au mois de janvier, ce sont les émissions primaires qui ont soutenu le marché", relate Claire Bourgeois. Les entreprises ne trouvant plus à se financer auprès des banques, elles-mêmes en grande difficulté, ont recouru aux marchés pour se financer. Afin de placer leurs titres, elles ont consenti à des niveaux de rendements historiques. Lors des premières émissions, certains titres très bien notés ont offert des taux de rendement de l'ordre de 8 ou 9 %. Les émissions ayant rencontré un grand succès, cela a incité nombre d'entreprises à recourir aux marchés. Au premier semestre, les émissions ont atteint un volume historique. Fin septembre, elles s'élevaient en Europe depuis le début de l'année à 223 milliards d'euros. "A partir du mois de mars, les dettes subordonnées financières ont commencé à s'améliorer et le marché a été soutenu par les opérations d'échanges, poursuit Claire Bourgeois. Enfin, depuis fin juin, le rally est alimenté par les bonnes nouvelles macroéconomiques." L'arrêt de la dégradation des conditions économiques, puis, début août, une salve de résultats semestriels supérieurs aux attentes ont permis la poursuite du rally. A tel point que certains s'interrogent sur la naissance éventuelle d'une nouvelle bulle.

Le scénario de bulle invalidé

En effet, la tendance est soutenue par un afflux de souscription dans cette classe d'actifs. Les investisseurs souhaitent commencer à reprendre du risque, mais hésite toujours à se tourner vers les actions car il plane encore de nombreuses incertitudes quant à la possibilité d'une véritable reprise. Ils privilégient donc le crédit. Par ailleurs, les Banques centrales afin d'éviter que les économies ne s'enfoncent dans la dépression ont eu recours massivement à la planche à billets. La liquidité en circulation pourrait alors donner naissance à des phénomènes de bulle. Cependant, sa survenance ne convainc pas nombre de spécialistes. "Des liquidités ont été injectées de façon massive, mais aucun indicateur ne montre qu'elles circulent, indique Claire Bourgeois. La demande de crédit demeure atone et les agrégats monétaires n'enregistrent pas de forte croissance, tant que ces indicateurs restent stables, on peut considérer qu'il n'y a pas de bulle, mais c'est un risque à surveiller." Ce constat est partagé. "Les primes de risque crédit sur les swaps se situent actuellement à environ 165 points de base. Elles ont monté au mois mars jusqu'à 450 points de base, relate Etienne Gorgeon, responsable de la gestion taux et crédit, chez Edmond de Rothschild Investment Managers. Au moment de la crise de Lehman Brothers, il y a un an, elles s'élevaient à 140. Elles sont donc en train de se résorber. Elles devraient descendre en dessous du seuil psychologique de 140 et se stabiliser à 120. Rappelons que leur moyenne historique est à 60. Par conséquent, les marchés sont en train de se normaliser et on ne peut en aucun cas considérer qu'il existe une bulle. Le rally devrait donc se poursuivre." Cependant, les progressions devraient être inférieures à celles enregistrées au premier semestre, tout en demeurant attractives. "Le crédit IG affiche un rendement de l'ordre de 6 % alors que les titres d'Etat à 10 ans offrent une rémunération de 3,5 %, indique Samir Bederr. Le couple rendement/risque est donc toujours très favorable à cette classe d'actifs." Les fondamentaux s'améliorent également pour le segment HY. "Les taux de défaut sur le HY ont été très inférieurs aux anticipations de ce début d'année, ils étaient attendus aux alentours de 18 % alors qu'ils se situent en Europe autour de 8 %, explique Etienne Gorgeon. En fin d'année, les anticipations tournent autour de 12 %, mais nous croyons qu'ils seront inférieurs." Beaucoup estiment ainsi que le pic de défaut est déjà derrière nous. Il faut dire que le segment HY a nettement évolué depuis la crise. "Un quart de l'indice concerne les dettes subordonnées des banques alors qu'avant 2009, il ne comprenait aucune institution financière, relate Claire Bourgeois. Cela change la physionomie du segment. On aura en effet un a priori plus favorable sur ces dettes que sur les dettes des entreprises car on suppose que les pouvoirs publics ne laisseront pas tomber les banques." Plus globalement, les entreprises ont amélioré leur bilan depuis la crise. "Elles ont des ratios financiers plus solides qu'il y a un an", avance Samir Bederr. Par ailleurs, le crédit est soutenu par des raisons techniques. "Les taux courts vont durablement stationner autour de zéro, la liquidité est abondante, et Solvency 2 contraint les institutionnels à détenir moins d'actions qu'ils ne le voudraient", énumère Claire Bourgeois.

