Chronique / Le délicat exercice de l'"exit strategy"

03/11/2009 - 10:24 - Option Finance

(AOF / Funds) - Au paroxysme de la crise, les gouvernements et les banques centrales ont pris des mesures d'urgence de politiques budgétaire et monétaire sans précédent. Aujourd'hui, la situation économique et financière montre des signes tangibles d'amélioration. Il paraît légitime de s'interroger sur le bien-fondé du maintien de ces stimuli exceptionnels ; autrement dit, faut-il mettre en oeuvre une politique de retour à la normale ou d'"exit strategy" ? En réalité, la Fed est déjà en train de réduire ses facilités de prêts et de mettre fin à un certain nombre de dispositions non conventionnelles, comme la garantie aux fonds monétaires et les rachats d'obligations du Trésor pour un montant de 300 milliards. En revanche, la banque centrale américaine va poursuivre ses achats de MBS jusqu'à la fin du mois de mars 2010, avec comme objectif d'en accumuler jusqu'à 1 250 milliards. Pour sa part, la Banque centrale européenne a majoritairement axé son action sur deux opérations de prêts à un an de 442 et 75 milliards d'euros, dont les échéances sont respectivement prévues le 1er juillet et le 30 septembre 2010. Simultanément, la BCE a mis en place un programme d'achats de titres sécurisés à hauteur de 60 milliards d'euros qui, en principe, prendra fin en juillet 2010. En définitive, les intervenants des marchés financiers ont une vue assez précise du calendrier d'extinction de la plupart de ces mesures quantitatives. En revanche, il en est tout autrement concernant l'horizon d'un retour à une certaine normalité des taux directeurs des banques centrales. Celles-ci doivent trouver le juste équilibre entre un "cutting back on stimulus too soon" et un "too low for too long". La lecture des taux "forward" est intéressante. En effet, les marchés s'attendent d'ici à la fin du mois de juin à ce que la Fed relève ses taux de 0,25 à 0,75 % et que la BCE passe de 1 à 1,25 %. Ces anticipations vont clairement à l'encontre des niveaux d'équilibre de taux courts modélisés à l'aide de la règle de Taylor. Celle-ci suggère que les taux devraient théoriquement rester en territoire négatif bien au-delà de 2010. La vérité se situe probablement entre les deux. En effet, les dangers d'un accès gratuit à la liquidité pour des quantités illimitées sont bien connus. A contrario, une remontée trop rapide des taux d'intérêt risquerait de déstabiliser une croissance économique fragile. Quoi qu'il en soit, si la conjoncture américaine continue de s'améliorer dans les prochains trimestres, la Fed n'aura d'autre choix que de sortir de sa politique de taux zéro au cours du second semestre 2010 et d'en assumer les risques. La BCE, de son côté, actuellement à 1 %, pourra se permettre d'attendre 2011.Force est de constater que l'exercice de l'"exit strategy" se révèle pour les banques centrales être plus difficile à piloter que la gestion de la crise elle-même. Thierry Million, directeur de la gestion obligataire et de la recherche quantitative, Allianz Global Investors France