Chronique / Le délicat problème des stratégies de sortie budgétaires

13/11/2009 - 11:47 - Option Finance

(AOF / Funds) - La crise financière a freiné brutalement - pour dire le moins - la progression de l'endettement privé. Elle a ainsi forcé les gouvernements des pays occidentaux à intervenir pour prévenir un effondrement dramatique de la demande intérieure. Non sans quelques hésitations, ces derniers ont eu la sagesse de décider, fin 2008, de laisser se creuser les déficits publics. A défaut d'être vraiment coordonnées, les mesures prises par chacun ont, sous l'effet d'une même urgence, été synchronisées et suffisamment massives pour contribuer à enrayer la dépression qui s'amorçait alors. Elles vont néanmoins conduire à une profonde dégradation de finances publiques qui, dans beaucoup de pays occidentaux, étaient déjà dans un état préoccupant. La plupart des Etats vont maintenant devoir aborder les problèmes budgétaires liés au vieillissement de leur population avec une dette dont le poids sera de moitié plus élevé que celui attendu il y a seulement un an. A la différence du soutien, massif lui aussi, apporté par les banques centrales, celui apporté par les budgets publics laisse ainsi des traces longues à effacer et coûteuses à porter. Il n'en est que plus important de s'interroger pour savoir quand et comment on pourra, demain, y mettre un terme. En matière budgétaire, la première question posée par les "stratégies de sortie" est bien sûr celle du moment où chaque gouvernement devra commencer à mener une politique plus restrictive. L'économie mondiale aurait ici tout à gagner à ce que la décision soit prise de façon coordonnée. Le risque est en effet que certains Etats soient tentés de remettre le plus vite possible en ordre leurs finances publiques en espérant que, leurs voisins ne faisant pas de même, les conséquences pour leur économie en seront atténuées. Une coordination permettrait au contraire aux gouvernements de décider ensemble du moment où l'économie mondiale est en état de supporter un freinage fiscal progressif et de laisser ceux dont les finances publiques sont les plus détériorées prendre, les premiers, des mesures restrictives. Une coordination aussi ambitieuse relève bien sûr du voeu pieux. La bonne nouvelle néanmoins est que le risque de voir les pays s'engager "chacun pour soi" dans un rééquilibrage budgétaire prématuré semble écarté. Du côté américain, l'état du marché du travail, comme celui des finances des Etats et collectivités locales, est suffisamment détérioré pour amener le Congrès, passant outre ses réticences, à prolonger une partie des mesures de soutien budgétaire mises en place. En Europe, où la décision de l'Espagne de monter les impôts dès 2010 a pu un moment inquiéter, l'annonce des projets de baisse d'impôts du nouveau gouvernement allemand, venant après celle du budget français, montre que la restriction fiscale n'est pas pour demain. Il est difficile toutefois de voir dans tout ceci autre chose qu'une simple juxtaposition de décisions nationales qui laissent entier le problème de savoir comment s'organisera la "sortie" de la stimulation fiscale. Avec même, dans le cas européen en particulier, un risque de complication supplémentaire : celui de voir demain la Banque centrale juger que la conjoncture s'est suffisamment améliorée et s'inquiéter des conséquences pour l'inflation du maintien de déficits publics trop importants ! Le timing n'est pas le seul problème posé par les "stratégies de sortie" budgétaires. Le choix de la manière dont, dans chaque pays, se fera le rééquilibrage est lui aussi délicat. La conjoncture des économies occidentales va rester longtemps fragile et les premières mesures de restriction fiscale devront en tenir compte. Dans chaque pays, il faudra donc préférer celles qui permettent d'obtenir le meilleur "retour" fiscal en faisant peser le moins de risque possible sur la conjoncture. Or, sur ce plan aussi, les pays sont dans des situations très différentes. En montant "raisonnablement" le taux d'imposition direct payé par les Américains aux revenus les plus élevés - les 5 % pour lesquels Barack Obama n'a pas exclu de hausse d'impôts ! - on peut réduire de deux points de PIB le déficit public américain sans trop freiner la conjoncture (une partie importante de cette hausse viendra réduire non la dépense mais l'épargne de ceux qui la subissent). Pour arriver au même résultat, il faudrait en France pratiquement doubler le montant de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. L'assainissement des finances publiques passera donc forcément chez nous par une réduction de dépenses ou une hausse des prélèvements non progressifs dont les effets sur la demande intérieure sont plus brutaux et dont le maniement dans une conjoncture de sortie de crise - l'expérience de hausse de la TVA au Japon en 1997 le rappelle - est, partant, plus délicat... Débattre au niveau national et international et tenter de s'accorder sur les "stratégies de sortie" n'en est que plus important. Par Anton Brender, chef économiste, Dexia AM