Les fonds à échéance en cas d'incertitude

Reste à déterminer quelles sont les signatures à privilégier. "En faisant des hypothèses conservatrices, le rendement du HY devrait être aux alentours de 10 % dans les prochaines années, tandis que celui des obligations IG se situerait plutôt autour de 7 %, anticipe Claire Bourgeois. Par ailleurs, le risque est deux fois plus élevé sur le HY. Tout dépend donc de la capacité des investisseurs à prendre du risque". Les choix des investisseurs peuvent être également éclairés par les anticipations macroéconomiques. "Dans un contexte où il n'y a pas d'inflation et où il plane de nombreuses incertitudes sur la croissance, l'association dans un même fonds de titres notés IG et de titres classés en HY constituent la meilleure combinaison possible", affirme Etienne Gorgeon. Selon le gérant, il apparaît extrêmement difficile de procéder à une évaluation macroéconomique car si les indicateurs s'améliorent, le contexte social pourrait hypothéquer la reprise. "Les entreprises ont amélioré leurs marges en diminuant leurs coûts de production, cela devrait se traduire par une augmentation durable du chômage, poursuit Etienne Gorgeon. Si la croissance demeure molle et l'inflation faible, le segment IG devrait continuer à afficher une bonne performance, tandis que celle des titres HY devrait décliner. En revanche, si la croissance redémarre et génère de l'inflation. Le HY devrait bien performer et compenser la baisse de performance des titres IG." L'incertitude ambiante peut conduire les investisseurs à privilégier les fonds à échéance. Depuis le début de l'année, de nombreuses sociétés de gestion ont lancé des fonds obligataires calqués sur le fonctionnement des obligations. Ces fonds sont investis au moment de la souscription dans des titres qu'ils conservent jusqu'à maturité. Ils distribuent des coupons et offrent une perspective de rendements quasi certaine si les investisseurs les conservent pendant toute leur durée de vie. "Si l'investisseur considère que les gérants n'ont pas la capacité à ajouter de la performance et sont positifs sur la classe d'actifs, alors les fonds à échéance constituent la meilleure façon de s'exposer au rally, indique Claire Bourgeois. En revanche, s'il considère que les gérants peuvent apporter un supplément de performance, alors il faut investir dans des fonds de gestion active que l'investisseur soit positif ou non sur la classe d'actifs." Sandra Sebag

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

High Yield : Il s'agit d'une émission obligataire à haut rendement, contrepartie d'un haut niveau de risque. La note attribuée par les agences de rating à ses obligations est strictement inférieure à Baa3 et BBB-. Rally boursier : Mouvement spéculatif de hausse prononcée mais éphémère d'un titre, d'un marché ou d'un type de placement (rally obligataire par exemple) dans une configuration de marché baissier. Prime de risque : Elle mesure l'écart entre la performance observée d'une action sur les marchés (en incluant les dividendes) et le taux d'intérêt sans risque, généralement représenté par le rendement de l'emprunt d'Etat à 10 ans. Elle permet à un investisseur de savoir si le rendement de son placement compense le risque qu'il a pris. Swap : Opération financière qui consiste en un échange de flux financiers entre deux contreparties, selon un échéancier fixé à l'avance. L'échange peut porter sur des créances (swaps d'actifs ou de créances), des créances en actions (debt-equity swaps), des devises (swaps de devises), des matières premières (swaps de matières premières), ou encore des taux d'intérêt (IRS, Interest Rate Swap). Si par exemple vous possédez des obligations à échéance 5 ans avec un coupon annuel (fixe par définition), et si en outre vous anticipez une hausse des taux d'intérêt d'ici l'échéance, vous pouvez passer un swap permettant d'échanger votre structure de flux à taux fixe contre une structure de flux à taux variable. A chaque tombée de coupon, pendant cinq ans, vous reversez votre taux fixe et recevez le taux variable qui équivaut à la période (calculé sur le même nominal, celui de l'obligation), et vous bénéficiez de la hausse des taux si vos anticipations sont exactes.