Les corporates contraints de reprendre un peu de risque

21/10/2009 - 18:58 - Option Finance

(AOF / Funds) - La faiblesse des rendements conduit les entreprises disposant d'une trésorerie stable à se tourner vers des produits avec des maturités plus longues et à se réintéresser à des produits plus risqués... progressivement. Les corporates ne sont pas encore prêts à se ruer sur des produits risqués pour placer leur trésorerie. La grande majorité d'entre eux privilégient toujours des produits sûrs et liquides, tels que des sicav monétaires, des billets de trésorerie ou des certificats de dépôts à court terme. Toutefois, les émissions de ces deux derniers produits diminuent progressivement depuis le printemps, signes qu'ils ne rencontrent plus le même succès. "En 2008, les placements de trésorerie ont constitué une valeur refuge, offrant une rémunération très attractive dans un contexte de correction de tous les autres marchés, estime Clotilde Daignes, directeur des ventes chez La Banque Postale AM. Ainsi, la performance de notre fonds LBPAM Trésorerie s'est établie à 4,56 % en 2008." Avec la baisse des taux, l'Eonia s'étant stabilisé autour de 0,35 % depuis fin juin, le rendement des titres à court terme a fortement chuté. Ainsi la rémunération des billets de trésorerie à 3 mois a perdu 141 pb depuis le mois de janvier. "Actuellement, la rémunération sur un OPCVM de trésorerie au jour le jour, net de frais de gestion, est faible car l'Eonia est à un niveau de 0,35 %", constate Clotilde Daignes. Les corporates se trouvent donc contraints d'allonger la maturité de leurs placements pour récupérer du rendement. "Avant, la maturité limite était de 3 à 6 mois alors qu'aujourd'hui elle se situe plutôt à 12 mois", estime Bertrand Lacasse, global sales manager chez Calyon. Une durée de placement également observée chez Barclays Wealth Managers. "Notre clientèle en quête de produits de placement plus longs ne souhaite pas investir sur plus d'un an", confirme Jean-Marie Féron, directeur général délégué. Certains clients corporates bénéficiant d'une trésorerie largement excédentaire et stable s'orientent tout de même vers des placements plus longs. "Ils se tournent vers des produits structurés, toujours à capital garanti, avec un horizon de détention d'au moins deux à trois ans, relate Bertrand Lacasse. Nous leur proposons des produits simples et transparents, comme l''autocall', d'une durée de cinq ans, dont la rémunération évolue en fonction du taux de change euro-dollar, ou de toute autre devise suffisamment liquide. En fonction de la parité observée, un objectif est fixé à six mois, 1,45 par exemple. Si, à l'échéance, l'euro-dollar est inférieur à 1,45, nous payons une prime de 5 % du montant de son dépôt au client et il doit sortir du produit. Si l'euro-dollar est supérieur à 1,45, nous ne payons rien et nous réexaminons le taux de change à la fin du semestre suivant, et ainsi de suite pendant 10 semestres. Dès que l'euro-dollar sera inférieur au pronostic, le client sortira en touchant 5 % au titre des années passées. C'est un produit long mais que l'on espère court !" Autre possibilité de placement long : des produits à trois ans dont le coupon équivaut à l'Euribor 3 mois + 25 pb, assorti d'un cap, ou plafond, à 4,50 %, c'est-à-dire que la rémunération ne pourra excéder ce montant, et d'un floor - plancher - à 1 %, le taux minimum de rendement. Au-delà de l'allongement des placements, les entreprises sont contraintes de prendre plus de risques si elles veulent retrouver des niveaux de rémunération supérieurs. "Les corporates sont des investisseurs réactifs, note Clotilde Daignes. Leur premier objectif étant la performance, ils commencent à reprendre du risque pour faire face à la baisse des taux, notamment en achetant des OPCVM investis sur des papiers émis par des investisseurs de moindre qualité, quitte à accepter des notations triple B pour gagner quelques points de rémunération." Un regain d'appétit pour le risque que nuance Bertrand Lacasse. "Les corporates ne veulent plus de produits complexes, qui ont complètement disparu du marché. Même les sicav dites 'dynamiques' sont redevenues plus classiques. Les entreprises ne cherchent pas à retrouver les 200 pb de rémunération qu'elles avaient auparavant et se contentent d'un objectif de 50 à 100 pb de bonification, difficile à dépasser sans prendre de risque." Chez Barclays, si on observe une demande pour des produits structurés avec des sous-jacents risqués, celle-ci ne concerne qu'une très faible part de la clientèle. "Nos offres restent orientées vers la sécurité et la liquidité", assure Jean-Marie Féron. Reste à savoir combien de temps les entreprises se satisferont de rendements aussi bas. Aurélie Fardeau

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

Eonia : L'Eonia est l'abréviation d'Euro Overnight Index Average. Il correspond au taux moyen des opérations au jour le jour sur le marché interbancaire en Euro, pondéré par les transactions déclarées par un panel d'établissements financiers, les mêmes que pour l'Euribor. Euribor : L'Euribor est l'abréviation d'Euro Interbank Offerred Rate. Il est le taux de référence interbancaire offert entre banques de meilleures signatures pour la rémunération de dépôts dans la zone euro, obtenu par la moyenne arithmétique des taux sur le marché euro. Calculé d'après un panel de 57 établissements bancaires, il est publié à des échéances variables (1, 3 et 12 mois) par le BCE. L'Euribor 3 mois est plus sensible à la conjoncture que l'Euribor 12 mois.