Des opportunités sur la dette émergente

03/11/2009 - 10:29 - Option Finance

(AOF / Funds) - Avec une prévision de croissance de 5,1 % du PIB réel des pays émergents en 2010, selon les anticipations du FMI, contre seulement 1,3 % pour les pays développés, on comprend pourquoi la zone émergente attire les investisseurs, et pas seulement pour les actions. "Les écarts considérables de croissance entre les pays émergents et le monde développé devraient continuer d'attirer les flux de capitaux vers les marchés émergents, anticipe BNY Mellon Asset Management. Ces afflux de capitaux devraient accroître l'appréciation de différentes devises émergentes." Pour jouer la valorisation de ces devises, les investisseurs peuvent choisir des OPCVM investis, en tout ou partie, dans de la dette émergente libellée en devise locale (DEL), plutôt que dans celle émise en dollar. Cela est d'autant plus intéressant que le marché de la dette émergente locale est beaucoup plus profond que celui de la dette libellée en monnaie forte. "Les émissions obligataires des pays émergents en monnaie locale se sont substituées progressivement à celles émises en dollar", indique Hervé Thiard directeur général Pictet & Cie Paris. Alors que la dette en monnaie forte (dollar) stagne aux alentours de 200 milliards de dollars depuis environ huit ans, celle en monnaie locale est de plus en plus demandée. Elle représente ainsi, au 9 septembre dernier, plus de 1 000 milliards de dollars, contre environ 200 milliards de dollars en 2002, selon les données de JPMorgan. "Cette demande est plus diversifiée et moins spéculative qu'il y a cinq ans, explique Hervé Thiard. Historiquement, elle provenait des fonds alternatifs, auxquels se sont ajoutés des fonds de pension internationaux, puis nationaux, des banques centrales et des fonds d'investissement. Nous recevons maintenant des appels d'offres pour la gestion de cette classe d'actifs. De plus, pour ceux qui ont raté le rebond des marchés actions des pays émergents cette année, la dette émergente est un bon moyen de profiter de la croissance de ces pays". Dans la pratique, une sélection pays par pays est importante au sein de cette classe d'actifs. Tout d'abord parce que "les pays émergents ont une performance faiblement corrélée entre eux, explique Hervé Thiard. A titre d'exemple, les dettes souveraines brésilienne et chilienne ont une corrélation pratiquement nulle. Par ailleurs, les pays asiatiques, le Brésil et la Pologne ont montré qu'ils avaient une croissance autonome par rapport au reste du monde". La Pologne, et plus largement l'Europe de l'Est, permet par exemple de jouer l'histoire de la convergence dans le cadre d'un processus d'adhésion à l'euro. "A l'approche de son adhésion à l'euro, nous anticipons pour la Pologne une baisse des taux longs et une appréciation de sa monnaie, explique Etienne Pourny, P-DG de Stelphia AM, à qui Ofi AM et La Banque Postale AM ont confié la gestion de fonds spécialisés. C'est pourquoi nous jouons la partie longue de la courbe des taux. A titre d'exemple, la dette locale polonaise à maturité 2022 délivre un rendement de 6,15 % avec un potentiel d'appréciation de sa monnaie de 22 %. Nous regardons également les dettes émises en euro par les pays Baltes et la Macédoine. L'obligation 2013 émise par la Macédoine, avec un rating de BB +, offre par exemple un rendement de 7,15 %." Un autre élément en faveur de l'intégration de la dette émergente dans les portefeuilles des investisseurs tient à l'amélioration des ratings des pays émergents. "Aujourd'hui, la dette emergente est devenue une classe d'actifs qui est arrivée à maturité, affirme Charles Zerah, responsable de la gestion obligataire émergente chez CAAM. Les probabilités de défaut des souverains émergents à court terme ont fortement diminué, du fait de l'amélioration des fondamentaux macroéconomiques. Pour Standard & Poor's et Fitch, le monde émergent est en moyenne noté BB +, contre BB - il y a environ dix ans. » De plus, la volatilité de cette classe d'actifs s'est globalement réduite. "Depuis la dernière grande crise des marchés émergents à la fin des années 1990, la situation financière de ces pays s'est assainie, avec notamment l'instauration par les banques centrales d'objectifs d'inflation, explique Hervé Thiard. Maintenant, la plupart des pays ont opté pour un système de change variable. La normalisation des fondamentaux de ces pays réduit la volatilité de la classe d'actifs. Cela nous permet de travailler deux moteurs de performance : le positionnement sur la courbe des taux ainsi que l'appréciation des monnaies locales." Si l'aversion au risque sur la dette émergente a certes diminué et est de plus en plus faible, cette classe d'actifs fait néanmoins partie des actifs les plus risqués dans un portefeuille. Le rendement de cette classe d'actifs est d'ailleurs proche de celui des actions émergentes. Depuis fin 2001, le rendement annualisé de la dette émergente locale s'élève ainsi à 13,33 %, contre 17,45 % pour les actions de pays émergents, 8,47 % pour la dette high yield, 5,73 % pour la dette américaine, 1,50 % pour les matières premières selon les données de JPMorgan/HSBC/Bloomberg au 30 septembre dernier. Cependant, comparée aux autres classes d'actifs, la dette émergente locale offre un des meilleurs couple rendement/risque. Elle obtient en effet le second meilleur ratio de Sharpe - qui mesure la capacité à obtenir une rentabilité supérieure à celle d'un placement sans risque avec le moins de volatilité possible. Plus le ratio est élevé, meilleur est le rapport rendement/risque. Entre le 31 décembre 2001 et fin septembre dernier, la DEL affichait un ratio de 0,94, contre 0,59 pour les actions pays émergents, - 0,04 pour les commodities, - 0,21 pour le S&P 500. Pour optimiser le couple rendement/risque, "l'horizon de placement en dette émergente doit être d'au minimum deux à trois ans, prévient Charles Zerah. Un investisseur qui serait entré au pire moment de la crise serait redevenu positif aujourd'hui". Dans les faits, les gérants ne sont cependant pas tous égaux. Ainsi, parmi les dix meilleurs fonds sur 459 répertoriés par EuroPerformance dans la catégorie Obligations internationales du secteur pays émergents, la volatilité sur trois ans, au 23 octobre, s'échelonne entre 9,9 % et 15,7 % pour des performances qui varient du simple au double. La sélectivité reste donc de mise. Floriane Tedoldi