"Il faut définanciariser le métier du private equity", Ph. Nguyen, IPE

14/10/2009 - 15:07 - Option Finance

(AOF / Funds) - Entretien avec Philippe Nguyen, président de Investors in Private Equity (IPE).

Pourquoi IPE vient-elle de se désengager de la Compagnie des Alpes, dont elle détenait une participation de 11,8 % ?

Depuis notre entrée au capital en 2004, la Compagnie des Alpes s'est beaucoup développée dans les parcs de loisirs avec l'acquisition des parcs Walibi, du domaine skiable de Val-d'Isère... Sa stratégie est de poursuivre sa consolidation en Europe. Plutôt que de rester au capital pendant une période supplémentaire de trois à quatre ans, ce qui était envisageable, IPE Ross Management a préféré céder maintenant cette participation, qui était la dernière du fonds Expansion Fund, lancé en 2004. La clôture de ce fonds représente ainsi la fin d'un cycle d'investissement pour IPE, qui va entamer un nouveau cycle dans le domaine du non coté en 2010.

C'est une nouvelle étape pour IPE, qui jusqu'à présent intervenait principalement sur de grosses opérations...

Nous allons continuer à investir en participations majoritaires via des fonds dédiés à une participation, pour des opérations supérieures à 300 millions d'euros. D'ailleurs, nous travaillons sur deux opérations de plus de 500 millions d'euros, prévues pour le premier semestre 2010. Nous ne traitions pas, jusqu'à présent, de plus petites opérations, qui présentent néanmoins un intérêt industriel et financier certain. C'est pourquoi, aux côtés de nos fonds dédiés et de notre pôle immobilier, nous créons deux autres pôles, un pôle de gestion (IPE Gestion) et un holding industriel (IPE Industries). Nous venons ainsi de fonder une société de gestion, en procédure d'agrément AMF, pour gérer des FCPR, FIP et FCPI. Cela nous permettra d'investir au capital d'entreprises présentant un très bon potentiel et dont la valorisation est inférieure à 100 millions d'euros, tout en poursuivant notre politique d'accompagnement industriel de moyen-long terme. Nous lançons aussi un holding industriel, qui est un fonds patrimonial avec un horizon de détention de long terme, sans durée limitée (fonds evergreen), dont la vocation est une progression de valeur régulière sur le moyen terme : 15 % par an en moyenne et non plus l'excessif 25 % par an, alpha et oméga des années flamboyantes.

Suite à la crise, la profession du capital-investissement se remet-elle en cause ?

Ces trois dernières années, la profession a trop considéré l'entreprise comme un produit de marché et oublié que la philosophie du capital investissement est l'accompagnement d'hommes et de projets dans la durée. Lorsque de grandes structures issues du monde financier montaient des fonds de plus de dix milliards de dollars, il devenait difficile de répondre aux objectifs initiaux du private equity, qui reposent sur la construction de belles entreprises dans la durée. Il faut revenir aux fondamentaux du métier, "définanciariser" le métier, avec des durées de détention supérieures à cinq ans et non de deux ans, ainsi que des exigences de rentabilité plus faibles. Les frais de gestion doivent en outre être adaptés, afin de ne pas ponctionner les fonds avec des commissions trop élevées et de privilégier les plus-values pour les investisseurs. Les commissions de gestion doivent avant tout couvrir les besoins strictement nécessaires à la bonne sélection et gestion des participations.

Comment envisagez-vous les mois à venir pour votre activité ?

Malgré la chute des levées de fonds de ces derniers mois, je pense qu'elles vont reprendre en 2010, car c'est une classe d'actifs qui a fait ses preuves sur le long terme. De plus, les compagnies d'assurance envisagent d'investir au moins 2 % de leurs actifs dans le non coté à terme. Concernant les LBO, je suis relativement optimiste. Les bris de covenants actuels ne doivent pas être assimilés à un problème systémique de remboursement de la dette. Si la reprise s'effectue en V ou en racine carrée, les entreprises vont retrouver des niveaux de chiffre d'affaires et de cash flow qui leur permettront de revenir à des situations plus confortables.

Quelles sont vos relations avec les banques ?

Sur certains gros projets, nous sommes accompagnés en club deals, c'est à dire par de petits groupes de banques historiquement proches de l'entreprise et du fonds, qui se partagent entre elles la dette senior. S'il est difficile de réaliser une syndication bancaire sur des opérations de plus de 300 millions d'euros, les réseaux bancaires continuent de fonctionner sur des projets de qualité, plus petits et avec des niveaux de levier beaucoup plus faibles, de 3 à 4 fois l'Ebitda. Mais cela demande plus de temps. Le marché de la dette est progressivement en train de se rouvrir. Propos recueillis par Gaëlle Fleitour

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

Covenants de dette : Terme anglais désignant des clauses restrictives attachées à un contrat de prêt et destinées à protéger le créancier. Ces clauses peuvent notamment contraindre l'emprunteur à limiter son endettement total à un certain seuil, à respecter des ratios financiers définis, à communiquer régulièrement sur l'état de son patrimoine ou encore à restreindre les versements de dividendes. Si le débiteur ne respecte pas ses engagements, le créancier peut alors revoir à la hausse le taux d'intérêt du prêt.