Le carried interest dans le collimateur des parlementaires

30/10/2009 - 12:27 - Option Finance

(AOF / Funds) - Le traitement fiscal des gains liés au carried interest perçu par les gérants de fonds de capital-investissement pourrait être remis en cause par les parlementaires, qui proposent de les soumettre au régime des rémunérations et non à celui des plus-values. Après les grands patrons, après les traders et leurs bonus, la rémunération d'une autre catégorie d'acteurs de la finance fait l'objet d'une attention spéciale des pouvoirs publics. Charles de Courson, député de la Marne et spécialiste des questions fiscales, a en effet déposé, le 16 octobre dernier, un amendement au projet de loi de finances pour 2010 sur le traitement fiscal du carried interest. Ce terme désigne un dispositif d'intéressement des gérants qui investissent dans leur fonds via des titres particuliers. Ces parts leur donnent droit de capter 20 % de la plus-value si le fonds réalise une performance négociée avec leurs investisseurs (investisseurs institutionnels, family office...), généralement comprise entre 6 % et 8 %. Pour le député, ces sommes qui sont taxées selon le régime des plus-values devraient être assimilées à des rémunérations, puisqu'elles sont perçues dans le cadre d'un contrat de travail. La différence est de taille, puisque les plus-values sont imposées au taux de 30,1 % (prélèvements sociaux compris) contre d'une part une imposition qui peut aller jusqu'à 45 % au taux progressif de l'impôt sur le revenu et, d'autre part, des charges sociales qui peuvent atteindre 23 % pour le salarié et 45 % pour l'employeur. Immédiatement, l'Association française des investisseurs en capital a exprimé "son étonnement et sa désapprobation", et a rappelé que le régime fiscal du carried interest avait été fixé par la loi de finances pour 2009, consacrant l'imposition selon le régime des plus-values si certaines conditions étaient respectées.

Un régime de faveur fixé très récemment

"Le régime issu de la loi de finances pour 2009 est venu confirmer un certain nombre de règles non écrites concernant la fiscalité du carried interest, en encadrant néanmoins le régime de faveur, explique François Lugand, avocat associé chez Arsène Taxand. Il impose notamment que la souscription des parts de carried interest soit un réel investissement, effectué à un prix de marché et dans les mêmes conditions pour tous. Il fixe en outre un investissement minimum de 1 % du montant du fonds levé, tout en prévoyant qu'un seuil dérogatoire sera fixé par décret." Ce décret a été publié le 16 octobre dernier et prévoit en effet un allégement du plancher d'investissement dans un certain nombre de cas. "Comme dans de nombreux dispositifs récents, le gouvernement a voulu favoriser les investissements réalisés dans les entreprises innovantes et les PME, explique ainsi Daniel Schmidt, avocat associé chez Proskauer Rose. Les gérants de FCPR qui sont investis majoritairement dans ces deux catégories d'entreprises, ainsi que ceux des FIP et des FCPI, voient ainsi leur investissement minimum réduit à 0,25 %. Les autres fonds ont la possibilité de saisir une commission dépendant de Bercy, qui décidera de l'opportunité de leur accorder une dérogation, sans que le plancher d'investissement soit inférieur à 0,5 %."

Vers un durcissement de la fiscalité

Les spécialistes du private equity se déclarent tous surpris par la coïncidence entre l'entrée en vigueur du nouveau régime et le dépôt de l'amendement qui veut remettre à plat une solution qu'ils estiment équilibrée et qui a été longuement négociée à Bercy. Ils rappellent également que les dispositions fiscales désormais applicables sont le fruit d'un amendement déposé l'an dernier par Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, et lui aussi centriste. Mais pour le sénateur, il n'y a pas de contradiction. "J'estime que le dispositif que j'avais présenté a été dévoyé par le régime dérogatoire, explique ce dernier. Le principe était qu'il fallait, pour bénéficier du régime des plus-values, réaliser un vrai investissement, qui comporte un risque, sur une durée supérieure à cinq ans, et d'un montant significatif, soit 1 % du fonds. Si les gérants ne souhaitaient pas investir dans cette proportion, ils étaient soumis à l'impôt sur le revenu ; 0,25 % ce n'est pas convenable !" Que va-t-il advenir de la fiscalité du carried interest ? L'amendement Courson devait être débattu en toute fin de semaine dernière, mais Jean Arthuis a déjà annoncé qu'il réfléchissait au dépôt d'un amendement allant dans le sens d'une imposition au titre des rémunérations. "Les gérants de private equity craignaient que l'adoption du dispositif en 2009 n'ouvre la boîte de Pandore sur la question de leur traitement fiscal, explique François Lugand. Même si l'amendement Courson n'aboutit pas, ils savent qu'ils ont désormais une épée de Damoclès au-dessus de la tête." S'il n'est pas certain que le gouvernement accepte que le nouveau régime soit totalement remis en cause, certains spécialistes envisagent l'adoption d'un système intermédiaire, permettant l'imposition au titre des plus-values jusqu'à un certain montant jugé légitime et la taxation au titre de l'impôt sur le revenu au-delà. Guillaume Benoit