L'allocation d'actifs est morte ! Vive l'allocation d'actifs !

05/11/2009 - 15:16 - Option Finance

(AOF / Funds) - Il est encore trop tôt pour tirer toutes les leçons du choc financier. Mais s'il en est une que les investisseurs ont eu à (re)découvrir, c'est que l'allocation d'actifs reste l'enjeu principal de la gestion de portefeuille. D'abord, l'évolution d'un portefeuille dépend fortement de sa composition en classes d'actifs, c'est-à-dire de son exposition aux différents bêta ou risques directionnels. Ensuite, l'alpha, à savoir la valeur dégagée par des stratégies décorrélées du risque de marché, cache très souvent un bêta. Au final, la quasi-totalité du risque d'un portefeuille est directionnel, c'est-à-dire lié aux évolutions des classes d'actifs. Maîtriser ce risque d'allocation, voire en tirer profit, constitue donc bien l'enjeu principal d'une stratégie d'investissement. Reste que l'allocation d'actifs déployée dans sa forme "traditionnelle" a régulièrement échoué, et ce notamment pour trois raisons. D'abord, l'allocataire d'actifs raisonne le plus souvent en termes de "poids" ou "d'exposition". Or ces métriques ne sont pas des mesures de risque, et peuvent donner à tort l'impression que le portefeuille est bien équilibré. Ainsi, la forte montée de l'aversion pour le risque à l'automne 2008 s'est-elle traduite, en moins de deux mois, par la multiplication par 3,5 du risque de drawdown (perte en capital) d'un portefeuille type d'une caisse de pension suisse. Par conséquent, le "poids" est de bien mauvais conseil, singulièrement lorsque les volatilités et corrélations se tendent. Ensuite, les réallocations de portefeuille par un rebalancement "physique" sont coûteuses. Elles génèrent des frais de transactions élevés (notamment en période de crise lorsque le prix de la liquidité s'accroît), et coûtent en performance parce qu'elles prennent du temps. Au total, le réajustement par des transactions physiques réduit sensiblement l'efficacité d'un pilotage tactique d'une allocation d'actifs. Enfin, l'allocation d'actifs, telle qu'elle est pratiquée traditionnellement, permet difficilement de générer de la surperformance. Autant, un gérant d'actions ou obligataire peut ajouter de la valeur par des choix au sein d'un univers extrêmement large, autant cette mission devient difficile pour un allocataire dont le benchmark ne comporte pas plus d'une dizaine de classes d'actifs. Plus encore, le choix tactique se réduit souvent à un seul pari sur les actions. En effet, une surexposition de 10 % sur les actions, par exemple, aux dépens des obligations, n'est pas un pari action contre obligataire, mais revient à un seul pari actions en termes de budget de risque. Les actions étant environ six fois plus volatiles que les obligations, ce pari tactique est six fois plus concentré sur les actions. Autant dire que la performance tactique par rapport au benchmark dépend essentiellement, dans cet exemple caractéristique, de l'évolution future des actions... C'est pourquoi, il devient important de mettre en oeuvre une allocation d'actifs "nouvelle génération" qui contournerait les trois écueils énoncés précédemment. Il y a "l'esprit et la lettre" dans une allocation d'actifs. La "lettre" c'est l'exposition ; "l'esprit", c'est le risque. Il est donc nécessaire d'avoir une allocation qui en conserve l'esprit original, c'est-à-dire qui maintient constant le risque du portefeuille. Il faudra alors s'éloigner sensiblement de la "lettre", c'est-à-dire des expositions initiales. Nous suggérons ainsi une approche dite VDA ("volatility-driven allocation") qui ajuste les expositions à l'environnement de risque. Il convient de mettre en oeuvre une approche overlay consistant à piloter une allocation par un panier de produits dérivés cotés et liquides (essentiellement des futures). On gagne en réactivité et en coût de transactions. Cette approche permet également de gérer tactiquement des actifs illiquides via des produits liquides. Par exemple, on peut ajuster très rapidement des expositions au crédit, aux convertibles ou sur des hedge funds avec un panier de futures qui répliquerait ces mêmes expositions. On retrouve là l'essence même des dérivés, la gestion d'un besoin de couverture sans consommation de capital. Enfin, il est temps de coupler l'approche long-only de gestion du benchmark stratégique, avec une gestion en pur rendement absolu (long-short). Cela élargira l'univers d'expression du gérant allocataire au-delà de son benchmark, en lui permettant de mettre en place des stratégies non traditionnelles (par exemple sur la pente ou la convexité des taux...). Ainsi, parmi les enseignements de la crise que pourraient tirer prochainement les investisseurs institutionnels ou family offices, il pourrait bien y avoir la nécessité de recourir à un nouveau partenaire : le gérant tactique. Christophe Morel, responsable de la gestion tactique overlay chez Lombard Odier

AOF - EN SAVOIR PLUS

LEXIQUE

Bêta : Le coefficient bêta d'un instrument financier mesure la volatilité d'un titre en comparant l'évolution de sa valeur par rapport au marché. Par exemple, une action ou un fonds à bêta élevé (supérieur à 1) accompagne en les amplifiant les fluctuations du marché ou de l'indice de référence (sur-performant dans les phases de hausse, mais sous-performant dans les baisses). Un titre ou un fonds dont le bêta est inférieur à 1 fluctue moins que le marché. Alpha : L'alpha désigne la surperformance ou la sous-performance du fonds par rapport à celle de son indice de référence. Plus l'alpha est important, meilleures sont les performances du fonds par rapport à celles du marché. Il mesure la différence entre les résultats actuels d'un fonds et les résultats qu'un fonds moyen ayant le même bêta (qui mesure la sensibilité d'un fonds à son indice de référence) et étant dans la même catégorie devrait statistiquement atteindre. Il est calculé par régression linéaire sur une période de 36 mois. Benchmark : Le benchmark désigne tout élément qui peut servir de référence, d'élément de comparaison pour l'analyse de la rentabilité et du risque d'un portefeuille. Le benchmark utilisé peut être un indice (CAC 40, SBF 120.) ou une combinaison de plusieurs références. Il est habituel de comparer les variations d'une valeur d'un indice (par exemple : France Télécom) avec la variation de l'indice en question (par exemple : le CAC 40). Dans ce cas, le CAC 40 constitue le benchmark.